France : À Calais, pas de répit pour les réfugiés

Zulfaqar jeune migrant irakien réfugié dans la Jungle de Calais.
Zulfaqar, jeune migrant irakien réfugié dans la Jungle de Calais. © Mohammad Ghannam/MSF

Lorsque Zulfaqar est arrivé à Calais, il espérait pouvoir commencer une nouvelle vie aux côtés de son père en Grande-Bretagne. Il ne pouvait imaginer la violence à laquelle il serait confronté dans la Jungle, camp de réfugiés le plus (tristement) célèbre de France. Cet Irakien, âgé de vingt ans, y vit depuis quatre mois. Il est témoin de bagarres entre migrants, de descentes de police aux gaz lacrymogènes, d’insultes racistes de la part de locaux et du surpeuplement qui y règne.

Comme les autres réfugiés de Calais, Zulfaqar n’aurait jamais cru devoir un jour quitter son pays dans la précipitation pour finalement vivre dans une tente délabrée, le plus souvent dans le froid.

« Il était 17h un soir d’octobre 2015 lorsque mon père a pris la décision de tous nous faire quitter la maison pour aller dans un endroit sûr. Les combattants de Daesh tuaient tout le monde sur leur passage, quelle que soit leur religion ou leur secte », raconte Zulfaqar, originaire d’un petit village de l’ouest de Mossoul, dans le nord de l’Irak.

En quelques semaines, son père, chauffeur de camion, est parvenu à trouver une voie d’immigration irrégulière vers la Grande-Bretagne. Il a voyagé seul, sachant qu’il serait ainsi plus facile de solliciter des passeurs et de traverser les frontières. Il avait pour objectif de recourir au regroupement familial et de faire venir sa femme, ses quatre filles et Zulfaqar.

Mais Zulfaqar n’a pas pu attendre que son père lance la procédure et obtienne les visas pour sa famille. « Un matin, j’étais censé retrouver mon ami Ali, mais il était très en retard. Je l’ai appelé et une voix grave m’a répondu. “C’est l’État islamique.” Ali était mort. Ma mère et moi savions que je devais quitter le pays le plus vite possible, que je ne pouvais pas, en tant que jeune homme, rester une seule minute de plus, explique-t-il. Je suis jeune, je ne veux pas mourir. »

Ses yeux s’illuminent. « Ma passion, c’est le football, j’y jouais tout le temps. Souvent, je courais balle au pied, me prenant pour Ronaldo ou Messi et rêvant de me faire acclamer par les supporters. J’ai quitté mon pays plein de rêves et avec l’espoir de trouver le bonheur et la sécurité. C’est ce qui m’a aidé à fuir. Je suis allé en Turquie, puis j’ai pris le bateau en Grèce. J’ai voyagé jusqu’en France où j’ai rejoint Calais. Maintenant, je dois trouver un moyen d’aller au Royaume-Uni. »

Violence et surpeuplement

Depuis que les autorités françaises ont détruit la partie sud de la Jungle en mars dernier, les conditions de vie dans la partie nord se sont fortement détériorées. Selon certaines ONG locales, 1 000 nouvelles personnes seraient arrivées rien que le mois dernier, dont 142 mineurs, ce qui porte le nombre total d’enfants et d’adolescents dans la Jungle à 700 à l’heure actuelle. Dans ces conditions, les gens se battent pour le moindre espace.

« Ici, les violences policières ont rendu la vie de tout le monde bien plus difficile qu’elle ne l’était déjà », raconte Zulfaqar.

Le 20 juin, deux à trois cents réfugiés se sont précipités sur l’autoroute vers l’Eurotunnel en espérant pouvoir grimper sur un camion en direction de la Grande-Bretagne.
Zulfaqar n’était pas de ceux-là. « J’avais peur, confie-t-il. Je me suis précipité dans ma tente et m’y suis enfermé. Mais même à l’intérieur, j’avais du mal à respirer à cause des gaz lacrymogènes que la police avait balancés sur l’autoroute et dans l’ensemble du camp. »

Bachir, jeune Syrien de 17 ans, a fui la ville de Daraa après qu’une frappe aérienne a détruit son foyer. Lui aussi a connu son lot d’expériences violentes en France.
« Un jour que je me promenais dans la ville de Calais, une femme m’a jeté un sac plein d’ordures, se souvient-il. À vrai dire, je ne sais pas pourquoi elle a fait ça. Je ne sais pas si c’était lié à la situation dans la Jungle ou s’il s’agissait simplement d’un geste raciste. »

Bagarres entre migrants

Dans la Jungle, l’espace est devenu si rare que certains migrants tentent de déplacer les sanitaires mis à disposition par les ONG pour s’installer à leur place. Il y a aussi de plus en plus de problèmes avec les rats, malgré de nombreuses tentatives d’éradication de l’animal. Et, pour Zulfaqar, le pire reste les bagarres entre migrants.

« Un soir, le mois dernier, une grosse bagarre entre Soudanais et Afghans a éclaté, raconte-t-il, faisant référence aux deux plus grands groupes de réfugiés de la Jungle. Au début, ce n’était qu’une dispute pour une broutille entre deux hommes, mais ils ont appelé du renfort. Elle a évolué en combat entre les deux communautés. Ils ont brûlé les tentes des uns et des autres. Plus de mille personnes se sont retrouvées sans abri ce jour-là. »

Et dans le même temps, les conteneurs dans lesquels les autorités locales veulent placer les migrants sont pleins, avec 350 personnes sur liste d’attente. « Je suis arrivé à Calais il y a quatre mois, après avoir subi des violences en Irak. Mais ici aussi, la violence est un énorme problème, a expliqué Zulfaqar. Tout ce que je veux, c’est rejoindre mon père au Royaume-Uni. J’espère que d’ici-là, les gens parviendront à vivre en paix dans la Jungle, quand on sait qu’ici, certains sont prêts à se battre pour une brosse à dents, un portable ou un abri pour la nuit. »

Notes

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