Une organisation sans organisation. C’est ce que Jacques Pinel découvre quand il rencontre MSF pour la première fois en Thaïlande. Grâce à lui, l’allure des opérations de MSF va radicalement se transformer en une machine logistique d’une redoutable efficacité. Jacques Pinel raconte ses débuts.
« En 1979, j’étais en touriste à Bangkok chez des copains quand il y a eu cette arrivée massive de réfugiés cambodgiens à la frontière. Ils rentraient par dizaine de milliers après être restés des semaines bloqués à la frontière. Le HCR [Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies] avait mis des affichettes dans les ambassades disant qu’ils cherchaient des volontaires pour travailler sur la frontière. Donc je suis parti avec le HCR, voir si je pouvais servir à quelque chose. Et là, en rentrant dans le camp, on m’a dirigé vers l’équipe de MSF. J’ai dit : « Je suis français, pharmacien, est-ce que je peux servir à quelque chose ? ». On m’a répondu : « Là il y a une équipe médicale, c’est MSF, t’as qu’à aller les voir ».
De l’intendance à la logistique
Il y avait des réfugiés partout, tout le monde était débordé par la situation. Dans un coin des tentes MSF, il y avait plein de cartons sous une bâche, pour les protéger de la pluie. Chacun venait se servir, chercher, voir ce qu’il y avait. Il fallait s’y coller…! Ce fut pour moi la conception de « l’intendance » - on n’appelait pas encore ça la logistique à l’époque… Moi effectivement, ce n’est pas tellement de ranger des trucs sur des étagères qui me passionnait, mais c’est le fait de voir ce qu’il faut faire pour permettre à une équipe médicale de faire son travail médical.
Donc je suis rentré par le côté « médicaments » et puis par proximité, c’est un peu cette organisation générale que j’ai commencé à mettre en place. Il y avait une partie d’administration, et une autre d’intendance de base : que les voitures fonctionnent, que les contrats de location soient renouvelés, que les chauffeurs soient payés, qu’il y ait de l’argent en caisse, etc.
Et comme ça marchait bien, deux ans après mon arrivée, les dirigeants de l’époque m’ont proposé de venir à Paris faire un peu la même chose pour le reste du monde. »