Les professionnels de la santé palestiniens sont pris en étau dans le conflit d'intérêts opposant l'Autorité palestinienne, Fatah, basée à Ramallah et le gouvernement, Hamas, de Gaza.
Suite au licenciement, par les autorités de Gaza, de 46 professionnels de la santé expérimentés, employés par l'Autorité palestinienne, un mouvement de grève des médecins palestiniens a été initié le 30 août dernier et est toujours en cours dans la bande de Gaza.
Des conséquences catastrophiques. Nos équipes sont en contact régulier avec les structures de santé de la zone. Avec un taux d'absentéisme de 50 à 80% du personnel de santé hospitalier indispensable (médecins, chirurgiens, infirmiers, paramédicaux, pharmaciens), ce mouvement concerne tout le système public de santé (à l'exception des services de dialyse et de néonatalogie).
Les services de santé primaires - tels que les urgences, les unités de soins intensifs et les blocs opératoires - luttent pour maintenir un niveau correct de soins.
La chirurgie spécialisée a été suspendue dans toute la bande de Gaza. Et les transferts de patients vers l'extérieur de la zone - des procédures déjà extrêmement problématiques en temps « normal » compte tenu de l'embargo israélien - sont encore plus limités.
Afflux de patients dans la clinique pédiatrique MSF. Les effets de la grève se font également ressentir sur nos activités. Ainsi, la clinique pédiatrique MSF, située dans le nord de la bande de Gaza, a vu le nombre de ses patients doubler ces derniers jours. Des ajustements ont dû être faits pour répondre à cet afflux (notamment via un renforcement de l'équipe médicale.) Le programme de soins post-opératoires continue de traiter de nombreux blessés, victimes de l'intensification des affrontements inter-palestiniens. Le programme de soins de santé mentale reste stable.
Le syndicat palestinien des travailleurs de la santé encourage ses employés grévistes à se porter volontaires auprès de structures gérées par des ONG et de soigner les patients gratuitement. Or MSF n'a ni la capacité ni la légitimité de gérer les répercussions de cette crise. De même qu'il ne relève de son mandat d'assurer un « service minimum » comme demandé par certaines parties au conflit. MSF refuse de jouer ce rôle. Nous ne pouvons et ne devons pas remplacer l'intégralité d'un système de santé public.
Divisions politiques et pressions inacceptables. La majorité des employés du ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne étant payés par l'Autorité palestinienne (via les dons de la communauté internationale), cette grève est aggravée par le gel des salaires ou même le licenciement de ceux qui refusent d'y participer. Le Hamas de son côté exerce d'importantes pressions sur les personnels médicaux (arrestations, exclusions définitives du secteur de la santé, fermeture de cabinet privés, obligation physique - par les services de sécurité - de se rendre sur leur lieu de travail...)
La politisation du secteur de la santé dans la bande de Gaza est dangereuse aussi bien pour les patients que pour les personnels de santé. Au lieu d'être considérée comme un service essentiel, humanitaire et vital, la santé est utilisée comme un moyen de pression politique par deux parties tout aussi irrespectueuses des conséquences que cela peut avoir pour la population. L'intimidation des personnels de la santé - que ce soit à travers des mesures disciplinaires ou des menaces de violences - n'apaisera en aucun cas une situation déjà difficile et très dégradée. Aujourd'hui, c'est l'accès aux soins des 1,6 millions d'habitants de la bande de Gaza qui est sacrifié au profit d'intérêts politiques.