MSF soigne actuellement 35.000 malades du sida par anti-rétroviraux dans près de 30 pays. "Aujourd'hui, le prix des tri-thérapies utilisées par MSF dans ses programmes VIH/sida est de moins de 250 $ par patient et par an, explique Fernando Pascual, pharmacien et l'un des auteurs du rapport de MSF. Ce coût n'a été rendu possible que parce qu'il n'existait pas encore de brevets sur les médicaments dans les principaux pays fabricants comme le Brésil et l'Inde, et parce que ces génériques ont permis de concurrencer les médicaments de marque, qui, en 2000, proposaient des tri-thérapies à 10.000 $ par patient et par an.
Mais, les malades déjà traités par anti-rétroviraux vont inéluctablement devoir être mis sous une nouvelle ligne de traitement (traitement de deuxième ou de troisième ligne), lorsque le virus aura développé des résistances. Or, les nouvelles molécules produis par les grands laboratoires ont déjà un coût très élevé. Il n'existe pas aujourd'hui de versions génériques de ces nouveaux médicaments et il n'en existera pas avant de nombreuses années.
En effet, le 1er janvier 2005, l'Inde, l'un des principaux pays fournisseurs d'ARV génériques, a dû intégrer dans sa législation l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et doit donc délivrer des brevets sur les médicaments pour une durée de 20 ans minimum. Ainsi, pour les nouveaux médicaments, le détenteur d'un brevet sera désormais le seul producteur possible. Les fabricants de génériques ne pouvant le copier, ce fournisseur unique pourra fixer un prix de monopole sur ces nouveaux médicaments.
" Dans nos programmes, le nombre de patients traités avec une seconde ligne de traitement est encore peu élevé, mais le coût de ces traitements est exorbitant", explique le Dr Felipe Garcia de la Vega, spécialiste du sida pour la campagne d'Accès aux médicaments essentiels de MSF. Ainsi, au Guatemala, MSF soigne par ARV 1.700 personnes atteintes du VIH/sida. 11 d'entre elles ont dû être mises sous une seconde ligne de traitement, utilisant notamment le lopinavir/ritonavir (Kaletra® du laboratoire Abbot). Abbott vend son médicament au prix de 2,66 $ la gélule. Ainsi, MSF dépense plus de 5 800 $ par malade et par an pour ce seul médicament. "
L'OMS estime désormais que, sur les 6,5 millions de personnes ayant un besoin urgent d'ARV dans les pays en développement, seul un million en bénéficie. La majorité de ces malades suit actuellement des traitements de première ligne, mais un certain nombre d'entre eux auront besoin de traitements de seconde ligne dans quelques années. C'est déjà le cas au Brésil qui a mis en place un programme national de traitement du sida depuis 1996. Aujourd'hui, le pays consacre 63 % du total de son budget pour seulement trois médicaments (le lopinavir / ritonavir d'Abbott, le tenofovir de Gilead et l'efavirenz de Merck).
De plus, selon le rapport MSF, le système de prix réduits mis en place par les laboratoires pour les pays en développement n'est pas non plus suffisant pour garantir un accès abordable aux médicaments, ni aujourd'hui et encore moins dans le futur. Ce système de prix différenciés pose trois types de problèmes :
- Certains médicaments qui ne sont produits que par un seul fabricant sont tout simplement très chers. C'est le cas de l'Abacavir de GlaxoSmithKline qui atteint plus de 800 $ par patient et par an dans les pays en développement
- Les prix annoncés par les sociétés pharmaceutiques ne sont que des effets d'annonce, soit parce que les fabricants n'ont pas enregistré leurs médicaments dans un pays, soit parce qu'ils ne sont tout simplement pas commercialisés. C'est le cas de certains médicaments brevetés au Mozambique et au Cambodge, ou de certains médicaments génériques en Amérique latine
- Enfin, certaines compagnies pharmaceutiques n'offrent pas de prix réduits aux pays à revenu intermédiaire.
Si l'accès aux médicaments reste limité pour les adultes, celui des traitements anti-rétroviraux pour les enfants est encore plus restreint. Parce que les enfants ne représentent pas un marché dans les pays riches, les laboratoires n'ont pas développé des formules pédiatriques pour toutes les molécules anti-rétrovirales. Quand elles existent, elles sont d'un prix très élevé. Ainsi, traiter un enfant malade du sida coûte 4 fois plus cher que de soigner un adulte.