Les soins psychologiques, programme historique de MSF dans la bande de Gaza

Consultation psy décembre 2009
Consultation psy, décembre 2009 © Frederic Sautereau

En 2000, lorsque MSF décide d'établir un programme dans la bande de Gaza, l'armée et les colonies israéliennes sont encore présentes. Plus de 8 000 colons, répartis dans 21 implantations, vivent parmi les 1.4 million d'habitants que compte alors la bande de Gaza. Leur désengagement ne se fera qu'en 2005.

Les obstacles à l'accès aux soins sont alors nombreux : limitations de mouvements imposées pour des raisons de sécurité, attente et contrôles fréquents aux barrages militaires, routes fermées, difficultés pour les malades de se rendre dans les structures de santé. Le personnel médical palestinien rencontre à cette époque lui aussi des difficultés importantes pour aller travailler. Les ambulances ne peuvent pas circuler librement. Certains malades, par crainte de voir leur maison réquisitionnée ou détruite en leur absence, renoncent à quitter leur domicile, même pour se faire soigner. Dans les zones les plus exposées, sortir de chez soi ou marcher dehors la nuit peuvent représenter un danger de mort.

Stress, peur panique, traumatisme. Lorsque MSF ouvre son programme à Gaza, une importante partie de la population - et notamment les enfants - sont psychologiquement affectés par l'enfermement, l'occupation, la peur et l'absence de perspectives. Leur anxiété se rajoute aux problèmes économiques qu'ils rencontrent et aux tensions qui s'accumulent dans leur foyer. La violence et le climat d'angoisse, voire de terreur, qui s'expriment à ce moment là principalement la nuit, génèrent des états de stress et de peur panique intenses, ainsi qu'une accumulation des traumatismes. Nos patients souffrent d'un fort sentiment d'isolement, d'insécurité, de syndromes dépressifs et des syndromes post-traumatiques. Certains malades restent prostrés, ne peuvent plus parler, s'alimenter. D'autres souffrent de bouffées délirantes à la suite d'un événement traumatique. Les enfants perdent leurs acquisitions antérieures, souffrent d'énurésie, d'hyperactivité, d'échec scolaire, présentent des états dépressifs, n'ont plus d'espoir d'avenir.

Médecins et psychologues auprès des patients les plus exposés au danger. Au début de son intervention, MSF choisit d'être présente au cœur des zones les plus exposées. Nos patients sont des personnes coupées de tout réseau social, vivant dans des camps de réfugiés et/ou à proximité de lieux d'affrontements, de frontières, de zones bombardées, de colonies juives ou de camps militaires israéliens. Ces familles sont très exposées au danger : quartiers et habitations régulièrement ciblés par les tirs et les incursions militaires, champs détruits, maisons enclavées, occupées ou rasées, rondes régulières de chars. Notre action consiste en des visites de nos équipes au domicile des patients. Ces rendez-vous sont souvent le seul moyen de rompre l'isolement dans lequel vivent certaines familles.

Médecins et psychologues MSF identifient et prennent en charge les patients les plus vulnérables. Notre objectif était (et est toujours aujourd'hui) de traiter à la fois les troubles physiques et psychologiques. Notre intervention permet d'offrir des soins à des familles palestiniennes exposées de manière régulière et fréquente à des évènements potentiellement traumatiques en rapport avec les conflits israélo-palestinien, mais aussi - depuis 2007 - inter-palestinien.

Nos patients présentent des plaintes physiques, traductions de leur mal être psychologique. Des pathologies chroniques ou antérieures (comme les maladies cardio-vasculaires, les troubles digestifs, en particulier les ulcères, les dermatoses etc.) sont aggravées par le stress et les états dépressifs aigus. Angoisses, colère, troubles du sommeil ou de l'alimentation : la consultation médicale permet de détecter et de soigner ces troubles. Le médecin MSF délivre des médicaments (dont des psychotropes si l'état du patient le requiert).

Soigner les traumatismes. En amont, parallèlement ou en aval de l'intervention du médecin, le psychologue MSF entame un travail thérapeutique permettant aux patients - hommes, femmes et enfants - d'exprimer leur peur, de traiter leurs traumatismes psychologiques, leur dépression et de réduire leur stress. Les thérapies sont brèves (une quinzaine de sessions maximum), individuelles, familiales ou en groupe suivant les cas. Chaque psychologue suit mensuellement entre 50 et 70 patients ou familles (plus d'une centaine de personnes). Notre action est bien comprise et acceptée. Souvent, ce sont les familles elles-mêmes qui favorisent l'identification d'autres personnes en souffrance et les réfèrent à nos équipes. Après certaines offensives militaires israéliennes, comme « Jours de pénitence » en 2004 ou « Plomb durci » en 2009, MSF a mis en place des séances de soins psychologiques pour le personnel de santé et les urgentistes, très exposés lors de ces épisodes de grande violence.

Un volet social indispensable. Entre 2000 et 2005, au cours d'incursions, des familles devaient fuir sans rien pouvoir emporter, perdaient leur maison, leur bétail, leur champs. Des zones étaient bouclées, cernées par les chars, sans approvisionnement en nourriture, eau potable ni médicaments. Depuis le désengagement israélien la situation a changé, mais aujourd'hui encore, dans un contexte économique soumis à un embargo depuis 2006, 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté, 44% est au chômage et 80% dépend totalement de l'aide internationale*. Depuis dix ans, l'aide sociale complète notre action psychologique et médicale. Cette assistance peut être ponctuellement matérielle et consiste surtout en la mise en relation des familles les plus démunies avec des organismes et associations d'aide locales ou internationales.

Les programmes de soins psychologiques aujourd'hui. Depuis 2000 dans la bande de Gaza et depuis 2004 à Naplouse (Cisjordanie), MSF mène un programme psycho-médico-social à destination des populations souffrant des conséquences de traumatismes liés aux conflits externe (israélo-palestinien) et interne (inter-palestinien). Via des thérapies courtes, nos équipes tentent de soulager la souffrance psychologique de ces patients. En fonction des besoins, les patients peuvent être référés à des médecins et travailleurs sociaux de MSF, ainsi qu'à d'autres structures et organisations d'aide.

Dossier spécial

Plus d'infos notre dossier "Soigner depuis 10 ans à Gaza".

Notes

    À lire aussi