Une fois ce travail terminé, MSF réalise des dossiers extrêmement documentés au sujet de chaque personne et de leur famille avant d’effectuer leur enregistrement auprès du HCR, la condition obligatoire pour être éligible au départ. Le HCR procède ensuite à la sélection de celles et ceux qui partiront dans le cadre d’un processus de décision malheureusement assez opaque. « Nous savons que certaines personnes sont écartées d’office comme les mineurs non-accompagnés, par exemple, dont l’accueil est refusé par le gouvernement italien. Mais pour les autres, les critères ne sont pas clairs. Nous ne comprenons pas pourquoi une personne va être sélectionnée plutôt qu’une autre. De plus, la communication entre le HCR en Libye, le HCR en Italie et le gouvernement italien n’est pas fluide, ce qui vient ajouter de la confusion et parfois des changements qui peuvent intervenir jusqu’à 48h avant le vol », précise Séverine Courtiol. Il va ensuite se passer de longs mois entre le moment où le HCR transmet la liste définitive des passagers et celui du départ. « L’attente est extrêmement pénible à supporter pour les personnes sélectionnées. La situation en Libye est telle que la perspective de la quitter génère un immense espoir et énormément d’impatience », ajoute Séverine Courtiol.
Prise en charge et accompagnement en Italie
« Quand j'étais en Libye, je pensais qu'en Italie, on me donnerait des droits. Depuis que je suis arrivé, j'ai trouvé beaucoup plus. Les personnes qui vivent avec moi aujourd'hui [au sein du projet de notre partenaire ARCI à Viterbo] ont vécu les mêmes choses que moi, et c'est pourquoi nous nous comprenons. Ici, en Italie, nous sommes bien, nous vivons bien ensemble, comme des frères. La vie en Libye est terminée, il y a un autre monde. Je suis passé d'un lieu d'injustice, de peur et de terreur à un endroit sûr et magnifique », témoigne Omar.
En Italie, MSF travaille en partenariat avec ARCI, une organisation civile italienne qui gère notamment l’accueil et l’hébergement de certains passagers issus des couloirs humanitaires dans plusieurs villes du pays. « Nous avons une petite équipe composée d’un médecin, d’un psychologue et de plusieurs médiateurs culturels, qui effectue une première visite chez chaque nouvel arrivant pour expliquer le type d’accompagnement qu’elle peut lui fournir. Elle va également référer les personnes qui doivent être prises en charge dans des hôpitaux italiens et s’assure que tous les besoins médicaux sont bien couverts », explique Chiara Montaldo, coordinatrice médicale au sein de MSF en Italie. L’équipe propose également un suivi psychologique à celles et ceux qui le souhaitent. « Pour ces personnes qui ont déjà un parcours très traumatisant, l’arrivée en Italie n’est pas simple, elles arrivent dans un endroit qu’elles ne connaissent pas, elles ne parlent pas la langue et doivent répéter sans cesse leur histoire dans le cadre de leur demande de titre de séjour, c’est très douloureux pour elles », poursuit Chiara Montaldo.
« Ces couloirs montrent qu’il existe des mécanismes et des possibilités de faire sortir des gens de Libye avec un maximum de protection. Bien que cela ne concerne pour le moment qu’un petit nombre de personnes, c’est un changement de vie radicale pour elles. Celles qui ont pu être évacuées vivent enfin dans un endroit où elles peuvent respirer et envisager un avenir sans craindre des violences quotidiennes », conclut Séverine Courtiol.
En parallèle, MSF continue de témoigner et d’alerter sur les violences subies par les migrants en Libye tout en cherchant d’autres mécanismes légaux de protection permettant leur évacuation vers des pays sûrs.