Former du personnel de l’autre côté de la frontière syrienne

L'une des fonctions de Michael était le soutien à un hôpital pour grands brûlés dans le nord de la Syrie.
L'une des fonctions de Michael était le soutien à un hôpital pour grands brûlés, dans le nord de la Syrie. © MSF

La sécurité en Syrie est extrêmement volatile et implique pour Médecins Sans Frontières de gérer certains de ses projets à distance, hors du pays. Michael Hering, de Melbourne en Australie, vient de passer 6 mois en tant que coordinateur logistique à Gaziantep, en Turquie, pour gérer les projets syriens, de l’autre côté de la frontière.

« En Syrie, le personnel qui travaille sur certains de nos projets est exclusivement syrien, car dans plusieurs zones il est très compliqué d’avoir du personnel international. J’étais régulièrement en contact avec eux, de l’autre côté de la frontière : pour former le personnel, organiser ceci et cela, et réagir aux urgences. C’est en travaillant aussi étroitement avec le personnel syrien qu’on comprend mieux leurs difficultés. Certains ont perdu des membres de leur famille, des proches. Pour le moins qu’on puisse dire, la situation est vraiment désespérée. Des barils d’explosifs sont lâchés sur des marchés, des arrêts de bus, il n’y a aucune considération pour la vie humaine. En Syrie, on ne sait jamais quand tombera la prochaine bombe. C’est sans distinction, et c’est juste horrible de vivre avec cette angoisse permanente.

C’est également difficile de quitter la Syrie, et c’est surtout dangereux pour ceux qui le tentent ; c’est pour cette raison, à mon avis, que les gens se sentent piégés. Les pays voisins font ce qu’ils peuvent, avec cet afflux de réfugiés. On m’a aussi parlé de Syriens qui pouvaient partir mais qui ne l’ont pas fait parce qu’ils voulaient rester et agir pour leur pays. C’est le cas pour quelques-unes des personnes qui travaillent avec nous. Ils sont très impliqués dans ce qu’on fait, et c’est surement parce qu’ils savent que la situation est vraiment désespérée. Les gens sont traumatisés, mais pourtant, ils continuent, ce qui est plutôt surprenant. Je considère que c’est un privilège de travailler avec des gens comme ça.

Un hôpital pour les brûlés et un projet d’approvisionnement

En tant que coordinateur logistique, je gérais deux gros projets en Syrie. Le premier est un hôpital de 16 lits géré par MSF au nord de la Syrie, qui est plus particulièrement destiné au traitement des brûlures. Il y a une salle pour les urgences et un bloc opératoire. Le personnel de cet hôpital est exclusivement syrien ; pour la communauté locale, c’est important d’avoir cet hôpital parce que dans cette région, c’est la seule unité spécialisée dans les brûlures.  

L’autre grand projet concerne l’acheminement de fournitures médicales et un appui logistique pour 22 unités de soins soutenues par MSF en Syrie. En fait, c’est le plus gros des deux projets : ces cliniques nous font part de leurs besoins et on leur envoie sur demande des kits médicaux, des kits d’hygiène et du carburant. On leur fournit aussi un appui logistique avec par exemple des pièces détachées pour les ambulances en fonction des besoins, ou des renforts en cas de bombardements ou de raids aériens. Je gérais la chaîne d’approvisionnement pour ce projet, donc j’organisais les achats et le transport des marchandises au départ de la France jusqu’en Turquie et ensuite vers les centres de soins en Syrie. Il reste encore une petite activité industrielle en Syrie et j’ai pu organiser quelques achats locaux.

La formation par Skype

Une grosse partie de mes fonctions consistait à former le personnel qui était de l’autre côté de la frontière, et je le faisais essentiellement par Skype. Beaucoup de gens ont quitté la Syrie et parmi eux, beaucoup de professionnels qualifiés. La plupart de notre personnel a un bon niveau d’éducation, mais ils n’avaient pas les compétences logistiques requises, c’est pour ça que la formation était vraiment essentielle. Les possibilités de formation sont limitées en Syrie, donc nous avons fait notre mieux pour aider le personnel en leur donnant la formation nécessaire.

J’ai eu la chance que mon assistant, c’est à dire le responsable de la logistique côté syrien, puisse venir en Turquie pour que je puisse le former en face-à-face. C’était fantastique. La formation a porté sur toutes les « familles logistiques » qui existent chez MSF, de l’eau potable et de l’assainissement à la sécurité électrique et l’entretien des véhicules. Nous avons également travaillé sur les systèmes de gestion des équipements de laboratoire parce que dans les structures que nous aidons, il y a du matériel pour les analyses biomédicales qu’il faut pouvoir entretenir.

Un personnel local de très haut niveau

C’était la sixième mission de terrain que j’ai fait avec MSF, mais c’est bien la première fois que je me suis trouvé dans un projet « géré à distance ». La formation était l’exemple type des limites que présente ce genre de contexte. Le fait de ne pas travailler en vis-à-vis avec les gens, ou encore de ne pas pouvoir utiliser de supports et outils de formation a rendu les choses très difficiles. Mais le personnel a été absolument génial, fantastique, et les choses se sont passées sans écueil, de façon très efficace, malgré ces contraintes. J’ai adoré faire ces formations, surtout parce que j’ai vu les gens développer très rapidement leurs compétences. Pour moi, c’était la partie la plus gratifiante de la mission. 

Une autre frustration liée à la gestion à distance, c’est de ne pas pouvoir aller rendre visite aux personnes avec lesquelles on travaille, et avec lesquelles on partage tellement de choses. La façon dont on a travaillé, avec un vrai esprit d’équipe, a rendu cette mission très touchante. Des amitiés fortes se sont développées, et je suis toujours en contact avec certaines personnes que j’ai rencontrées là-bas. Maintenant que je suis rentré chez moi, chaque fois que j’entends ce qui se passe en Syrie, mon esprit se tourne immédiatement vers les personnes que j’y ai rencontrées. D’ici, je regarde les infos et je fais des vœux pour la Syrie. Il semblerait que le conflit ne soit pas près de s’arrêter, mais j’ai toujours l’espoir qu’on finira par voir une lumière au bout du tunnel, quelle qu’elle soit. »


Activités de MSF en Syrie et dans les pays voisins en 2015 :

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Notes

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