Après avoir transpercé le côté droit de son cou, une balle est venue se
loger sous la mâchoire de Charles*. Une balle a traversé la poitrine de
Robert pour atteindre sa cage thoracique, à côté de l'aorte. Un
projectile a explosé dans la jambe de Pierre, 9 ans, et lui a brisé le
fémur en deux.
|
|
Clinique MSF à Port-au-Prince
Depuis l'ouverture du projet à l'hôpital de St Joseph, fin décembre
2004, les équipes médicales et chirurgicales de MSF ont traité plus de
800 patients, dont presque 200 pour des blessures par balle.
|
|
Victimes des troubles incessants qui secouent Haïti depuis septembre
2004, ce ne sont que quelques-uns des blessés pris en charge en février
dans le centre traumatique de MSF de Port-au-Prince. Depuis l'ouverture
du projet à l'hôpital de St Joseph, fin décembre 2004, les équipes
médicales et chirurgicales de MSF ont traité plus de 800 patients, dont
presque 200 pour des blessures par balle. Par rapport aux mois
précédents, le mois de février a été calme, même si les urgences
continuent d'affluer dans cet hôpital pouvant accueillir jusqu'à 42
personnes.
"Nous
recevons à peu près trois patients blessés par balle par jour, affirme
James Smith, chirurgien irlandais membre de l'équipe internationale et
haïtienne du projet MSF. Une ou deux fractures nécessitent une
intervention chirurgicale, et nous faisons des laparotomies [ouverture
de la paroi abdominale] environ deux fois par semaine."
Les
blessures sont bien pires qu'avant, parce que les balles modernes
éclatent dès l'impact, explique un autre médecin de l'équipe, qui
exerce à Port-au-Prince depuis des années."Ce sont des munitions pour
la guerre, pas pour des combats de rue, affirme-t-il. Je n'ai jamais vu
des blessures de ce genre."
|
|
Des blessures pires qu'avant
Les blessures sont bien pires qu'avant, parce que les balles modernes
éclatent dès l'impact, explique un autre médecin de l'équipe, qui
exerce à Port-au-Prince depuis des années."Ce sont des munitions pour
la guerre, pas pour des combats de rue, affirme-t-il. Je n'ai jamais vu
des blessures de ce genre."
|
|
La nature changeante de la violence
Pendant plusieurs mois, les combats intenses restaient confinés à Cité
Soleil et à Saline, les deux grands quartiers pauvres et très peuplés
de la capitale. Des centaines de maisons ont été brûlées, et beaucoup
d'habitants de ces quartiers populaires sont partis se réfugier dans
leur famille à l'extérieur de la ville. Après avoir visité la morgue de
Port-au-Prince, MSF estime qu'entre septembre et décembre 2004, les
combats de rues - entre les bandes armées qui soutiennent le Président
exilé Jean-Bertrand Aristide et celles qui s'y opposent - ont fait 100
morts par mois.
Les
combats sont aujourd'hui plus diffus et sporadiques, mais ils se
propagent dans d'autres quartiers populaires comme Martissant, Village
de Dieu, et Post-Marchand. Les groupes, connus collectivement sous le
nom de rat pa kaka, semblent pour l'instant avoir renoncé à
la confrontation directe entre eux ou avec la police. Mais le danger
d'une nouvelle escalade du conflit est bien réel, car les groupes armés
jusqu'aux dents restent nombreux et inspirent la crainte parmi les
civils. "S'il vous plaît, ne mentionnez pas mon nom, demande un blessé.
Ils peuvent exterminer toute ma famille s'ils savent que je vous
parle."
Incertitudes
Un an après le départ forcé du Président Jean-Bertrand Aristide, les
incertitudes sur l'évolution de la situation politique d'Haïti restent
toujours aussi vives. Les tensions entre ceux qui ont forcé Aristide à
partir et ceux qui veulent qu'il revienne de son exil sud-africain
n'ont pas faibli. Des explosions de violence, imprévisibles, continuent
de secouer l'île, sans que les 7 400 soldats des Nations unies
parviennent à y mettre un terme. La crédibilité du gouvernement de
transition s'érode chaque jour un peu plus. Et il n'est même pas
certain que les élections prévues en novembre prochain parviennent à
ramener un peu de sérénité.
Alors
qu'Haïti traverse tant bien que mal cette crise, MSF continue d'assurer
les soins chirurgicaux d'urgence aux victimes. Après de premières
opérations chirurgicales menées avec peu ou pas d'équipement, la
mobilisation de notre équipe a permis de créer deux salles d'opérations
ainsi que des chambres d'hospitalisation, à proximité des zones de
conflit.
Quand on demande aux habitants des quartiers les plus touchés de
Port-au-Prince comment ils envisagent l'avenir, ils répondent qu'ils
n'ont jamais vécu dans une telle insécurité, et qu'ils ne voient pas
comment la situation pourrait s'arranger dans un futur proche. Quelles
que soient les prévisions, il est certain que le chapitre de violence
de ce pays torturé n'a pas fini de s'écrire.
*les noms des patients ont été changés.