Urgence Gaza/Liban

Gaza : un rapport de MSF dénonce la campagne
de destruction totale menée par Israël

Lire le rapport

Faites un don

Chapo

Nos équipes sont mobilisées 24h/24 pour venir en aide aux victimes. Faites un don au “Fonds régional - Urgence Gaza" pour nous aider à poursuivre nos actions dans les zones touchées par ce conflit.

Je soutiens les actions de MSF

Discours prononcé lors de l'obtention par MSF du prix Nobel de la paix

Remise du prix Nobel de la paix pour MSF. Sur la photo James Orbinski. Octobre 1999. 
Remise du prix Nobel de la paix pour MSF. Sur la photo James Orbinski. Octobre 1999.  © Patrick Robert

Ce discours, prononcé devant le Comité Nobel, détaille la conception de l'humanitaire que défend MSF. Et rappelle que travailler pour la paix n'est pas l'objet de l'action humanitaire, mais une responsabilité politique. Ce n'est donc pas un hasard si le discours commence par un appel à l'arrêt des bombardements de Grozny, la capitale tchétchène.

Discours prononcé par le Dr James Orbinski, Président international de MSF

Oslo, le 10 décembre 1999
 

Messieurs les membres du Comité Nobel, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Les populations tchétchènes et les habitants de Grozny sont, en ce moment même et depuis plus de trois mois, victimes des bombardements indiscriminés des forces armées russes. Pour eux, l'aide humanitaire est aujourd'hui quasiment inexistante. Les personnes âgées, les plus faibles, les malades sont prisonniers des bombardements, dans l'incapacité de fuir la capitale tchétchène.
Les populations en danger et le respect de leur dignité sont au cœur de la distinction que vous nous remettez aujourd'hui. Par ce geste, vous récompensez notre façon particulière de répondre à leur détresse. Je demande solennellement aujourd'hui à Son Excellence l'Ambassadeur de Russie et, par son intermédiaire, au Président russe Boris Eltsine, de mettre un terme aux bombardements des civils tchétchènes sans défense. Si les conflits et les guerres sont bien l'affaire des Etats, les violations du droit humanitaire, les crimes de guerre et les crimes contre l'Humanité concernent chacun d'entre nous.

Laissez-moi vous dire à présent que nous acceptons avec une sincère gratitude la distinction que le Comité Nobel nous remet aujourd'hui. Nous l'acceptons avec gratitude, mais aussi avec un profond malaise à l'idée que la dignité des exclus, des personnes les plus vulnérables est, chaque jour, bafouée.

Je pense aux populations en danger, oubliées, comme ces enfants des rues qui se battent chaque jour, chaque heure pour survivre et se nourrir des déchets laissés par leurs concitoyens qui, eux, sont insérés dans l'ordre économique et social. Je pense également à ces réfugiés illégaux auprès desquels nous travaillons en Europe. Auprès de ces réfugiés, déchus de toute existence légale qui, vivant dans la terreur d'être expulsés n'osent même pas se faire soigner.

L'action de Médecins Sans Frontières consiste à porter assistance aux populations en situation de crise. Mais, apporter des soins aux populations en danger va au-delà du simple geste médical. L'action humanitaire est plus qu'un acte de générosité ou de charité. Elle vise à construire des espaces de normalité quand tout semble anormal. Au-delà de l'aide matérielle que nous apportons, nous voulons permettre aux individus de retrouver leurs droits et leur dignité. En tant qu'organisation indépendante, composée de volontaires, nous agissons, nous témoignons dans l'objectif d'aider, mais aussi d'induire des changements, de dénoncer les injustices. Notre action et notre parole sont des actes d'indignation.

La récompense que vous nous remettez aujourd'hui aurait pu être remise à d'autres organisations, d'autres individus, qui se battent dans leur propre société. Mais vous avez fait le choix de distinguer Médecins Sans Frontières. En 1971, un groupe de médecins français et de journalistes créait notre association pour porter assistance, parfois au mépris des lois et des pratiques des gouvernements. Le silence a souvent été confondu avec la neutralité, il a souvent été présenté comme une condition nécessaire pour mener des actions humanitaires. MSF s'est construit en réfutant cette hypothèse. Car si nous ne sommes pas sûrs que la parole peut sauver, nous savons que le silence tue. Depuis plus de 28 ans, notre action s'inscrit dans cette éthique du refus.

Aujourd'hui nous nous battons, conscients de nos défauts mais forts de nos milliers de volontaires et employés nationaux et avec le soutien financier et moral de millions de donateurs. Nous partageons cette récompense avec tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, ont un jour lutté et luttent encore pour faire vivre cette réalité fragile qu'est MSF.

L'action humanitaire prend place lorsque l'action politique a échoué ou est en crise. Nous ne cherchons pas à nous substituer au pouvoir politique mais avant tout à soulager les souffrances. Cette action doit être libre et indépendante de toute influence politique. Les pouvoirs politiques eux doivent garantir un cadre dans lequel elle puisse être menée.

En temps de guerre, ce cadre est le droit humanitaire. Il définit les droits des victimes et des organisations humanitaires. Il définit aussi le devoir des Etats à garantir ces droits, sanctionner les violations, telles que les Crimes de Guerre. Aujourd'hui pourtant l'accès aux victimes des conflits nous est souvent refusé et l'assistance humanitaire est utilisée comme arme de guerre par les belligérants. Plus grave encore, nous assistons à la militarisation de l'action humanitaire par la communauté internationale.

C'est pourquoi nous prenons la parole pour forcer les politiques à assumer leurs responsabilités. On ne peut pas laisser croire que l'humanitaire seul peut mettre un terme à la guerre. L'humanitaire n'est qu'une réponse des citoyens aux manquements des politiques, une action immédiate, à court terme, qui ne peut faire oublier la responsabilité politique des Etats.
De même, les événements tels que le processus de nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité commis en Bosnie-Herzégovine en 1992, le génocide au Rwanda en 1994, les massacres de 1997 au Zaïre et les attaques systématiques contre les civils Tchétchènes, ne peuvent cacher leur vrai visage sous des appellations telles "qu'urgence humanitaire", "affaire intérieure", ou par aucun autre euphémisme qui dédouanent les Etats de leurs responsabilités. Les mots que l'on utilise sont déterminants pour qualifier ces situations, identifier les problèmes, définir des réponses et donc des responsabilités. Ne nous cachons pas derrière les mots. Un viol est un viol, de la même façon qu'un génocide est un génocide. Les deux sont des crimes qui demandent une autre réponse qu'une réponse humanitaire.

L'action de Médecins Sans Frontières ne s'exerce pas dans le vide, elle prend place dans un contexte politique, un ordre social capable à la fois d'inclure et d'exclure, d'affirmer et de nier, de protéger et d'agresser. Nous existons par rapport à un Etat, par rapport à ses institutions et son pouvoir. Nous existons aussi par rapport à des acteurs non-étatiques. Notre rôle n'est pas de nous substituer aux responsabilités de l'Etat.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une injustice croissante : plus de 90 % des décès dus aux maladies infectieuses surviennent dans les pays en développement. Des patients atteints du Sida, de la tuberculose, de la maladie du sommeil... meurent parce qu'ils n'ont pas accès aux médicaments essentiels qui pourraient les sauver. Ces traitements ne sont pas disponibles soit parce qu'ils sont trop chers, soit parce que leur production a été arrêtée car elle n'était pas rentable, soit enfin parce que la recherche et le développement de nouveaux traitements sont au point mort. Ces mécanismes d'exclusion sont les prochains défis auxquels nous devons faire face. Ce défi ne doit pas être seulement le nôtre, mais aussi celui des gouvernements, des organisations gouvernementales internationales, de l'industrie pharmaceutique et d'autres ONG. Ce que nous demandons en tant que membres de la société civile, ce sont des changements et non des gestes de charité.

Si nous affirmons avec force l'indépendance de l'humanitaire par rapport au politique, ce n'est pas pour opposer les "bonnes" ONG aux "mauvais" gouvernements, ni les sociétés civiles, naturellement vertueuses, aux pouvoirs politiques, naturellement "mauvais". Cette polémique est non seulement fausse, mais dangereuse. L'histoire a montré que les préoccupations humanitaires, issues de la société civile, comme la lutte contre l'esclavage ou le droit à des conditions de vie décentes, ont progressivement gagné en influence faisant pression sur les politiques pour qu'ils s'en emparent. Mais ces convergences d'intérêt ne doivent pas masquer les différences qui continuent à exister entre le politique et l'humanitaire. L'action humanitaire s'inscrit dans le court terme, pour des groupes de personnes et avec des objectifs limités. C'est sa force et, en même temps, sa limite. L'action politique, elle, ne peut que se concevoir dans le long terme.
L'action humanitaire est, par définition, universelle, ou elle n'est pas. La responsabilité humanitaire n'a pas de frontière. Partout dans le monde où la détresse se manifeste, l'humanitaire doit tenter d'y répondre. Par opposition, l'action politique ne peut ignorer les frontières. Lors de l'apparition d'une crise, la réponse politique est fonction des relations historiques, de l'équilibre des pouvoirs, et des intérêts propres à chacun des acteurs. Le temps et l'espace humanitaires ne sont pas ceux des politiques. Ils évoluent dans des directions opposées. Nous refusons toute solution qui passerait par le sacrifice des plus vulnérables. Nous refusons qu'une discrimination s'exerce de façon intentionnelle contre les victimes, nous refusons qu'une victime soit oubliée au détriment d'une autre. Une vie, aujourd'hui, ne peut être évaluée en fonction de la valeur qu'elle aura demain. Soulager la souffrance "ici" ne peut légitimer d'abandonner une autre souffrance "ailleurs". Certes, le manque des moyens induit parfois la nécessité d'effectuer des choix, mais le contexte et les contraintes de l'action ne doivent pas modifier nos principes fondamentaux qui, par définition, ignorent les choix politiques.

Mais la confusion et l'ambiguïté règnent actuellement alors que se développent les opérations militaires qualifiées "d'humanitaires". Nous affirmons avec force le principe d'un humanitaire civil indépendant. Nous critiquons ces interventions qualifiées de "militaro-humanitaires". L'action humanitaire a pour vocation de préserver la vie et non de la détruire. La transparence de nos actions, de nos intentions, comme nos médicaments et nos instruments chirurgicaux, sont les seules armes dont nous disposons. Ce ne peuvent être des avions de combats ou des chars d'assaut, même si parfois, nous pensons que leur utilisation peut répondre à une nécessité. Politiques et militaires sont différents, nous ne pouvons être perçus de la même façon et on ne peut nous forcer à être semblables. C'est pourquoi nous avons refusé les financements des pays membres de l'Otan pour nos opérations au Kosovo. C'est pour cela que nous avons pu être critiques et que, aujourd'hui encore, nous continuons à remettre en cause le discours humanitaire de l'Otan. Sur le terrain, nous pouvons travailler à côté des forces armées, pas sous leur autorité.

Le discours sur le "Droit d'ingérence ", ou le droit d'intervention d'un Etat pour des raisons humanitaire, est source d'ambiguïté. On cherche, derrière le discours humanitaire, à donner une légitimité à une action militaire. Nous devons rappeler que la Charte des Nations unies oblige les Etats à intervenir, si besoin est par la force, quand la paix et la sécurité internationale sont menacées. Il y a danger à utiliser ces raisons pour justifier une action humanitaire. Ce week-end à Helsinki, les gouvernements vont se réunir pour établir les bases d'une armée européenne mobilisable pour des actions humanitaires. Nous demandons aux gouvernements de ne pas aller plus loin sur cette voie dangereuse et ambiguë. Nous encourageons, en revanche, les Etats à se donner les moyens d'assurer la sécurité internationale et de garantir que droit humanitaire et droits de l'homme soient respectés.

L'action humanitaire a, elle aussi, ses limites. Elle ne peut être utilisée comme un substitut à l'action politique. Au Rwanda, au tout début du génocide, MSF a pris la parole publiquement pour demander que soit mis un terme aux massacres par l'usage de la force. Pour la première fois, la Croix-Rouge fit de même. Cet appel n'a rencontré que paralysie institutionnelle, indifférence générale et égoïsme. Le génocide était terminé avant même que l'opération Turquoise ne soit lancée. Je voudrais, un instant, parler de l'une de nos invités, Chantal Bizimungu. Elle a perdu sa famille lors du génocide du Rwanda en 1994.
Aujourd'hui, elle fait partie de MSF à Bruxelles. Elle a survécu au génocide, mais, comme des millions d'autres personnes, son père, sa mère, ses frères et sœurs sont morts. Le même sort a été réservé à plusieurs centaines de nos employés nationaux. A cette époque, j’étais chef de mission à Kigali. Aucun mot ne peut décrire l'incroyable courage avec lequel nos équipes locales ont travaillé. Aucun mot ne peut décrire l'horreur de leur mort. Aucun mot ne peut décrire l'immense douleur que tous les MSF et moi-même ressentirons pour toujours.

Je me souviens de ce qu'une de mes patientes m'a dit à Kigali : "Ummera, ummera - sha". C'est une expression rwandaise qui signifie : "Courage, courage mon ami - trouve et laisse vivre ton courage". Elle n'avait pas seulement été agressée à coups de machettes : son corps tout entier avait été systématiquement et méthodiquement mutilé. Ses oreilles avaientété coupées. Son visage avait été si soigneusement défiguré qu'il ne ressemblait plus qu'à des lambeaux déchiquetés. Des centaines de femmes, d'enfants et d'hommes avaient été amenés à l'hôpital ce jour-là, si nombreux que nous avions dû les allonger dehors, dans la rue. La plupart du temps, nous les opérions là où ils se trouvaient et les caniveaux ne ressemblaient plus qu'à une mare de sang. C'était une femme parmi tant d'autres - vivant dans une souffrance inhumaine et tout simplement indescriptible. Nous ne pouvions qu'arrêter l'hémorragie avec quelques points de suture. Nous étions complètement submergés de travail et elle savait qu'il y en avait beaucoup d'autres comme elle. Elle le savait et je le savais aussi. Elle m'a aidé à sortir de l'enfer dans lequel j'étais plongé. Elle m'a dit, de la voix la plus claire que j'ai jamais entendue : "allez, allez, Ummera, ummera - sha" - "courage, courage mon ami - trouve et laisse vivre ton courage".

On n'arrête pas un génocide avec des médecins, ni une purification ethnique avec des humanitaires. Les humanitaires ne peuvent faire ni la guerre ni la paix. Ce sont des responsabilités politiques et non des impératifs humanitaires. L'acte humanitaire est le plus apolitique de tous les actes, mais il a de grandes implications politiques. Le combat contre l'impunité en est une.

C'est ce qu'a montré la création du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, tout comme l'adoption des statuts de la Cour Criminelle Internationale. Ce sont des avancées significatives. Cependant, alors qu'on célèbre le 50ème anniversaire de la déclaration universelle des Droits de l'Homme, cette Cour n'existe pas encore et ses principes n'ont été ratifiés que par trois Etats l'an dernier. A ce rythme, il faudra 20 ans avant qu’elle existe enfin. Devons-nous attendre si longtemps ? Quel que soit le coût politique que nécessite la création d'une justice des Etats, Médecins Sans Frontières peut et doit affirmer que le coût humain de l'impunité est impossible à supporter.

Seuls les Etats ont le pouvoir d'imposer le respect du droit international humanitaire. Cet effort ne peut pas être simplement symbolique. L'enclave de Srebrenica, en Bosnie Herzégovine, était apparemment une enclave protégée par les Nations unies. Nous y étions. Il y avait aussi des Casques bleus sur le terrain. Mais les Nations Unies sont restées silencieuses, pendant que le peuple de Srebrenica était massacré. Après ces terribles échecs des interventions onusiennes en ex-Yougoslavie et au Rwanda, MSF s'est opposé aux interventions militaires sans mandat, ni responsabilité claire. Les armées doivent être au service des gouvernements et des politiques qui cherchent à protéger les droits des victimes.

Si, après le "mea culpa" du Secrétaire Général suites aux interventions en ex-Yougoslavie et au Rwanda, d'autres opérations militaires des Nations unies doivent voir le jour pour protéger des populations civiles, une réforme des opérations de maintien de la paix des Nations unies devrait être engagée. Les membres du Conseil de Sécurité doivent en effet être tenus pour responsables des décisions qu'ils adoptent -ou n'adoptent pas. Leur utilisation du droit de veto doit être limitée. Les Etats membres doivent être tenus de mettre à disposition les moyens nécessaires pour mettre en œuvre de leurs décisions.

Si l'action humanitaire a des limites, elle a aussi des responsabilités. Il ne s'agit pas simplement de performances techniques ou de règles de conduites à respecter. Il s'agit plutôt d'une éthique de l'action. C'est dans ce sens que l'intention morale de l'action humanitaire doit être confrontée avec son résultat réel. Et c'est ici que toute forme de neutralité morale, visant à définir le "bien", doit être rejetée. Les bonnes intentions peuvent conduire à l'instrumentalisation de l'humanitaire : cela fut le cas lors des déplacements forcés de population en Ethiopie en 1985, ou en 1996, dans les camps de réfugiés à Goma. S'abstenir est alors parfois nécessaire pour s'assurer que l'humanitaire n'est pas utilisé à l'encontre des populations civiles. Récemment, en 1998, nous avons dû quitter la Corée du Nord, où nous avions été la première organisation humanitaire à pouvoir intervenir. Pourquoi ? Parce que nous avons compris que notre aide ne pourrait jamais être distribuée librement, et de façon indépendante des autorités. Nous avons constaté que les plus vulnérables ne pourraient pas bénéficier de l'aide alimentaire tant qu'elle serait utilisée au profit du système. Or, c'est le système lui-même qui est à l'origine de la famine qui affecte des millions des personnes.

Nous devons être libres d'évaluer, de distribuer et de contrôler notre aide pour que les plus vulnérables en soient les premiers bénéficiaires. L'aide ne doit pas masquer les causes réelles de la souffrance, elle ne peut pas être un outil de politique étrangère ou de politique interne. Le cas échéant, nous considérons l'abstention comme la moins mauvaise des options. A MSF, nous nous posons constamment la question des limites et de l'ambiguïté de l'action humanitaire. Particulièrement quand l'action humanitaire se soumet, silencieusement, aux intérêts des Etats et des forces armées.

La semaine dernière, le congrès américain a voté un projet de loi autorisant la distribution directe de nourriture aux rebelles du sud Soudan. C'est une grave erreur, un détournement du sens et de l'intention de l'aide humanitaire. Une telle décision nourrit la guerre. L'Etat se décharge de ses responsabilité et n'utilise pas les moyens politiques dont il dispose. La guerre civile au Soudan, vieille de 17 ans, est aujourd'hui une tragédie humaine : des millions de personnes sont déplacées, menacées par la faim et la maladie, des millions de personnes sont constamment bombardées, volées, pillées et parfois réduites à l'esclavage, l'action humanitaire en est réduit à s'exercer dans de minuscules poches de territoire. La nourriture est-elle le seul moyen pour mettre un frein à la guerre ? Nous devons dénoncer l’utilisation de l'aide alimentaire car elle détourne de son sens l'assistance humanitaire. Si le politique se drape dans les habits de l'humanitaire alors l'humanitaire sera exposé. De même, si l'aide alimentaire est utilisée comme une arme de guerre, affamer une population peut devenir légitimement une arme de guerre.

L'humanitaire indépendant est un combat quotidien pour porter assistance. C'est la réalité de la majorité de nos projets qui se déroulent loin des caméras, loin de l'attention politique, dans les guerres oubliées, les crises chroniques. En Afrique ou ailleurs, ils sont des centaines de milliers à être forcés de quitter leur pays et leur familles pour aller à la recherche de nourriture, de travail, ou simplement pour survivre. Des hommes et des femmes risquent leur vie pour monter clandestinement sur des embarcations et échouer finalement dans des centres de détention pour immigrants, ou à la périphérie de notre monde dit "civilisé".

Nos équipes et nos volontaires travaillent auprès de ces populations dont la dignité est quotidiennement bafouée. Nos volontaires se sont librement engagés pour rendre ce monde un peu plus supportable. En dépit des grands débats sur le nouvel ordre mondial, leur action peut se résumer ainsi : des individus qui se rendent auprès d'autres individus au moment où ils se trouvent dans les pires difficultés. Un pansement, une suture, un vaccin... Et dans les 80 pays où nous travaillons -dont 20 sont en guerre- la possibilité de raconter ce que nous voyons.

Nous remercions à nouveau le Comité Nobel et la reconnaissance qu'il apporte au droit à l'assistance humanitaire, partout dans le monde, la reconnaissance qu'il apporte à la voie que nous avons choisie : celle de témoigner, de rester passionnés et engagés, de respecter les principes de volontariat, d'impartialité. C'est aussi la reconnaissance de ce que nous croyons : à savoir que chaque individu a le droit à une assistance médicale et à la dignité humaine. Nous remercions à nouveau nos volontaires et membres du personnel national qui tentent de faire vivre concrètement ces idéaux ambitieux.

 

© D.R.

Notre histoire

Comprendre l'histoire de Médecins Sans Frontières, de 1971 à aujourd'hui

En savoir plus

Notes

    À lire aussi