La salle d'attente du centre de santé de Médecins Sans Frontières (MSF) est pleine : de nombreuses femmes accompagnées de nourrissons et d'enfants attendent, quelques hommes aussi.
Parmi les patients, 55% sont des enfants, dont 35% ont moins de cinq ans. Les pathologies les plus souvent rencontrées par nos équipes sont des infections respiratoires, des infections cutanées souvent sur-infectées en raison des conditions de vie précaires.
En effet, la plupart des habitants des bidonvilles de Mamoudzou vivent dans des cabanes en tôle ondulée, souvent entourées de déchets. Et les gens n'y ont qu'un accès limité à l'eau propre.
Au centre de santé de MSF, certains patients viennent aussi pour soigner des parasitoses intestinales, des diarrhées, de l'hypertension ou encore des maladies sexuellement transmissibles (MST).
« Les pathologies sont typiquement celles rencontrées dans n'importe quel centre de santé d'un bidonville sauf qu'ici, nous sommes à Mayotte, en territoire français», explique Laura Brav, chef de mission.
La peur d'être arrêté. Lors de nos consultations, nous avons relevé comme principal obstacle aux soins pour cette population "irrégulière" et précaire, la crainte d'une arrestation et donc d'une expulsion. En 2008, 16 500 renvois ont été effectués.
Certaines personnes déclarent même dormir en forêt certaines nuits si elles craignent une "descente" de la Police de l'air et des frontières (PAF). Pour éviter le risque qu'un patient soit arrêté et expulsé avant d'avoir pu compléter son diagnostic et commencer son traitement, l'équipe MSF transporte parfois elle-même les patients (ou appelle l'ambulance si c'est une urgence) jusqu'à l'hôpital, au laboratoire, ou chez le spécialiste.
Les raisons médicales sont rarement retenues comme motif de non-renvoi et les titres de séjour pour soins ne sont pas régis comme en métropole et sont très difficiles à obtenir. Par ailleurs, la durée de rétention étant de moins de 48 heures, les médecins ont rarement le temps d'intervenir.
Mais les obstacles ne sont pas systématiques, certains patients arrivent à surmonter leur peur ou à attendre le jour où la route est libre pour se rendre aux dispensaires, à la PMI ou l'hôpital.
L'autre frein est le coût des soins. En 2005, la mise en place de la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte (CSSM) met fin au système de soins gratuits pour tous. Les soins deviennent payants pour toute personne non affiliée à l'assurance maladie. De plus, l''Aide médicale d'Etat (AME) n'existe pas à Mayotte.
Or, pour des raisons particulières au statut de l'île, de nombreux résidents vivent sans titre de séjour et ne sont pas encore affiliés à la CSSM. Et les personnes qui doivent payer pour des soins sont celles-là même qui vivent dans les conditions sanitaires les plus précaires, et qui n'ont pas le droit de travailler. (En savoir plus sur le statut de Mayotte)
Identifier les cas urgents. L'équipe MSF fait souvent des visites dans les quartiers défavorisés pour dépister des personnes nécessitant des soins mais qui auraient peur de sortir de chez elles, ou n'ont pas de ressources.
L'une d'elle raconte : « J'avais peur de sortir, et puis j'avais pas les 10 euros. Alors j'ai attendu que ça passe. Ca passait pas, et je voulais emprunter de l'argent au voisin, mais finalement j'ai dû appeler les pompiers. Heureusement, aux urgences ils m'ont pas fait payer. »
En effet, si nos équipes rencontrent peu de cas graves, elles rapportent néanmoins les nombreuses histoires de personnes ayant attendu trop longtemps chez elles avant de se rendre, en dernier recours, aux urgences.
L'accès aux urgences est assuré pour les cas critiques. Faut-il attendre que la condition d'un malade se détériore à ce point pour se faire soigner ?