France : les “hébergeurs solidaires” ouvrent leur porte à de jeunes migrants isolés

Hosting migrants in Paris
Léonie, 23 ans, vit dans son appartement 2-pièces à Montrouge depuis octobre 2017. Elle l’avait choisi spécifiquement pour accueillir des familles migrantes à la rue, en hébergement d’urgence pour une nuit ou deux. Aujourd’hui, elle héberge de façon pérenne 2 mineurs et en fonction des besoins, Léonie peut accueillir temporairement jusqu’à 4 jeunes. © Antoine Kremer/MSF

Depuis la création en 2018 de “Accueillons”, réseau d’hébergement solidaire à destination des migrants mineurs non accompagnés, par Utopia 56 et Médecins sans Frontières (MSF), 72 jeunes ont pu être mis à l’abri grâce à la solidarité citoyenne. Cependant, ils sont encore nombreux à vivre dans la rue, sans aucune aide de l’Etat et des départements, en attendant la reconnaissance de leur minorité et leur prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. 

« En breton on dit pepiniera ilod, ça veut dire "chacun fait sa part", et nous notre part c’était ça », explique Marlène, hébergeuse solidaire dans le Morbihan. Depuis deux mois, elle accueille dans sa famille Mahamadou, jeune garçon de 17 ans, originaire du Mali. 

Mahamadou explique : « Il y a beaucoup de jeunes comme moi qui vivent dans la rue, nous venons à Paris mais nous ne connaissons personne. Alors on dort dehors, mais il se passe beaucoup de mauvaises choses dans la rue ». 

Marlène se rappelle des questionnements qu’elle a eu avec sa famille avant de devenir hébergeuse solidaire : « Allions-nous être suffisamment ouverts d’esprit et disponibles pour un jeune comme Mahamadou ? Par rapport à la différence d’habitudes, de coutumes : comment allions-nous cohabiter ? ». Face à la méconnaissance de la situation de ces jeunes, les doutes initiaux peuvent être multiples, qu’il s’agisse de langue, de religion, de culture ou tout simplement de disponibilité vis-à-vis du jeune, notamment durant les horaires de travail. Marlène explique désormais que « ça n’est pas une charge, cela demande juste de la tolérance des deux côtés. »

A Saint-Denis en région parisienne, Chenda accueille Fatou*, une jeune fille d’origine ivoirienne. Fatou leur apprend à cuisiner des plats de chez elle, elle apprend un peu de sa langue d’origine, le dioula, à la plus jeune des enfants de la famille. Elle prend des cours de poterie, de français, elle découvre Paris. Chenda raconte : « Accueillir c’est beaucoup de plaisir. C’est des moments de complicités partagés en famille, c’est rencontrer une culture différente et la faire découvrir aux enfants. C’est avoir une vie de famille plus riche, plus dense ». 

Marlène et Chenda, ainsi que 164 autres familles en France, sont devenues des familles d’hébergeurs solidaires en se renseignant, puis en s’inscrivant sur le site hebergementsolidaire.msf.fr

Devenir hébergeur solidaire, c’est tant un engagement citoyen concret qu’une chance pour ces jeunes de trouver un environnement stable, sain et serein, de connaître un temps de répit dans leur parcours et des conditions réellement favorables à leur intégration.

Le réseau Accueillons est présent en Bretagne, Occitanie, Ile-de-France, Hauts de France et Centre - Val de Loire. Il accompagne et soutient les hébergeurs dans leurs démarches. Comme l’explique Marlène : « Pour devenir hébergeur solidaire on s’est inscrits sur le site, ensuite on a rencontré une personne du réseau qui est venue voir la maison, nous expliquer comment ça allait se passer, répondre à nos questions. Par la suite, il y a toujours quelqu’un qui est disponible si on a des questions, un souci, si le jeune n’a pas le moral, si nous on est débordés. On est pas tout seul. »

Le citoyen hébergeur s’engage, pour un mois minimum, à fournir au mineur la restauration et l’hébergement destinés à assurer des conditions de vie dignes et décentes, sans aucune contrepartie directe ou indirecte, quelle qu’elle soit. En moyenne, chaque mineur sera accueilli par trois hébergeurs pendant la durée de son recours. 

Légalement, tout jeune se déclarant à la fois mineur et non accompagné à son arrivée en France doit être protégé et mis à l’abri par l’Etat au nom de la protection de l’enfance, de son arrivée sur le territoire au terme de la procédure administrative qui visera à évaluer sa minorité et son isolement. Mais dans les faits, l’Etat se soustrait à ses obligations, et les associations et la société civile, à l’image des hébergeurs solidaires du réseau Accueillons, deviennent alors le seul soutien de ces jeunes en situation de grande précarité.

* le prénom a été modifié

 

© Antoine Kremer/MSF

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