Dans l'ouest du Kenya, des équipes mobiles MSF continuent d'apporter une aide médicale aux déplacés. A Nairobi, l'accalmie reste précaire : dans le bidonville de Mathare, MSF a soigné une trentaine de blessés en l'espace de deux jours. Filipe Ribeiro, coordinateur d’urgence pour MSF, fait le point sur deux mois d’activités.
Assiste-t-on encore à d’importants déplacements de populations au Kenya ?
Depuis fin janvier, le niveau des violences a diminué dans les zones de l’ouest du pays où nous intervenons. Si des tensions localisées persistent, les violences n’y sont pas de la même gravité qu’auparavant. Le mouvement de retour des personnes déplacées vers leur région d’origine se poursuit. Elles quittent les sites où elles s’étaient installées provisoirement pour se rendre, selon leur expression, sur leurs «terres ancestrales».
Parallèlement, on assiste à une concentration d’autres populations déplacées sur des sites qui ressemblent à de vrais camps avec des tentes, un accès à l’eau, des services fournis régulièrement (nourriture, santé, éducation…). C’est le cas dans les villes de Naivasha ou Nakuru.
Le gouvernement met en place un centre de regroupement à Londiani, en partenariat avec la Croix rouge locale pour y accueillir les personnes se trouvant sur cinq différents sites de déplacés.
Que font les équipes mobiles de MSF avec cette nouvelle configuration ?
Dans la Vallée du Rift, une équipe mobile intervient, depuis la mi-janvier, sur plusieurs sites de personnes déplacées. Elle apporte une aide médicale et logistique à Londiani, Kuru, Kuniak, Kipkelion, Monastry et Kamangitu 2.
Lorsque le centre de regroupement de Londiani sera prêt et que tous les services que nous y assurons (accès à l’eau et soins médicaux) seront pris en charge par les autorités ou des ONG locales, nous y cesserons notre intervention.
Nous avons aussi pour quelque temps une équipe médicale dans l’hôpital de Kericho qui a des difficultés car il n’y a plus que 50% du personnel, le reste du personnel ayant quitté la ville où il ne sentait plus en sécurité, du fait de son appartenance ethnique.
Quelle est la situation dans les régions où les personnes déplacées s’installent de manière plus durable ?
Une équipe mobile de MSF a procédé à une évaluation sur des sites de retour dans le nord de la province centrale et dans le nord-est de la Rift Valley. Elle y a constaté que les besoins de ces populations étaient couverts. L’équipe se concentre maintenant sur les villes de Kisumu et Kisii dans l’ouest du pays. Nous nous efforçons d’être réactifs et très mobiles. Nos équipes continuent de surveiller la situation nutritionnelle. Pour l’instant, elles n’ont pas observé de malnutrition mais elles restent vigilantes sur la question. De plus, la saison des pluies approchant, nous distribuerons des tentes familiales pour les personnes installées de manière moins temporaire ou pour qu’elles puissent prendre ces tentes avec elles en partant.
La situation semble se stabiliser. Quelles en sont les répercussions sur nos activités ?
A Nairobi, la tension est remontée d’un cran lors d’une opération de police qui s’est traduite par l’expulsion manu militari d’habitants du bidonville de Mathare, où nous travaillons. Les 21 et 22 février, nous avons pris en charge 25 blessés, dont deux par balle, dans le poste de premier secours que nous avons ouvert, en janvier, dans ce grand bidonville de Nairobi. Le 23, nous avons encore reçu sept blessés. Puis, le nombre de blessés a baissé pour atteindre le niveau assez faible du mois de février. La situation s’est stabilisée avec les négociations entre le gouvernement et l’opposition, menées avec la médiation de Kofi Annan. Il n’y a plus guère de déplacements de populations. Et si l’accalmie perdure, nous pourrons envisager d’alléger notre dispositif opérationnel.