« L’après-midi du 30 août, les militaires sont arrivés dans notre village. Le Mogh Ukhatta [chef du village dans l’État de Rakhine] nous a dit de ne pas fuir, que les militaires étaient simplement là pour l’Al Yaqin [l’ancien nom de l’Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan, connue sous le nom d’ARSA - Arakan Rohingya Salvation Army]. "Ils ne vous feront pas de mal si vous vous rassemblez et coopérez avec les autorités", nous a-t-il dit. Nous l’avons cru et nous sommes réunis près du canal – femmes, hommes, enfants et personnes âgées.
Les militaires sont arrivés par centaines. Ils ont d’abord sélectionné les hommes dans la foule et leur ont ordonné de s’allonger face contre terre près du canal. Leurs corps étaient dans l’eau. Puis les militaires les ont poignardés dans le dos à de multiples reprises. Je les ai vus de mes propres yeux tuer mon mari. Il était fermier, rien de plus. Ils ont brûlé tous les corps ensemble.
À la vue de ces meurtres, quelques jeunes ont essayé de fuir. Ils n’ont pu atteindre que le cimetière du village. Ils se sont fait tirer dans le dos. Mon fils et mon neveu, tous deux âgés de 12 ans, étaient là. Ils sont morts eux aussi. Et mon père a lui aussi été tué par balle.
Les militaires ont ensuite emmené les femmes par petits groupes dans les maisons, où ils les ont poignardées et battues. Certaines d’entre elles sont mortes. Un soldat m’a poignardée au niveau de la gorge et du menton. Un autre m’a frappé à la main ; je ne me souviens pas avec quel objet, mais il l’a fracturée. Tant bien que mal, j’ai réussi à sortir de la maison et à m’enfuir dans la brousse, avant que les militaires ne mettent le feu à la maison. À la nuit tombée, les militaires sont partis et je me suis réfugiée dans la forêt.