Iran - Une histoire de réfugiés afghans

Quitter son pays ou y revenir après des années d'exil ne se fait jamais sans hésitations ni douleurs. Les quelque 1,5 million d'Afghans aujourd'hui réfugiés en Iran sont bien placés pour le savoir. Arrivés par vagues successives, depuis l'invasion russe des années 80 jusqu'à la chute du régime taliban en novembre 2001, ils ont fui la guerre, l'oppression d'un régime, des conditions de vie misérables. En quête d'une vie meilleure, leurs espoirs se heurtent à l'arrivée à une toute autre réalité. Endettés par les frais du voyage, sans emploi, sans logement, sans existence légale, rejetés par la société et le gouvernement iraniens, leur situation économique et sociale est plus que précaire.

L'histoire de cette famille afghane vivant à Zahedan, recueillie par Jean Chartier, infirmier MSF, pourrait être celle de toute la communauté réfugiée d'Iran.
Quand nous rencontrons cette famille de six personnes, en mai 2003, elle est arrivée depuis une semaine à Dare-Panshir, une des banlieues les plus pauvres de Zahedan. Un genre de "village afghan" adossé à une colline, très impressionnant avec ses rues sales et poussiéreuses, ses constructions en pisé, sans eau courante ni hygiène minimale...

Le père, son épouse enceinte et leurs quatre enfants âgés de 10 à 4 ans vivent en haut de la colline, hébergée temporairement dans une maison de quatre petites pièces déjà occupées par trois autres familles. Ils ont prévu de bientôt déménager dans une maison du quartier voisin de Shir-Abad. Mais pour payer les 400.000 rials (45 euros) de loyer, ils savent déjà qu'il leur faudra sous-louer une partie des trois pièces à d'autres réfugiés afghans.

Fuir son pays
Jusqu'à l'arrivée des Taliban au pouvoir en 1996, cette famille d'origine tadjik vivait dans un bon quartier au centre de Kaboul. Le père travaillait comme chauffeur de taxi. Puis le durcissement du régime taliban est passé par là. Arrêté à plusieurs reprises (pour avoir transporté des femmes dans son taxi, ou sans raison), le père s'est finalement fait retirer sa licence. Seuls les Taliban pouvaient être chauffeurs de taxi, une règle appliquée à beaucoup d'autres emplois et pour beaucoup de logements également. En 1997, la famille est expulsée. Sans travail, sans argent, impossible de retrouver une maison. "Je ne pouvais pas laisser ma famille sans toit !", s'exclame le père. C'est alors qu'il décide de rejoindre Zahedan, en Iran, où son propre père est déjà installé.

Emmenant sa famille, il rejoint Zaranj, ville-frontière où il emprunte 2.000.000 rials (225 euros) à un contrebandier afin de payer leur passage. Arrivé à Zahedan, il trouve un logement sans problème et travaille comme journalier, la plupart du temps dans la construction, gagnant 350.000 rials par mois (40 euros). En un an, il parvient à rembourser sa dette auprès du contrebandier afghan. Et s'il ne parvient pas à économiser, il réussit néanmoins à faire vivre sa famille. "Il y avait suffisamment de travail en Iran à ce moment là, nous avions une bonne vie", se souvient-il.


Mourir dans son pays

Puis en octobre 2002, le grand-père tombe gravement malade et veut mourir en Afghanistan. A l'époque, les autorités, les médias iraniens et même le Haut Commissariat aux Réfugiés disaient que la situation était normale en Afghanistan. La famille décide donc de rentrer. Le grand-père décèdera deux jours après leur arrivée.

A Kaboul, la famille est hébergée deux mois chez la grand-mère maternelle. Si la ville est redevenue sûre, la situation de ses habitants est de plus en plus précaire. le coût de la vie augmente sans cesse, et particulièrement les loyers. Les emplois disponibles sont rares. Le père enchaîne les petits boulots (ouvrier, chauffeur, etc.), mais ne gagne pas assez. Il doit se résigner à squatter avec sa famille une maison détruite, où des bâches plastiques remplacent les murs. Mais le propriétaire exige plus d'un mois de salaire comme loyer, et finit par les expulser. Ils n'ont alors d'autre choix que de repartir, une deuxième fois, en Iran.

Argent réclamé par les passeurs, bakchichs aux soldats iraniens, emprunts pour survivre à Zahedan : une fois de plus, la famille se retrouve lourdement endettée. Au total, 8 millions de rials (900 euros) à rembourser, soit plus de deux ans de salaire. Or, aujourd'hui, il y a de moins en moins de travail pour les réfugiés afghans de Zahedan. Malgré tout, cette famille préfère rester ici. De toutes façons elle n'a pas de quoi revenir en arrière...

Notes

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