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Libye : évacuer les migrants vers l’Italie grâce à un couloir humanitaire

MSF project in Zuwara, Libya
Une femme se tient dans la salle d'attente d'un centre de santé où MSF fournit des soins dans la ville de Zuwara, en Libye. © Laurie Bonnaud/MSF

Depuis 2022, MSF travaille avec ARCI, une association de la société civile italienne, dans le cadre d'un partenariat qui lie le HCR en Libye et en Italie et le gouvernement italien, pour permettre l'évacuation de personnes dans des situations d'extrême vulnérabilité de la Libye vers l’Italie via un couloir humanitaire. 

La Libye reste l'un des endroits les plus dangereux pour les migrants et les demandeurs d'asile en raison d'un système de détention arbitraire, de l'absence de reconnaissance officielle des agences de protection mandatées par les Nations unies et du risque constant d'arrestation et d'abus. Ils sont confrontés à une violence systémique, à l'exploitation et à l'extorsion, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des centres de détention. 

Pourtant, les options sûres et légales pour ceux qui cherchent à quitter la Libye sont extrêmement limitées. Chaque année, des milliers de personnes tentent la traversée de la Méditerranée sur des embarcations de fortune au péril de leur vie. Les différentes milices qui forment les garde-côtes libyens, soutenues par les autorités italiennes et l'Union européenne, interceptent un grand nombre de ces bateaux, renvoyant souvent les migrants en détention où ils continuent d’être torturés et exploités. En 2024, 21 000 personnes ont été ramenées en Libye de cette façon, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Depuis plusieurs années, MSF appelle à la mise en place de voies de sorties sûres et de solutions légales permanentes pour permettre aux personnes les plus vulnérables de quitter la Libye. Les couloirs humanitaires sont une solution temporaire pour atteindre cet objectif et c’est en 2022 que les premiers vols ont été organisés entre la Libye et l’Italie, en coordination avec le HCR et les autorités italiennes, permettant à 500 personnes, dont 24 patients MSF, d’être évacuées en une année. Entre 2023 et 2024, ce sont 200 personnes, dont 33 personnes suivies par MSF, qui ont pu quitter le pays sur deux vols différents. De nouveaux vols sont prévus en février 2025. 

Omar a été l’un de ces passagers. « J'ai quitté le Soudan pour la première fois en 2021, raconte-t-il. Mon pays n'était pas sûr. En Libye, j'ai vu des gens être tués, des gens être blessés devant moi. Mes geôliers m'ont arraché un œil. Mon corps porte de nombreuses traces de violence, mais celle que l'on voit le plus maintenant, c'est l'œil. J'étais tellement heureux quand j’ai appris que je partais en Italie que je n'ai pas mangé pendant deux jours. »

Identifier celles et ceux qui doivent quitter la Libye

À travers ces projets médicaux mis en place en Libye, MSF identifie des personnes dans des situations de vulnérabilité les plus extrêmes et transmet une liste de noms au HCR. « Nous allons procéder à une évaluation dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire, c’est-à-dire que l’on va identifier et additionner des critères médicaux, de santé mentale et de protection, explique Séverine Courtiol, référente Protection pour les projets migration au sein de MSF. Les personnes que nous allons proposer au HCR sont extrêmement vulnérables. Cela peut être un patient souffrant d’une pathologie médicale grave qui ne peut être soignée ni en Libye, ni dans son pays d’origine ; un mineur non-accompagné ; une femme seule avec des enfants, une personne qui a été victime de torture ou de violences sexuelles aussi bien en Libye que pendant son parcours migratoire… Pour nous, la vie des ces personnes est en réel danger si elles restent en Libye. C’est une sélection qui est très difficile à faire pour nos équipes car la grande majorité de celles et ceux qu’elles accompagnent rentrent dans tous ces critères. Cela implique de faire des choix compliqués.»  Les équipes MSF ont fait le choix de proposer au HCR des listes les plus exhaustives de façon à rendre visible le nombre de personnes qu'elles suivent et les violences qu'elles subissent, et ainsi de mettre en lumière la situation catastrophique des migrants en Libye.

Une fois ce travail terminé, MSF réalise des dossiers extrêmement documentés au sujet de chaque personne et de leur famille avant d’effectuer leur enregistrement auprès du HCR, la condition obligatoire pour être éligible au départ. Le HCR procède ensuite à la sélection de celles et ceux qui partiront dans le cadre d’un processus de décision malheureusement assez opaque. « Nous savons que certaines personnes sont écartées d’office comme les mineurs non-accompagnés, par exemple, dont l’accueil est refusé par le gouvernement italien. Mais pour les autres, les critères ne sont pas clairs. Nous ne comprenons pas pourquoi une personne va être sélectionnée plutôt qu’une autre. De plus, la communication entre le HCR en Libye, le HCR en Italie et le gouvernement italien n’est pas fluide, ce qui vient ajouter de la confusion et parfois des changements qui peuvent intervenir jusqu’à 48h avant le vol », précise Séverine Courtiol. Il va ensuite se passer de longs mois entre le moment où le HCR transmet la liste définitive des passagers et celui du départ. « L’attente est extrêmement pénible à supporter pour les personnes sélectionnées. La situation en Libye est telle que la perspective de la quitter génère un immense espoir et énormément d’impatience », ajoute Séverine Courtiol.

Prise en charge et accompagnement en Italie

« Quand j'étais en Libye, je pensais qu'en Italie, on me donnerait des droits. Depuis que je suis arrivé, j'ai trouvé beaucoup plus. Les personnes qui vivent avec moi aujourd'hui [au sein du projet de notre partenaire ARCI à Viterbo] ont vécu les mêmes choses que moi, et c'est pourquoi nous nous comprenons. Ici, en Italie, nous sommes bien, nous vivons bien ensemble, comme des frères. La vie en Libye est terminée, il y a un autre monde. Je suis passé d'un lieu d'injustice, de peur et de terreur à un endroit sûr et magnifique », témoigne Omar. 

En Italie, MSF travaille en partenariat avec ARCI, une organisation civile italienne qui gère notamment l’accueil et l’hébergement de certains passagers issus des couloirs humanitaires dans plusieurs villes du pays. « Nous avons une petite équipe composée d’un médecin, d’un psychologue et de plusieurs médiateurs culturels, qui effectue une première visite chez chaque nouvel arrivant pour expliquer le type d’accompagnement qu’elle peut lui fournir. Elle va également référer les personnes qui doivent être prises en charge dans des hôpitaux italiens et s’assure que tous les besoins médicaux sont bien couverts », explique Chiara Montaldo, coordinatrice médicale au sein de MSF en Italie. L’équipe propose également un suivi psychologique à celles et ceux qui le souhaitent. « Pour ces personnes qui ont déjà un parcours très traumatisant, l’arrivée en Italie n’est pas simple, elles arrivent dans un endroit qu’elles ne connaissent pas, elles ne parlent pas la langue et doivent répéter sans cesse leur histoire dans le cadre de leur demande de titre de séjour, c’est très douloureux pour elles », poursuit Chiara Montaldo. 

« Ces couloirs montrent qu’il existe des mécanismes et des possibilités de faire sortir des gens de Libye avec un maximum de protection. Bien que cela ne concerne pour le moment qu’un petit nombre de personnes, c’est un changement de vie radicale pour elles. Celles qui ont pu être évacuées vivent enfin dans un endroit où elles peuvent respirer et envisager un avenir sans craindre des violences quotidiennes », conclut Séverine Courtiol.

En parallèle, MSF continue de témoigner et d’alerter sur les violences subies par les migrants en Libye tout en cherchant d’autres mécanismes légaux de protection permettant leur évacuation vers des pays sûrs. 
 

Notes

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