» Peux-tu rÉsumer briÈvement les activitÉs de MSF dans les Territoires palestiniens?
Depuis novembre 2000, nous sommes présents dans la bande de Gaza pour
apporter un soutien psychologique, médical et social aux populations
palestiniennes qui subissent les conséquences de la deuxième Intifada
(violences, destructions de maisons, perte de proches, etc.).
Notre
équipe comprend trois psychologues, un médecin, un travailleur social,
trois chauffeurs et trois traducteurs, encadrés par une responsable de
terrain. L'équipe est basée dans la ville de Gaza, mais peut
intervenir, selon les besoins, dans toute la bande de Gaza, qui ne
s'étale que sur une quarantaine de kilomètres.
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Rafah, sud de la bande de Gaza, mars 2004
Au cours des derniers mois, le rythme des incursions de l'armée
israélienne s'est intensifié. Lors de ces opérations militaires,
l'accès à nos patients et aux personnes affectées par le conflit est
difficile, voire impossible.
© Philippe Conti
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» Quelles sont les consÉquences sur nos activitÉs de l'opÉration militaire actuellement menÉe par l'armÉe israÉlienne?
Nos activités sont très réduites car nous n'avons plus accès à un seul
de nos patients. Depuis le début de l'opération Jours de Pénitence, la
bande de Gaza est coupée en trois par des barrages de l'armée
israélienne, donc notre équipe n'est plus en mesure de se rendre à
Rafah, dans le sud, là où se trouvent la plupart de nos patients. Nous
n'avons pas non plus accès aux familles que nous suivions à Murlaga, au
centre de la bande de Gaza à proximité de la colonie israélienne de
Nezarim, car la route de bord de mer que nous empruntions pour y aller
a été rendue impraticable par les chars de l'armée israélienne et les
piétons qui tentent de passer se font tirer dessus. Enfin, parce que
les opérations militaires actuelles se concentrent sur la zone nord de
la bande de Gaza, nous ne pouvons atteindre ni Beit Lahiya - où nous
assistions des familles -, ni Jabalya, ni Beit Hanoun.
Malgré
tout, nous constatons que les transferts en ambulance de patients des
hôpitaux de Jabalya vers l'hôpital de référence de Gaza, même s'ils
prennent du temps, peuvent encore se faire.
» Comment l'Équipe fait-elle pour continuer À travailler lorsque des incursions israÉliennes comme celle-ci sont en cours?
Nous essayons de tirer parti de notre statut d'organisation
internationale, extérieure au conflit, en négociant avec l'armée
israélienne des "coordinations" - c'est-à-dire des autorisations de
passage où la sécurité de nos équipes soit garantie -, ce qui n'est pas
envisageable pour les organisations palestiniennes.
Là,
nous avons demandé à de nombreuses reprises une "coordination" pour
accéder aux familles que nos équipes suivaient dans le nord de la bande
de Gaza et pour évaluer la situation. Nous avons également demandé des
"coordinations" pour accéder aux familles que le positionnement des
chars et le déploiement des soldats israéliens a isolées. Pour
l'instant, nous n'avons essuyé que des refus. En attendant que la
situation se débloque, nous maintenons un contact téléphonique avec les
familles que nous assistions.
Par ailleurs, le Gaza Mental Health
Center, structure palestinienne avec laquelle nous avons l'habitude de
collaborer, dispose de lieux à Beit Lahiya et nous a demandé d'aller y
faire des débriefings psychologiques* d'urgence.
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Rafah, sud de la bande de Gaza, mars 2004
Notre action consiste à réduire les effets psychologiques (stress,
peur, angoisse) sur la population (enfants, adolescents et adultes) la
plus gravement affectée par la violence.
© Philippe Conti
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» En quoi les équipes de MSF sont-elles affectÉes, dans leur quotidien et dans leur capacitÉ de travail?
Avec l'intensification des opérations militaires israéliennes dans la
bande de Gaza, les familles que nous suivons sont confrontées à des
événements traumatiques continus. C'est un problème pour ces patients,
qui subissent des traumatismes en chaîne. Pour l'équipe soignante, il
est très frustrant d'avoir le sentiment de repartir de zéro à chaque
fois et difficile de prendre le recul nécessaire.
Par
ailleurs, les membres palestiniens de notre équipe sont
particulièrement affectés. La plupart habitent dans la partie nord de
la bande de Gaza et sont donc touchés de plein fouet, directement ou
non, par les opérations militaires en cours. Samedi 2 octobre, une des
personnes de notre équipe était chez elle à Beit Hanoun avec ses
enfants lorsqu'un char de l'armée israélienne a éventré sa maison, lui
donnant une heure pour quitter les lieux. C'est le seul cas, pendant
cette dernière incursion, où l'armée israélienne nous a accordé une
"coordination", pour aller la chercher et la sortir de là.
» Dans ce contexte, comment adapter notre programme?
Dans ces périodes, le problème n'est pas tant celui d'une pénurie
d'aide, puisque beaucoup d'acteurs humanitaires sont présents dans la
bande de Gaza, mais bien plus celui de l'accès aux personnes affectées
par le conflit, rendu impossible par les opérations militaires. C'est
là-dessus que nous pouvons avoir une valeur ajoutée. A Jenine
(Cisjordanie) en avril 2002, nous avions loué un minibus et posé des
autocollants MSF dessus pour transporter du personnel médical
palestinien vers les centres de santé du district. Nous n'excluons pas
d'adapter notre programme habituel de santé mentale pour jouer les
convoyeurs, voire pour apporter une aide sociale et matérielle aux
familles vulnérables, afin de répondre à cette nouvelle situation
d'urgence. Encore faut-il que l'armée israélienne nous accorde les
autorisations de passage, puisque Beit Hanoun et Jabalya sont
considérées comme des zones militaires.
* Le débriefing psychologique est une intervention à visée préventive proposé dans l'après-coup d'un événement traumatique.