Médicaments génériques : le début de la fin ?

Les malades du sida dans les pays en développement sont privés des innovations thérapeutiques qui pourraient leur sauver la vie. MSF refuse la pratique courante des sociétés pharmaceutiques qui commercialisent en Afrique en Asie et en Amérique Latin
© MSF

L'Inde a voté le changement de sa loi sur les brevets. Si le texte adopté assouplit, à court terme, l'ordonnance initiale rédigée par le gouvernement indien, à long terme, il hypothèque la possibilité pour les patients des pays pauvres d'avoir accès à des médicaments vitaux. Désormais, les nouveaux médicaments pourront être protégés en Inde pour 20 ans contre la copie. Or ce pays était le principal fournisseur de médicaments génériques pour les malades du sida dans les pays pauvres.

La mobilisation des associations dans laquelle MSF s'était impliquée, en Inde et un peu partout dans le monde, n'aura donc pas suffi. Les parlementaires indiens ont voté la réforme de la loi sur les brevets, qui protégeront désormais les nouveaux médicaments pour 20 ans. Les laboratoires indiens ne pourront plus - ou sous des conditions d'une telle complexité qu'elles risquent de se révéler impraticables - produire et distribuer des copies génériques, à des prix abordables, des médicaments dont des millions de malades dépendent pour survivre. Le sort des malades du sida est particulièrement préoccupant, puisque 50% de ceux qui bénéficient d'un traitement antirétroviral (ARV) dans les pays pauvres reçoivent des génériques indiens.

En vertu de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'Inde était tenue, depuis le 1er janvier 2005, de se mettre en conformité avec les règles de propriété intellectuelle de cette organisation. Les parlementaires disposaient néanmoins d'une marge de manoeuvre pour inclure dans la loi des dispositions permettant, même lorsqu'un médicament est breveté, la production et l'exportation de versions génériques, évitant ainsi l'envolée du prix des médicaments.

Un texte initial amendé

Certes, le texte final adopté prend en compte plusieurs des revendications des organisations non-gouvernementales nationales et internationales, dont MSF. Ainsi, un dispositif de "licence automatique" prévoit que tous les médicaments génériques déjà fabriqués et commercialisés par les laboratoires indiens pourront continuer d'être produits, même si le médicament de marque correspondant obtient un brevet en Inde. Dans ce cas, le "génériqueur" devra simplement verser des "royalties raisonnables" au détenteur du brevet. Si les normes internationales en terme de royalties sont de l'ordre de 3 à 4%, en Afrique du Sud, en 2001, le laboratoire GlaxoSmithKline avait tenté d'imposer des royalties de l'ordre de 40%, exigence finalement repoussée grâce à la mobilisation des activistes. Il incombe donc au gouvernement indien de préciser ce qu'il entend par "royalties raisonnables", de manière à éviter des hausses de prix trop importantes.

D'autres amendements apportent des améliorations au texte initial de l'ordonnance du gouvernement indien. Les nouveaux usages de molécules connues ne pourront pas être brevetés, ce qui évitera la prolongation abusive de la protection qu'offrent les brevets. Le droit du public de contester les demandes de brevet sur les médicaments a été réintroduit dans la version votée de la nouvelle loi. MSF pourra, si besoin, se joindre à d'autres organisations pour contester des demandes de brevet.

Autre changement, les pays désireux d'importer des génériques indiens ne seront pas obligés d'obtenir une licence obligatoire auprès du détenteur des brevets correspondants. C'est une mesure essentielle, notamment pour les pays les moins développés qui n'appliquent pas les règles de la propriété intellectuelle sur les médicaments.

A terme, des malades privés de médicaments vitaux

Reste que les perspectives d'avenir sont inquiétantes. Pour les nouveaux médicaments mis au point par les laboratoires pharmaceutiques de marque, la possibilité pour les génériqueurs indiens d'en produire des copies est en effet drastiquement réduite.

A partir de la date où un nouveau médicament obtient un brevet, il faudra désormais patienter trois ans avant de pouvoir demander l'autorisation d'en produire une version générique. Cette disposition creuse le fossé entre les malades des pays riches et ceux des pays pauvres, qui devront attendre plusieurs années avant de bénéficier des médicaments innovants.

L'autre inquiétude porte sur le mécanisme de licence obligatoire - qui permet aux fabricants de génériques de produire des copies de médicaments brevetés, moyennant paiement de royalties au détenteur du brevet. C'est une des mesures clés pour assurer la disponibilité de médicaments à coût abordable. Or, dans la loi adoptée en Inde, la complexité des procédures et l'absence de contrôle sur le niveau des royalties à reverser risquent de conduire à des litiges et des délais sans fin.

La modification de la loi indienne sur les brevets, adoptée définitivement le 23 mars, n'est pas le pire scénario envisagé. Elle n'en constitue pas moins un sérieux revers pour l'accès aux médicaments vitaux dans les pays pauvres. Elle risque d'accentuer l'abandon dont sont victimes des millions de malades.

Dossier spécial accès aux médicaments essentiels

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Notes

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