Grands brûlés : histoires à vif

Grands Brûlés
© Aurelie Baumel/MSF

« Voir Rebecca s’en sortir aussi bien me donne espoir », confie Christelle. 

Pour sensibiliser la population aux dangers que peuvent présenter la manipulation de produits chimiques, l’utilisation de bonbonnes de gaz obsolètes ou des habitudes domestiques à risque, Médecins Sans Frontières a choisi de laisser la parole aux patients. Parce qu’un témoignage avisé et quelques images sont plus convaincants que de simples conseils. Pour que le vécu de Guyousky, Manette et les autres contribuent à réduire le nombre d’accidents par brûlure. Et prouver qu’une guérison est possible. Chaque histoire présente la cause de la brûlure, la prise en charge effectuée par MSF et les principaux changements dans la vie quotidienne des patients et/ou de leur entourage. En témoignant à visage découvert, ils ont aussi choisi de dénoncer le stigma et l’exclusion sociale.

Rebecca, 36 ans

« Quelle idée de se déguiser en Michael Jackson ! J’entends souvent ça dans la rue. Les gens pensent que j’essaye de me blanchir la peau délibérément. Une fois, j’ai réagi en expliquant ma situation. Ça s’est passé en septembre dernier. Il y avait une fuite de gaz chez mon voisin Stanley. Ça sentait jusqu’en bas de la rue. Je me suis approché pour dire aux autres de ne pas rester à proximité. Et boom ! Il y avait un feu de charbon juste à côté. Tout a explosé. Nous étions quatre dans cette rue étroite. Tous n’ont pas eu ma chance. 

Le temps d’hospitalisation était stressant. Je vivais pour la première fois aux côtés d’autant de malades. Mais j’ai gardé espoir pendant tout le processus. Je me disais que j’étais là pour recevoir des soins, pas pour mourir. J’avais beaucoup d’énergies positives. Et j’ai gagné le combat. Une brûlure n’est pas une simple plaie qui guérit et cicatrise normalement. Les risques d’infections sont très élevés et ça gratte énormément. 

Aujourd’hui, je dois porter ces vêtements spéciaux. C’est assez désagréable avec cette chaleur. Je continue de venir à l’hôpital pour les pansements et la thérapie. On vient ensemble avec Stanley. Les rendez-vous de suivi m’empêchent de vaquer à mes activités personnelles en semaine. Ça représente un manque à gagner. Heureusement, j’ai pu garder mon emploi à temps partiel, le week-end, à Radio Métropole. C’est aujourd’hui mon unique revenu. Je regarde néanmoins l’avenir avec espoir. J’ai la certitude que de grandes choses sont à venir. Et j’économise pour aller un jour aux États-Unis faire de la chirurgie esthétique. »

Lorsque la bonbonne de gaz a explosé, quatre personnes se trouvaient dans la ruelle.  Rebecca a été brûlé à plus de 70 %.  

En maintenant une pression sur la cicatrice, les vêtements compressifs aident à lutter contre le gonflement de la peau.

Contrairement à ses activités professionnelles en semaine, Rebecca a pu conserver son emploi du week-end à la Radio.

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Lorsque la bonbonne de gaz a explosé, quatre personnes se trouvaient dans la ruelle.  Rebecca a été brûlé à plus de 70 %.  

En maintenant une pression sur la cicatrice, les vêtements compressifs aident à lutter contre le gonflement de la peau.

Contrairement à ses activités professionnelles en semaine, Rebecca a pu conserver son emploi du week-end à la Radio.

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DR CÉLINE QUENUT, DIRECTRICE MÉDICALE

« Les premières 24 heures de prise en charge sont essentielles pour le grand brûlé. La peau a un rôle de barrière naturelle et de régulation des échanges. Le grand brûlé perd un grand volume de fluides qu’il faut remplacer au plus vite et il est vulnérable aux infections. »

 

Manette, 5 ans

« Je suis au chevet de Manette depuis Noël, au lendemain de sa brûlure. Elle a mis le feu aux copeaux de bois dans l’ébénisterie de son père. Elle a souvent vu les ouvriers faire ça. Ce jour-là, l’atelier était désert. Le feu a pris de l’ampleur. Pour l’éteindre, elle a voulu verser de l’eau. Mais le gallon contenait de l’alcool. Au moment d’ouvrir le récipient, le feu s’est propagé. Nous sommes allés à l’hôpital de référence du département, aux Cayes. Le personnel nous a alors transférées à Drouillard.

Aujourd’hui, je suis triste d’avoir perdu mes habitudes. Je suis évidemment très heureuse que Manette soit en vie. J’avais perdu espoir. Mais, je me sens fatiguée de devoir venir à l’hôpital tous les jours pour les soins. Si les plaies guérissent bien, les cicatrices créent des raideurs et empêchent Manette d’articuler son cou et ses bras normalement. La vie reprend malgré tout.

Depuis l’accident, je suis sans activité. Mon commerce de charbon de bois est en stand by. Les clients qui en avaient acheté à crédit refusent de payer. Ils font comme si je n’existais plus. Je suis triste de voir Manette confinée sous ma jupe à longueur de journée. Avant, elle n’arrêtait pas de jouer avec les autres enfants. J’attends le jour où les médecins diront que nous pouvons rentrer aux Anglais. Entre temps, nous partageons la pièce de ma soeur à Martissant où elle vit avec ses trois enfants. »

Le jour de l’accident, Manette était seule dans l’ébénisterie de son père.

Les exercices d’étirement, souvent douloureux pour le patient, sont très importants pour obtenir et conserver la souplesse de la peau.

Pour ne pas exposer sa peau, Manette doit se protéger du soleil pendant les rares moments qu’elle passe en extérieur.

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Le jour de l’accident, Manette était seule dans l’ébénisterie de son père.

Les exercices d’étirement, souvent douloureux pour le patient, sont très importants pour obtenir et conserver la souplesse de la peau.

Pour ne pas exposer sa peau, Manette doit se protéger du soleil pendant les rares moments qu’elle passe en extérieur.

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Katia, 29 ans

« Les enfants détalent en me voyant dans la rue. Ils sont effrayés. À cause de mon visage. Moi, j’ai peur pour eux ; qu’ils se fassent écraser par une voiture en s’enfuyant. Maintenant, je me cache pour sortir. Depuis l’accident, mon visage est déformé. J’allais prendre un bol dans la cuisine quand j’ai perdu connaissance. C’est la première fois que ça m’arrivait. Je suis tombée dans une casserole d’eau bouillante. Mon cou est resté accroché au réchaud. Mon cousin est venu, alerté par l’épouvantable odeur de brûlé. Il m’a dégagée et conduite à l’hôpital. 

Mon séjour à Drouillard était plus long que je ne m’y attendais. Trois mois. Je pensais constamment à mes activités habituelles, à la maison. Mes cousines me rendaient souvent visite, pour me réconforter. Après être sortie, j’ai dû continuer à me rendre à l’hôpital pour le suivi thérapeutique. À ce moment-là, j’ai commencé à souffrir. Par manque d’argent, j’ai raté plusieurs séances de physiothérapie, ce qui n’arrange pas mes cicatrices. Mon beau visage n’est plus qu’un souvenir. 

Déjà presqu’un an de traitement, mais je dois continuer le suivi. Je suis découragée. Malgré les interventions de chirurgie esthétique, mon apparence ne s’améliore guère. Dans la boutique familiale, on ne veut plus de moi ; sous prétexte de m’éviter les microbes ou de ne pas m’exposer au soleil. Je comprends leur petit jeu. Ils ne veulent pas qu’on me voit. Il ne faut surtout pas faire fuir les clients. »

Katia est épileptique. Il s’agit d’un symptôme neurologique causé par un dysfonctionnement passager du cerveau.

Les conformateurs tentent d’étirer la peau au maximum, afin que celle-ci garde toute son extensibilité.

Katia se cache pour sortir dans la rue pour ne pas effrayer les passants.

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Katia est épileptique. Il s’agit d’un symptôme neurologique causé par un dysfonctionnement passager du cerveau.

Les conformateurs tentent d’étirer la peau au maximum, afin que celle-ci garde toute son extensibilité.

Katia se cache pour sortir dans la rue pour ne pas effrayer les passants.

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Nadler, 11 ans

« Je suis sur le point de quitter l’hôpital, après 10 mois de traitement. Tout le monde est content. On parle de moi comme d’un champion. Je comprends que ma brûlure était très grave. Je ne me rappelle pas vraiment comment c’est arrivé. Fanès, mon grand cousin, était en train de cuisiner quand le chauffeur de taxi moto est venu prendre la bonbonne de gaz propane pour la recharger. J’ai entendu un sifflement. Quelqu’un a dit que c’était une fuite. Tout le reste est flou dans ma tête. Ce dont je suis certain, c’est que j’ai survécu. Alors que d’autres patients ont perdu la vie. 

Je détestais les pansements au bloc opératoire. Au début, il fallait les faire très souvent. Après, un peu moins. Mais à chaque fois j’avais la sensation que j’allais mourir. Pendant longtemps je n’avais pas d’appétit. Je n’avais pas la force de manger ou de faire des exercices. Mais j’ai été très soutenu par le personnel soignant. J’ai suivi tout le traitement sans sortir de l’hôpital. Les jours étaient longs, avec peu d’activités ou de distraction. Parfois, j’ai lu et relu les quelques livres qui m’ont été offerts jusqu’à épuisement. Maintenant, je suis complètement guéri. Même plus besoin de suivi ! Je suis très content de sortir de l’hôpital et de pouvoir recommencer ma vie. 

Je ne sais pas comment va s’organiser mon quotidien. Je compte reprendre la classe de 4ème année à la prochaine rentrée scolaire de septembre. J’ai hâte de revoir mes frères et soeurs. Je pourrai peut-être recommencer à jouer au football. Les choses sont tellement différentes maintenant. L’hôpital m’a complètement changé. »

Les bonbonnes de gaz défectueuses ou obsolètes présentent un risque de dysfonctionnement ou d’explosion.


L’assistante sociale MSF permet aux enfants de maintenir un rythme scolaire ou met en place des sessions de jeu collectif.

L’éloignement géographique de sa famille l’a contraint à rester seul pendant 10 mois dans l’enceinte de l’hôpital.

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Les bonbonnes de gaz défectueuses ou obsolètes présentent un risque de dysfonctionnement ou d’explosion.


L’assistante sociale MSF permet aux enfants de maintenir un rythme scolaire ou met en place des sessions de jeu collectif.

L’éloignement géographique de sa famille l’a contraint à rester seul pendant 10 mois dans l’enceinte de l’hôpital.

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JULIE VAN HULSE, PHYSIOTHÉRAPEUTE

« La rééducation, partie intégrante du traitement, est souvent longue et contraignante. Sans physiothérapie régulière, la cicatrisation peut s’accompagner de rétractions au niveau des articulations et ainsi créer des séquelles fonctionnelles. »

Guyousky, 12 ans

« Tout mon corps est brûlé. Ça me rend très malheureux. Un ami du quartier m’a fait ça. Un après-midi de vacances, je jouais au football. Une partie à trois contre trois, sur un petit terrain proche de la maison. Cet ami faisait brûler du petit bois à côté du stade improvisé. Quand il a voulu jouer, les chefs d’équipe ont refusé. Il a alors versé de l’alcool sur moi et a jeté une brindille enflammée. Sans injure, ni menace. Ce jour-là, je jouais torse nu. Il ne reste pas grand-chose du short que je portais. Je me souviens de cette horrible sensation de sentir sa peau tomber. J’ai perdu connaissance en me roulant par terre pour essayer d’éteindre le feu. 

Je suis resté à l’hôpital pendant cinq mois. C’était un autre univers. Un endroit où tout le monde est malade et personne ne rigole. Les médecins et les infirmières m’ont encouragé à suivre le traitement. Ce n’est pas facile de rester pendant cinq mois dans un hôpital. Ni même de revenir régulièrement pour les exercices de rééducation. J’espère qu’on va me dire un jour que je n’ai plus besoin de venir pour le suivi. Je voudrais reprendre mes activités ordinaires sans que l’on me dise “attention aux microbes, t’as pas le droit de sortir dans la rue !” 

Depuis la mort de mon père, je vis chez ma tante et sa famille. Ma mère nous rendait visite de temps en temps. Aujourd’hui, elle ne vient plus me voir car elle est déçue que rien ne soit entrepris contre ce garçon. Je voudrais qu’elle passe un jour. J’ai envie de la revoir. Je voudrais aussi retourner à l’école et voir les copains de cinquième année à laquelle je suis admis sans avoir encore pu y mettre les pieds. »

Restes du short de football porté par Guyousky lors de l’accident.

Les ondes électromagnétiques provoquent un assouplissement de la cicatrice.

Guyousky aide parfois à la maison ou consulte ses livres de classe mais la majeure partie du temps, il reste allongé sur son lit, à réfléchir.

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Restes du short de football porté par Guyousky lors de l’accident.

Les ondes électromagnétiques provoquent un assouplissement de la cicatrice.

Guyousky aide parfois à la maison ou consulte ses livres de classe mais la majeure partie du temps, il reste allongé sur son lit, à réfléchir.

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Christelle, 26 ans

« Tu veux voir une photo de moi, avant, quand j’étais encore jolie ? Je me suis brûlée à cause d’une bougie. La veille de mon anniversaire. Je voulais être ravissante pour l’occasion. J’étais en train de me démaquiller avec une solution alcoolisée lorsque la bougie placée sur l’étagère de l’armoire, dans ma chambre, a chancelé. D’un geste, j’ai tenté de l’attraper mais des gouttelettes sont tombées sur mon t-shirt qui s’est enflammé rapidement. La bouteille s’est alors renversée sur le sol et le feu s’est propagé. 

Après une nuit de souffrance dans la salle d’attente d’une structure de la capitale, j’ai été admise au centre de grands brûlés de Drouillard. J’étais étonnée de voir le nombre de personnes affectées. Je ne savais pas que les accidents de brûlure étaient si fréquents. J’ignorais jusqu’à l’existence d’un tel hôpital à Port-au-Prince. 

Deux mois après mon hospitalisation, je reprends le cours de la vie avec beaucoup de difficultés. Les médecins me recommandent d’attendre la guérison complète des plaies avant de recommencer à travailler. Confinée à la maison, je ne sors que pour les suivis thérapeutiques, tous les trois jours. Dans la rue, chacun réagit à sa manière en me voyant. Certaines attitudes me donnent envie de fuir, de me cacher. Parfois, j’ai peur de me montrer. Je comprends que mes cicatrices effraient. Ma propre fille de cinq ans perd un peu de sa joie quand elle est avec moi. Et j’ai la sensation de perdre l’homme de ma vie. Je ne me sens plus comme avant. »

En raison des coupures d'électricité, Christelle utilise souvent une bougie pour s'éclairer.

Le massage cicatriciel permet de redonner à la peau toute sa souplesse et son extensibilité. 

Christelle ne voit sa fille qu’une fois par semaine et les rares moments passés ensemble ne sont plus aussi légers qu’auparavant.

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En raison des coupures d'électricité, Christelle utilise souvent une bougie pour s'éclairer.

Le massage cicatriciel permet de redonner à la peau toute sa souplesse et son extensibilité. 

Christelle ne voit sa fille qu’une fois par semaine et les rares moments passés ensemble ne sont plus aussi légers qu’auparavant.

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Richardson, 9 mois

« Mon fils Richardson est tombé du lit. Il avait une bosse dans le cou. Après le choc, j’ai tout essayé pour éviter le pire. Je l’ai massé avec de l’eau salée. Je l’ai emmené devant le cochon pour expliquer ce qui était arrivé. J’ai appliqué les conseils de ma belle-mère. Mais son cou continuait à enfler. Des voisins m’ont alors conduit chez un médecin traditionnel renommé. Il a massé le cou de Richardson avec un mélange d’huile, de pommade et de plante. Le lendemain, le cou présentait une plaie béante, comme une brûlure. 

Arrivés à l’hôpital de Drouillard, je ne voulais pas que mon fils soit hospitalisé. Mais, j’ai compris qu’il avait besoin d’un traitement spécifique. La plaie se rétablit peu à peu. Ça me réconforte. Richardson peut bénéficier de tous ces soins uniquement parce que je ne paie pas. J’avais déjà déboursé 300 gourdes pour la consultation du médecin traditionnel. 

C’est contraignant de rester au chevet de Richardson. J’ai quatre autres enfants en bas âge à la maison. J’ai dû abandonner mon commerce de fruits et légumes au petit marché du quartier. Mon mari, casseur de pierre, doit travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Il ne peut pas s’occuper des enfants ni me relayer à l’hôpital. Parfois, je perds les pédales d’être confinée entre quatre murs. »

Le recours à la  médecine traditionnelle peut provoquer une brûlure, ou aggraver une brûlure déjà existante.

Richardson est encore hospitalisé. La durée moyenne de séjour est de 21 jours. Puis le traitement est suivi en ambulatoire.

La mère de Richardson vendait des fruits et légumes sur ce marché. Elle a dû cesser son activité professionnelle.

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Le recours à la  médecine traditionnelle peut provoquer une brûlure, ou aggraver une brûlure déjà existante.

Richardson est encore hospitalisé. La durée moyenne de séjour est de 21 jours. Puis le traitement est suivi en ambulatoire.

La mère de Richardson vendait des fruits et légumes sur ce marché. Elle a dû cesser son activité professionnelle.

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Garçonnon, 41 ans

« J’ai perdu mon avant-bras en gagnant ma vie dignement. Je n’ai pas honte d’expliquer : j’étais en train de courber des tiges de fer sur un chantier, pour préparer l’armature d’une maison, quand la barre a touché un câble à haute tension. La décharge électrique m’a projeté dans la rue. Je me suis retrouvé allongé sur le dos, le corps en feu. J’ai perdu l’usage de ma main droite. On a dû m’amputer. 

Pendant mon hospitalisation, j’étais dans un autre monde. Pas de contact avec l’extérieur. Je vivais pratiquement à l’hôpital. Une vie différente. Je ne manquais de rien. Les employés de l’hôpital constituaient mon unique famille. Aujourd’hui, je ne suis plus hospitalisé, mais je continue à venir régulièrement pour la rééducation. C’est une étape difficile mais nécessaire pour avancer. Je vois que le monde m’est devenu bien étranger. C’est une nouvelle vie qui commence pour moi. 

La femme avec qui je vivais en dent de scie depuis huit ans a rompu notre relation. Je comprends ; je ne représente plus un grand intérêt. Je veux tout de même apprendre à utiliser ma main gauche et trouver une alternative pour gagner ma vie. Je suis la seule source de revenu pour ma fille de dix-sept ans et mon garçon de huit ans. Entre temps, je subsiste grâce à la solidarité communautaire. »

 En cas d’électrocution, le courant parcourt le corps et peut occasionner des lésions internes et externes.

Pendant la phase de cicatrisation, les pansements doivent être régulièrement changés par le personnel médical.
 

Garçonnon dans la pièce qu'il loue à Croix-des-Bouquets pour rester à proximité de l'hôpital.

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 En cas d’électrocution, le courant parcourt le corps et peut occasionner des lésions internes et externes.

Pendant la phase de cicatrisation, les pansements doivent être régulièrement changés par le personnel médical.
 

Garçonnon dans la pièce qu'il loue à Croix-des-Bouquets pour rester à proximité de l'hôpital.

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Shmylove, 4 ans et Choumilove, 5 ans

« Je suis originaire de l’île de La Gonâve. Je vis à Port-au-Prince avec mes quatre enfants depuis 2012. Un après-midi, alors que je préparais à manger, j’ai entendu deux de mes enfants, Shmylove et Choumilove, crier. Arrivée à la cuisine, j’ai vu la cuisinière renversée sur elles. Elles ne m’ont avoué que quelques jours plus tard qu’elles étaient en train de prendre du charbon allumé pour jouer. 

Nous nous sommes rendues dans deux hôpitaux avant que les filles soient admises à Drouillard. Le premier n’acceptait pas les admissions après 4 heures de l’après-midi. Le deuxième ne fonctionnait pas le jeudi. Malheureusement pour moi, c’était un jeudi. Avoir deux enfants hospitalisés n’est pas une mince affaire. J’ai dû affronter ça toute seule. Aujourd’hui encore, c’est une péripétie. 

Je dépense environ 250 gourdes [Ndlr : 1 € = 50 gourdes] tous les trois jours pour emmener les filles suivre la thérapie. Une fortune. Je ne travaille pas. Et je reçois quotidiennement des injures de mon mari qui me tient responsable du malheur des enfants. Le pire pour moi, c’est qu’elles sont sur le point de rater l’année scolaire. La plus jeune ne va plus à l’école, alors que l’établissement se trouve à quelques pas de la maison. Et la directrice menace de ne plus recevoir la plus grande à cause de ses absences. Entre les pansements et la thérapie elle ne peut aller au jardin d’enfants que deux jours par semaine. »

La première cause de brûlure est l’accident domestique, souvent lié aux conditions de vie précaires de centaines de milliers de personnes.

Lorsque la brûlure recouvre une surface corporelle importante, le patient a besoin d’une greffe.

La durée et la complexité du traitement empêchent souvent les patients de poursuivre leur activité quotidienne habituelle.

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La première cause de brûlure est l’accident domestique, souvent lié aux conditions de vie précaires de centaines de milliers de personnes.

Lorsque la brûlure recouvre une surface corporelle importante, le patient a besoin d’une greffe.

La durée et la complexité du traitement empêchent souvent les patients de poursuivre leur activité quotidienne habituelle.

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Kensley, 3 ans

« J’étais en train de répartir le repas du jour : la cocote de riz à ma droite, une dizaine d’assiettes devant moi, à même le sol. Kensley était en train de jouer avec son grand frère et d’autres enfants du voisinage. Soudain, je ne l’ai plus entendu. Instinctivement, je me suis retournée et j’ai réalisé, terrifiée, qu’il était tombé, tête la première, dans la casserole de pois. 

Conseillée par des gens du quartier, j’ai emmené Kensley au centre d’urgence de MSF à Martissant, qui nous a transférés à Douillard. Mon mari ne voulait pas admettre ce qui était arrivé. Il considère que je suis responsable de l’accident et ne veut pas être impliqué dans le traitement de Kensley. Je ne travaille pas depuis un moment. Je n’ai pas d’économie en cas de coup dur. Heureusement, les soins sont gratuits à Drouillard. Ça a sauvé sa vie. L’équipe m’a convaincue de suivre assidument la rééducation physique. À un moment donné, j’avais perdu confiance. Je me demandais si mon fils allait guérir. 

Je suis maintenant enceinte de six mois et je dois accompagner Kensley à l’hôpital tous les trois jours pour le suivi thérapeutique. Le trajet est long entre la maison à Décayette et Drouillard ; les conditions de transport en commun, pas toujours faciles. Et je dois faire un bout de chemin à pied pour économiser des frais de tap-tap. Je suis souvent triste en regardant les anciennes photos de Kensley. Je me demande comment il va pouvoir affronter le regard des gens avec de telles cicatrices sur le visage. Il a raté sa première rentrée scolaire. Et je sais déjà que l’école ne sera pas une partie de plaisir pour lui. Mais la vie doit continuer. »

Le jour de l’accident, Kensley est tombé des escaliers et a fini sa chute dans la casserole de nourriture bouillante.

Kensley se rend tous les trois jours au service de physiothérapie de l’hôpital pour des massages cicatriciels.

Kensley continue à jouer ou à regarder la télévision normalement. Il serait même beaucoup plus turbulent que son grand frère.

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Le jour de l’accident, Kensley est tombé des escaliers et a fini sa chute dans la casserole de nourriture bouillante.

Kensley se rend tous les trois jours au service de physiothérapie de l’hôpital pour des massages cicatriciels.

Kensley continue à jouer ou à regarder la télévision normalement. Il serait même beaucoup plus turbulent que son grand frère.

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NAROMIE JOSEPH FATAL, PSYCHOLOGUE

« Les accidents domestiques peuvent faire naître une forte culpabilité chez les parents qu’il est alors important d’accompagner. Pour les patients, un support psychologique est parfois indispensable dans le processus de guérison. »

Tidaille, 29 ans

« Parfois, je perds connaissance. Les crises se manifestent par surprise, au moment où je m’y attends le moins. La dernière fois, c’était début 2015. J’étais au travail. Je suis employée comme domestique dans une maison privée, à Delmas 31. J’étais seule à la cuisine. Je suis tombée sur le réchaud à charbon. Je ne pouvais pas bouger. Je n’avais aucune sensation de douleur. Je me regardais brûler. C’est la nièce de la maîtresse de maison qui m’a trouvée. Après avoir dégagé mon cou du manche brûlant, on m’a transportée à l’hôpital de Drouillard.

Après les premiers soins, le médecin a voulu m’hospitaliser. J’ai refusé. Je vis seule avec Karaté, mon fils de 6 ans. Je ne pouvais pas le laisser. Je suis donc allée dans un autre centre mais compte tenu de la gravité de mon cas, on m’a à nouveau transférée vers Drouillard. Karaté est finalement resté chez ma soeur pendant les 45 jours d’hospitalisation. Une période périlleuse. J’étais très perturbée et angoissée. Maintenant, je vais mieux. Les plaies guérissent progressivement. Je continue les pansements mais je vis à nouveau avec mon fils. Il me suit partout où je vais. 

Pour l’instant, j’ai perdu mon emploi. C’était mon unique source de revenu pour louer un logement. À mon retour de l’hôpital, le propriétaire avait mis mes affaires à la porte. Je stocke les choses qu’il me reste chez une amie où je dors parfois. Certains soirs, on se retrouve à la belle étoile. Ça nous est arrivé récemment. On a profité d’une veillée de prière pour passer la nuit dans une église. Mon mari a péri lors du séisme. Depuis, je cherche du secours sans que l’on m’entende. »

Ce que Tidaille appelle « crise » correspond à de l’épilepsie. De nombreux Haïtiens donnent à cette maladie une dimension mystique.

L’apparition de troubles psychologiques est une des conséquences fréquentes des brûlures. 

Sans logement à Port-au-Prince, Karaté et Tidaille sont parfois accueillis chez une amie, où ils dorment à même le sol.

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Ce que Tidaille appelle « crise » correspond à de l’épilepsie. De nombreux Haïtiens donnent à cette maladie une dimension mystique.

L’apparition de troubles psychologiques est une des conséquences fréquentes des brûlures. 

Sans logement à Port-au-Prince, Karaté et Tidaille sont parfois accueillis chez une amie, où ils dorment à même le sol.

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Médecins Sans Frontières prend en charge les patients brûlés dans ses programmes depuis l’ouverture, en 2005, d’un projet au Kurdistan irakien. Aujourd’hui, MSF soigne des patients brûlés sur 9 terrains d’intervention. Cette activité représente 20% des actes chirurgicaux réalisés dans les structures MSF dans le monde. 

L’hôpital de Drouillard à Port-au-Prince en Haïti présente le volume d’activités liées aux grands brûlés le plus important parmi les projets MSF. Grâce à son plateau technique et son expertise dans le domaine (personnel spécialisé), l’hôpital de Drouillard est la seule structure spécialisée dans la prise en charge des grands brûlés en Haïti. MSF travaille en partenariat avec le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), le Centre Ambulancier National (CAN) et Air ambulance.

Notes

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