Le cancer du col de l’utérus : tueur silencieux du bidonville de Manille

MSF intervient à Tondo avec Likhaan une ONG locale afin de dépister les cas de cancer du col de l'utérus chez les femmes du bidonville mais également pour faire de la prévention et vacciner les jeunes filles de 9 à 13 ans.
MSF intervient à Tondo avec Likhaan, une ONG locale, afin de dépister les cas de cancer du col de l'utérus chez les femmes du bidonville, mais également pour faire de la prévention et vacciner les jeunes filles de 9 à 13 ans. © Rocel Ann Junio

En partenariat avec Likhaan, une ONG locale, MSF mène des activités de prévention et de dépistage du cancer du col de l’utérus dans le district de Tondo, où se situent plusieurs bidonvilles de Manille, capitale des Philippines. Les équipes proposent également des soins aux femmes atteintes par cette maladie.

« Nous les voyons à la télévision, celles qui meurent jeunes à cause d’un cancer de l’utérus », explique Mary Jane, sa cadette sur les genoux, son autre fille et sa nièce assises à côté d’elle. Comme 325 000 autres personnes, elle vit au sein des bidonvilles de Tondo, adossé aux quais du port de Manille.

Les quartiers y portent des noms tels que « Montagne fumante », en référence à son évolution en gigantesque amas de déchets brûlés, ou « Happyland », dérivé du terme local « hapilan », qui signifie décharge, ou encore « Aroma », où vit Mary Jane. Même si la population commence à être sensibilisée au risque de cancer du col de l’utérus, les moyens de prévention ont longtemps été rares et trop chers.

Un dépistage éclair pour une maladie parmi les plus meurtrières

Or, ce cancer est l’un des plus meurtriers dans les pays en développement, et également l’un des plus faciles à prévenir.

Un dépistage de routine ne prend que trois minutes : un membre du personnel médical applique du vinaigre sur le col pour révéler des cellules potentiellement cancéreuses. Chez de nombreuses femmes à risque, le traitement prend moins de quinze minutes. Il a été démontré que le récent vaccin anti-VPH, destiné aux jeunes filles, permettait fortement de réduire le nombre de cas déclarés lorsqu’elles vieillissent.

Et pourtant, la maladie continue de tuer douze femmes par jour aux Philippines. Comme elle ne provoque aucun symptôme, les cellules cancéreuses peuvent se répandre dans le corps sans être détectées, jusqu’à ce qu’il soit bien trop tard pour mettre fin à sa progression et sauver la patiente.

Des soins pour une population oubliée

Le gouvernement intensifie ses efforts pour combattre la maladie dans les provinces les plus pauvres du pays, mais les habitants de Tondo sont techniquement situés à Manille, la capitale et le pôle économique du pays. Autrement dit, Mary Jane et ses filles sont oubliées.

« Dans certaines zones des Philippines, la santé des habitants, terriblement pauvres, est moins bien prise en charge que ne peut l’être par exemple celle des occupants de camps de réfugiés ou de déplacés, à travers le monde », analyse Jordan Wiley, chef de mission de MSF. En 2016, Médecins Sans Frontières a choisi de recentrer ses efforts sur ces vastes zones oubliées, telles qu’Aroma.

Pour aider les habitants de Tondo, MSF soutient une organisation locale, Likhaan, qui y travaille depuis 2008 et dont les actions s’articulent autour du planning familial et de la santé des femmes, y compris le cancer du col de l’utérus.

Leur équipe d’animateurs sociaux se rend dans les bidonvilles et organise des séances d’éducation. Chaque jour, ils encouragent les familles, en particulier les femmes, à connaître leurs droits, notamment en terme d’accès aux soins. Comme l’explique Jordan Wiley, « elles ne sont pas habituées à avoir des droits ni à bénéficier d’un accès facilité à des soins, sans être jugées ».


 

Une « visite unique » adaptée à la vie des habitantes de Tondo

Une petite clinique gérée par Likhaan et MSF se tient près de l’artère principale reliant Aroma au reste de Manille. Le personnel y reçoit environ 80 patientes par jour et mène près de 1 200 consultations de planning familial par mois.

Afin de pouvoir dépister le cancer du col de l’utérus chez ces centaines de patientes, la clinique recourt à la technique de « l’approche de visite unique », ou AVU, absolument essentielle en zone de bidonvilles où les habitants peuvent à tout moment être déplacés ou contraints de déménager.

C’est pourquoi l’ensemble des femmes présentant des cellules précancéreuses reçoivent immédiatement un traitement : les lésions dangereuses sont gelées et éliminées à l’aide d’un petit instrument, technique appelée cryothérapie. Les femmes suspectées de présenter des cas plus avancés sont référées à l’hôpital pour se faire diagnostiquer, et restent accompagnées par l’équipe à chaque étape du processus.

Vacciner les jeunes filles pour prévenir la maladie

La vaccination présente également de nombreux avantages. Deux injections proposées aux jeunes filles de neuf à treize ans permettent de réduire fortement le risque qu’elles ne contractent le cancer du col de l’utérus.

Mary Jane a envoyé sa fille se faire vacciner. Sa nièce y est allée également. Comme elles sont pleinement informées sur cette maladie meurtrière, l’immunisation devrait être moins intimidante la seconde fois. La nièce de Mary Jane reconnaît que la première fois, elle était un peu nerveuse : « Je ne pouvais pas regarder l’aiguille. Je regardais ma mère. »

En mars 2017, MSF, Likhaan et la ville de Manille ont achevé la première série de vaccinations gratuites proposées à plus de 25 000 jeunes filles, principalement dans les bidonvilles de Tondo. La seconde série devrait être menée dans les mois à venir.

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EN QUELQUES CHIFFRES

En avril 2017, les équipes MSF et Likhaan ont effectué :

► 677 dépistages

► 27 traitements par cryothérapie

► 16 références de cas plus sévères vers l'hôpital

► 4463 consultations de planning familial

► et elles ont vacciné 25 127 filles âgées de 9 à 13 ans.

Notes

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