La pénurie alimentaire touchait de nombreuses familles dès le début de
l'année mais elles n'ont eu un accès au mil que très limité. Jusqu'au
mois de juin 2005, les acteurs du système de l'aide (bailleurs de
fonds, agences des Nations unies) ont soutenu le gouvernement nigérien
dans son choix de faire payer l'aide alimentaire, sous prétexte que
l'aide gratuite déséquilibre les marchés, crée des populations
assistées et ruine à terme les efforts de développement. Le choix
politique de préserver des marchés - pourtant déjà fortement
déséquilibrés par la spéculation - s'est fait au détriment des secours
gratuits aux plus vulnérables.
Une
fois l'urgence reconnue, elle a été analysée comme la conséquence de
mauvaises récoltes dues à la sécheresse et aux criquets. Par
conséquent, lorsqu'elles ont été enfin mises en oeuvre, les
distributions de nourriture ont essentiellement ciblé les zones de
déficit céréalier, sans tenir compte des indicateurs de malnutrition
(représentés à cette époque par les admissions dans les centres
nutritionnels). De plus, les rations du Programme alimentaire mondial
(PAM) ne comprenaient pas d'aliments spécialisés (farine enrichie),
adaptés aux besoins nutritionnels des jeunes enfants. Or il ne s'agit
pas tant d'un problème de récolte que d'accès à la nourriture en
quantité et en qualité suffisante pour les enfants en bas âge.
Si
la production de mil a effectivement accusé un déficit en 2004 par
rapport à 2003, elle n'en reste pas moins une des meilleures campagnes
agricoles dans l'histoire du Niger. L'expérience MSF au Niger démontre
également que la malnutrition n'a pas baissé après les années de bonne
récolte (2001 et 2003) et que c'est au coeur de la zone de production
agricole, dans la région de Maradi, surnommée le grenier du Niger, que
la prévalence de la malnutrition aiguë est la plus forte.
Si on ne
prend plus en compte la production de mil mais les échanges
commerciaux, une cohérence apparaît entre les zones de prévalence de la
malnutrition. A l'inverse de la zone agro-pastorale où l'essentiel de
la production est auto-consommée, dans les zones plus méridionales, le
mil est de plus en plus commercialisé. Vendu au moment des récoltes par
les paysans endettés, le mil est racheté par les commerçants au prix le
plus bas. La ressource monétaire reste faible, insuffisante pour faire
face à une dépense imprévue ou pour se procurer du mil en quantité
suffisante durant la période de soudure, quand les prix sont au plus
haut.
Les ménages les plus pauvres, quelle que soit la qualité de la
récolte, n'ont rapidement plus accès à une alimentation suffisante en
quantité et qualité. Cette paupérisation des familles et son impact sur
la malnutrition se remarquent à travers les chiffres d'admission dans
les programmes de MSF : depuis trois ans, nous avons remarqué que les
admissions augmentent à nouveau de plus en plus tôt après les récoltes.
En
conclusion, sans prétendre livrer d'explication unique à cette
situation complexe, Médecins Sans Frontières insiste sur le problème
d'accessibilité à une nourriture en quantité et en qualité suffisante
pour les ménages les plus pauvres. Il s'agit bien d'une crise
nutritionnelle à laquelle une réponse peut être apportée aujourd'hui.