Ce dispositif, extrêmement contrôlé et difficile à obtenir, couvre 210 000 personnes dans toute la France, y compris dans les départements d'Outre-Mer. En permettant l'accès aux soins dès l'apparition d'une maladie, ainsi qu'un suivi régulier pour des pathologies le nécessitant, cette couverture médicale vitale permet de réduire les coûts globaux de soins pour les plus pauvres.
Parmi les modifications de l'AME, retirées des débats parlementaires sur la Loi sur l'immigration le 7 octobre dernier, qui menacent de restreindre l'accès aux soins de ces populations :
- L'une des propositions prévoit de réserver la couverture de l'AME aux seuls soins d'urgences et uniquement dans les hôpitaux.
Or, non seulement l'accès aux soins d'urgences est déjà garantie, mais en plus cette restriction entraîne l'impossibilité de se faire soigner de manière régulière et préventive notamment en médecine de ville (médecine libérale). De simples pathologies ne seront pas traitées et pourront donc dégénérer en complications graves et, de fait, plus coûteuses à soigner.
- La deuxième proposition limite le droit à l'Aide Médicale d'Etat à une durée de 3 mois renouvelables
L'AME est actuellement renouvelable tous les ans et les délais d'instruction dépassent déjà souvent les trois mois. De plus, tout renouvellement a un coût de gestion. Le rendre trimestriel multiplierait ces coûts et amènerait à la délivrance de droits déjà caduques. Une telle mesure conduirait à un renoncement des demandes face à la complexité des démarches qui ne sont déjà pas faciles aujourd'hui.
- La troisième proposition porte sur le dépôt des demandes en préfecture
Relevant du secteur de la santé, les dossiers de l'AME sont actuellement instruits par les Caisses Primaires d'Assurance Maladie (CPAM). Les remplacer par les Préfectures introduit une confusion des rôles. Contraindre les demandeurs d'AME, forcément dépourvus de titre de séjour, à se déplacer en Préfecture revient à les dissuader d'effectuer la démarche en raison des risques d'interpellation.
- La quatrième proposition attendue instaurerait un droit d'entrée à l'AME à 30€, alors que les bénéficiaires sont parmi les plus pauvres.
Ce droit d'entrée n'est exigé d'aucune autre catégorie sociale. Par ailleurs, 30€ représenteraient au minimum 5% de leurs revenus mensuels (plafonnés à 634€). Les personnes retarderaient donc leur entrée dans le dispositif voire renonceraient aux soins. Et ce droit d'entrée n'aurait aucun impact positif sur les finances publiques : le surcoût entraîné par les retards de prise en charge et les frais pour collecter cette somme réduiraient à néant les bénéfices escomptés.
Ces mesures visent à réduire l'accès à la santé des populations vulnérables. D'un point de vue médical, c'est inacceptable. L'accès aux soins est un droit fondamental et universel.
*Médecins Sans Frontières est membre de l'Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers avec d'autres organisations de soins : Médecins du Monde, Comede , Aides, Act Up, Solidarité Sida, Sida info service, Primo Levi ...
Pour en savoir plus sur le Projet de Loi de Finances 2011 et l'Aide Médicale d'Etat, télécharger le Dossier de l'observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE)
Consultez la tribune parue dans Le Monde : "Défendre l'accès aux soins des étrangers précaires"Cette tribune a été co-signée par Marie-Pierre Allié (présidente de Médecins Sans Frontières), Olivier Bernard (président de Médecins du Monde), François Bourdillon (président de la Société française de santé publique), Didier Fassin (président du Comede) et Bruno Spire (président de Aides).