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Morsures de serpents : peu d’espoir de traitement pour les plus vulnérables

Nyekuony a été mordue par un serpent. Elle atten d'être opérée par un chirurgien MSF.
Nyekuony a été mordue par un serpent. Elle atten d'être opérée par un chirurgien MSF. © Alexandra Malm/MSF

Chaque année, cinq millions de personnes sont mordues par des serpents. 125 000 décèdent et 400 000 souffrent d’invalidité permanente ou sont défigurées. La majorité de ces victimes n’a pas accès à un traitement efficace, tel que le sérum antivenimeux FAV-Afrique, dont Sanofi-Pasteur a stoppé la production. Le dernier lot expirera à la fin du mois de juin 2016.

Nyekuony, 35 ans, pêchait près de sa maison, dans une rivière des marais As-Sudd, Soudan du Sud, quand un serpent lui a mordu le pied. Elle a eu dans un premier temps recours à la médecine traditionnelle. Elle a ensuite essayé des médicaments achetés dans une pharmacie locale. Sa blessure ne guérissant toujours pas, sa chair et son os ont commencé à se putréfier. Ne pouvant plus marcher, Nyekuony fut contrainte de se trainer. A cette période, la région était ravagée par un conflit armé qui rendait les déplacements à l’hôpital dangereux.

Nyekuony a mis deux ans avant que son chemin ne croise celui de MSF. A Mayom, elle s’est rendue à la clinique et a été immédiatement transférée vers l’hôpital MSF d’Agok. Un chirurgien a dû lui amputer la jambe afin d’éviter que son cas ne s’aggrave. Nyekuony marche aujourd’hui avec des béquilles. Si elle a eu la chance de survivre, une prise en charge plus rapide aurait cependant pu sauver sa jambe.

Nyekuony est une victime de morsure de serpent parmi tant d’autres. Chaque année, on estime que quelque cinq millions de personnes dans le monde sont mordues par des serpents. Parmi elles, environ 125 000 décèdent et 400 000 souffrent d’invalidité permanente ou sont défigurées. Parmi les victimes, de très nombreux enfants vivant principalement dans des zones rurales caractérisées par un accès difficile à des soins médicaux. Même ceux qui parviennent à atteindre un centre de santé ayant à disposition des sérums antivenimeux sont souvent incapables de payer ce traitement vital, qui peut coûter jusqu’à 250 dollars par patient – l’équivalent de deux ans de salaire pour certaines personnes.

Les équipes MSF fournissent des traitements gratuits aux victimes toujours plus nombreuses. Chaque année plus de 300 patients sont soignés à l’hôpital d’Agok – seule structure médicale de la région possédant des sérums antivenimeux fiables et efficaces contre les morsures de serpent.

Ces antivenins ont  permis de sauver la vie de Nyajinma, une petite fille de six ans arrivée une nuit à l’hôpital d’Agok, avec des cloques sur la peau, un rythme cardiaque dangereusement élevé et une main, un bras et la poitrine qui enflaient. Mordue par un serpent dans son sommeil, Nyajinma fut portée par sa mère jusqu’au centre de santé le plus proche. A son arrivée, après plus d’une heure et demie de marche, Nyajinma et sa mère découvrirent qu’aucun traitement n’y était disponible. Nyajinma fut alors transportée d’urgence à l’hôpital MSF d’Agok. « Nous lui avons immédiatement injectédeux doses d’antivenin, déclare Boniface Omuli, médecin MSF. Il a fallu agir très rapidement car nous avions peur de la perdre. Mais heureusement, elle s’est rétablie ».

MSF a traité Nyajinma avec l’antivenin FAV-Afrique, produit par la société pharmaceutique française Sanofi-Pasteur. Il s’agit actuellement du sérum antivenimeux le plus polyvalent disponible sur le marché : il permet de traiter efficacement les morsures des 10 serpents venimeux les plus communs d’Afrique sub-saharienne.

Cependant, Sanofi-Pasteur a cessé la production du FAV-Afrique. Le dernier lot expirera à la fin du mois de juin 2016. Bien que d’autres sérums antivenimeux soient disponibles, ils n’agissent pas contre tous les types de venin de serpent. Leur efficacité ainsi que leur sûreté n’ont d’ailleurs été testées que dans le cadre de petites études ou dans des zones géographiques d’Afrique très limitées.

« Nous allons devoir utiliser deux antivenins différents comme solution de remplacement, explique Christine Jamet, responsable de programme MSF pour le Soudan du Sud. Le traitement des patients deviendra plus complexe car ces antivenins alternatifs ne couvrent pas les morsures d’espèces de serpents aussi variées que le FAV-Afrique. C’est un réel problème puisque les victimes savent très rarement quel type de serpent les a mordues. Nous allons donc devoir soigner les victimes en nous basant uniquement sur leurs symptômes. Nous ne savons pas encore l’impact que cela aura sur nos patients, mais aujourd’hui nous n’avons pas d’autre choix. »

Pour les victimes de morsures de serpents au Soudan du Sud, obtenir un traitement demeure un combat. Ce problème est symptomatique d’une crise de plus grande envergure : la majorité des victimes de morsures de serpents dans le monde n’a pas accès à un traitement efficace qui pourrait les sauver de la mort ou d’une défiguration permanente. Tant que les antivenins ne seront pas sûrs, disponibles et accessibles, des centaines de milliers de personnes resteront les victimes oubliées d’une crise négligée.

Notes

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