Niger - Une réponse nettement meilleure, une situation encore très critique

Médecins Sans Frontières a pris en charge plus de 26.000 enfants
souffrant de malnutrition aiguë dans la région de Maradi, au Niger, au
premier semestre 2006. Fin juin, au début de la période la plus
critique, plus de 2.000 enfants sont admis chaque semaine. L'année
dernière, la gravité de la situation avait nécessité de lancer une
opération d'urgence pour renforcer le programme de prise en charge de
la malnutrition qui existe depuis 2001. Emmanuel Drouhin, responsable
des programmes de MSF au Niger, fait le point sur la situation après
une visite sur le terrain.

Qu'est ce qui t'as le plus marqué durant cette visite ?
Ce qui m'a frappé, c'est que nous parlons maintenant de dizaines de milliers d'enfants traités ! 26.000 enfants admis depuis janvier dans nos programmes de la région de Maradi ; 140.000, toutes ONG confondues, sur l'ensemble du Niger : nos anciens repères sont totalement dépassés. Il y a deux ans, nous ne savions soigner que 10.000 enfants dans l'année, au mieux 20.000, uniquement les cas les plus sévères.

L'accès à la nourriture pose-t-il encore problème dans la région de Maradi ?
La situation reste critique, avec un phénomène de paupérisation très inquiétant et une usure des stratégies d'adaptation mises en place pour traverser les mois les plus difficiles. De nombreuses familles survivent à crédit et manquent de nourriture. Parce qu'elles remboursent en nature les dettes contractées l'année précédente à des taux usuriers/élevés, leurs réserves engrangées après la récolte d'octobre s'épuisent dès mars ou avril et elles doivent restreindre leur consommation alimentaire. Quand elles n'ont pas de quoi rembourser, elles sont obligées de vendre leurs terres... Dans cette région, il y a de plus en plus de "paysans sans terre". Et la forte solidarité dans les villages atteint ses limites lorsque la pénurie est trop importante.
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Centre ambulatoire de Dan Issa
Les onze centres nutritionnels ambulatoires de MSF dans la région de Maradi permettent de prendre en charge la plupart des cas de malnutrition aiguë. Seuls les enfants qui souffrent en plus d'une complication médicale ont besoin d'être hospitalisés.

En ce début de période de soudure, les admissions dans nos centres augmentent-elles déjà ?
La courbe est ascendante, avec plus de 1.500 admissions par semaine depuis mi-mai et plus de 2.000 fin juin. Or l'année dernière, 60% des enfants ont été pris en charge entre mi-juillet et mi-octobre. A cette époque de l'année, le manque de nourriture en quantité comme en qualité est particulièrement important et c'est aussi la saison du paludisme, des diarrhées et des infections respiratoires.

Cette année, nous admettons tous les enfants souffrant de malnutrition aiguë, sévère ou modérée. Neuf enfants sur dix suivent le traitement nutritionnel avant d'avoir atteint un stade sévère. Cette nouvelle stratégie de prise en charge rend toute comparaison avec les années précédentes difficile, mais nous espérons qu'elle permettra de réduire le taux de mortalité sur toute l'année et particulièrement pendant la période de soudure.

Les moyens déployés pour faire face à la situation nutritionnelle au Niger sont-ils satisfaisants ?
La plupart de nos onze centres nutritionnels ambulatoires sont maintenant ouverts toute la semaine et nous en ouvrirons d'autres au besoin. La section belge de Médecins Sans Frontières débute un programme à Aguié et la section espagnole est maintenant présente à l'ouest de la région de Maradi. La section suisse poursuit ses activités dans la région de Zinder. Dans tous les centres de MSF, les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère ou modérée sont désormais soignés avec un aliment thérapeutique prêt à l'emploi (le Plumpy'Nut) dont l'efficacité est prouvée.

Au-delà de MSF, la réponse est conséquente. Le ministère de la Santé nigérien, les agences des Nations unies et les différentes ONG ont prévu de prendre en charge 500.000 enfants en 2006. De juillet à septembre, le Programme alimentaire mondial (PAM) va distribuer 12 kilos de céréales par mois et par enfant de moins de cinq ans dans les régions de Maradi, Zinder et Tahoua, où la malnutrition aiguë est importante. Le gouvernement nigérien a par ailleurs adopté un nouveau protocole de prise en charge de la malnutrition aiguë sévère ainsi que la gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans.
Evidemment la traduction sur le terrain de ces décisions politiques n'est pas toujours visible, il faudra pour cela du temps et surtout des moyens importants, mais tout témoigne d'une forte volonté de s'attaquer à cette question de santé publique.

Le point qui reste critiquable dans la réponse est que l'utilisation du traitement le plus efficace est essentiellement limitée aux enfants souffrant de malnutrition sévère. Or ceux au stade dit modéré de la malnutrition ont eux aussi besoin de cette prise en charge thérapeutique, rendue possible par les aliments thérapeutiques prêts à l'emploi et la stratégie ambulatoire. Pour la majorité des enfants, c'est la mère qui devient le soignant et les résultats de nos programmes au Niger prouvent qu'elles sont efficaces : plus de 94% de guérison !
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Les mères, soignantes efficaces
Au Niger, la malnutrition est très souvent attribuée aux mères, à leur ignorance, leur manque d'hygiène, leur fidélité à des tabous alimentaires... Pourtant les mères ont été les premières à comprendre que le malnutrition n'est pas une fatalité et qu'avec un produit adapté, leurs enfants peuvent être sauvés.

On entend pourtant très souvent que les mères ne s'occupent pas bien de leurs enfants !
Personne ne leur fait confiance. Au Niger, la malnutrition est très souvent attribuée aux mères, à leur ignorance, leur manque d'hygiène, leur fidélité à des tabous alimentaires... Pourtant les mères ont été les premières à comprendre que le malnutrition n'est pas une fatalité et qu'avec un produit adapté, leurs enfants peuvent être sauvés. J'ai rencontré une femme qui avait parcouru 250 kilomètres pour emmener son enfant au centre de nutrition ! Parce qu'elle pensait qu'il y avait effectivement une chance de le sauver, elle a surmonté tous les obstacles, dont l'opposition de son mari, pour venir. Tout le monde connaît les centres de nutrition, chacune a vu l'enfant d'une voisine ou d'une parente reprendre du poids et se porter bien. Pour moi, c'est vraiment le principal changement, et le plus encourageant.
Dans une majorité des cas, il suffit de donner aux enfants un aliment thérapeutique pour qu'ils reprennent du poids et des forces. Le problème désormais, c'est que les familles n'ont pas les moyens d'acheter ce produit. Le prix d'un traitement (2 sachets de Plumpy'nut par jour pendant un mois) est d'une quinzaine d'euros. Tout l'enjeu est donc aujourd'hui de réduire son coût pour le rendre accessible dans un pays où le pouvoir d'achat des familles est extrêmement faible.

Notes

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