Au Malawi, depuis juillet dernier, un test diagnostique du VIH permettant de dépister les très jeunes enfants est proposé dans la plupart des centres de santé du district de Chiradzulu, au sud du pays, où MSF mène un programme de prise en charge des malades du VIH/sida.
Séverine Doumeizel, coordinatrice du projet, de retour du terrain, revient sur les raisons de cette mise en place et sur ce que l'on peut en attendre.
Qu'est ce que le DBS ?
« Le DBS est l'acronyme de "Dry Blood Spot" ("tâche de sang séché"). C'est un test de dépistage du VIH/sida qui permet de tester les très jeunes enfants, dès l'âge de six semaines. Ce test est très simple : on imprègne un papier buvard avec trois à cinq gouttes de sang, prélevées au talon ou au gros orteil. Ce prélèvement est ensuite examiné au microscope. Le résultat est prêt en maximum deux semaines.
Avant, nous ne pouvions dépister les enfants qu'à partir de l'âge de neuf ou douze mois et les méthodes utilisées (tests rapides) donnaient parfois des résultats discordants. Le DBS garantit une analyse biologique plus précoce, plus fine et plus sûre.
Pourquoi ce choix d'utiliser le DBS au Malawi ?
Aux débuts de sa vie, un enfant séropositif est extrêmement fragile et vulnérable. Plus il est dépisté tôt, plus il peut être rapidement mis sous traitement, ce qui réduit nettement ses risques de mortalité.
Par ailleurs, dans les centres de santé où travaille MSF, 10 à 15% des consultations quotidiennes concernent les petits, ça fait une centaine de consultations sur les dix centres de santé. C'est une charge de travail importante pour le personnel de santé.
Connaître le plus tôt possible le statut VIH d'un enfant, permet quand il est séronégatif d'espacer ses rendez-vous et son suivi médical jusqu'à ses douze mois. Quand l'enfant est séropositif, un dépistage précoce permet de le prendre en charge rapidement et d'éviter ainsi les complications.
Dans un pays comme le Malawi où 40% des postes de santé sont vacants et très difficiles à pourvoir, cela permet d'alléger la charge de travail du personnel médical national.
Concrètement, comment cela s'organise t-il sur le terrain ?
Fin juillet, nous avons commencé à utiliser les DBS dans trois centres de santé. Ce projet a été mené en collaboration avec le ministère de la Santé dont nous avons formé le personnel : agents de santé, infirmiers, assistant médical.
Ce sont eux qui assurent les prélèvements et les analyses. MSF se charge - pour des raisons de facilité logistique - du transport des échantillons sanguins vers le laboratoire du ministère de la Santé, situé à Blantyre (la capitale) et du retour des résultats vers les centres de santé du district.
Ce sont également nos conseillers psychosociaux qui annoncent le résultat aux parents de l'enfant testé, écoutent et répondent à leurs questions, abordent les difficultés quotidiennes liées au VIH et aident à la bonne compréhension et à la bonne prise du traitement.
En quoi est ce une bonne chose que le DBS soit proposé dans les zones rurales ?
Habituellement, le DBS n'est proposé que dans les hôpitaux. Chiradzulu est pour le moment l'un des rares districts du Malawi où ce type de dépistage peut être utilisé aussi dans des centres de santé. On suit ainsi au plus près les enfants testés et leur prise en charge médicale est optimisée.
En pratique, une fois par semaine, le jour de la consultation pédiatrique, dans les centres de santé, les bébés âgés de six semaines issus du PMTCT ( prévention de la transmission de la mère à l'enfant) et/ou ceux présentant des symptômes d'infection par le VIH (pneumonie, anémie, diarrhée, perte de poids...) sont dépistés.
Le risque de perdre la trace du patient en cours de route est nettement réduit. De plus, nous avons désormais accès à des enfants qui n'auraient pas forcément été jusqu'à l'hôpital pour être dépistés.
Sur les trois premiers mois et dans les trois premiers centres de santé, une centaine de tests DBS ont été effectués (50 tests sont effectués en moyenne chaque semaine) : 6 à 7 % des résultats étaient positifs. D'ici la fin de l'année, le DBS sera proposé dans neuf des dix centres que compte le district de Chiradzulu.
Quel liens peuvent se mettre en place entre notre programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant (PMTCT) et le DBS ?
Les mamans suivies dans le cadre de ce programme bénéficient de soins spécifiques à leur état de femme séropositive enceinte, ainsi que de méthodes de prévention de la transmission du virus à leur bébé, in utero et au moment de l'accouchement.
Les infirmières en charge du suivi de ces femmes pourront être formées au DBS et l'inclure dans leur suivi post-natal. A nouveau, une telle délégation permettrait de soulager les travailleurs de santé actuellement en charge du suivi pédiatrique.
Au-delà de l'avancée médicale, que peut on attendre de la mise en place du DBS ?
Cela peut aider à changer les mentalités : aider à faire savoir aux femmes, aux futures mères, aux communautés etc., que grâce au programme de prévention de la transmission mère-enfant et aux résultats que peut quasi immédiatement confirmer le DBS, une femme séropositive peut donner naissance à un enfant en parfaite santé.
Le bouche à oreille fonctionne bien, la prise de conscience est effective. Les mamans sont d'accord pour que l'on teste leur enfant. Pour un pays avec une telle prévalence VIH, c'est encourageant de savoir que les générations à venir ne sont pas condamnées. L'espoir et les perspectives d'avenir sont à nouveau permis.
Décentraliser et déléguer
Au Malawi, l'ampleur des besoins en matière de VIH/sida et le manque de personnel de santé nous ont poussés à mettre en place de nouvelles approches thérapeutiques.
Ainsi, les protocoles de soins ont été simplifiés et la prise en charge des patients a été déléguée à tous les centres de santé de la zone, au plus près des malades.
Pour que le partage des tâches soit effectif et efficace, une collaboration étroite a été instaurée entre les personnels médicaux MSF et ceux du ministère de la Santé et certaines compétences médicales ont été déléguées aux personnels infirmiers, plus nombreux.
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