Quelles sont nos activités à Arua ?
Notre équipe travaille dans l’hôpital de référence d’Arua, dans une province de 2 millions d’habitants où la prévalence du VIH/sida chez les adultes est de 2.7%.
Depuis 2002, nous y avons mis en place un programme de traitement des patients VIH/sida. Aujourd’hui, 6.500 patients sont suivis dans ce programme dont 3.500 bénéficient d’un traitement anti-rétroviral (ARV). Nous avons également travaillé à une meilleure intégration des soins pour les malades co-infectés par le VIH et la tuberculose, et mis en place un programme nutritionnel pour les patients malnutris infectés par le VIH, adultes et enfants.
Enfin, depuis mai 2007, nous nous sommes ré-impliqués dans le programme PMTCT (Prevention Mother To-Child Transmission), donc de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Une vingtaine de mères séropositives sont admises chaque mois. Nous les suivons avant, pendant et après l’accouchement et les enfants jusqu’à leur un an. Eviter la transmission du VIH de la mère à l’enfant est possible pendant l’accouchement, avec un anti-rétroviral adapté. C’est un gros défi pour MSF, et aussi un changement d’approche. Car les femmes se rendent à l’hôpital pour leur grossesse, et non pour se faire dépister du VIH. Ce sont tous leurs problèmes de santé, et non uniquement l’infection VIH, que nous devons désormais prendre en compte, ainsi que celle de leur enfant à venir. Cette approche globale devrait nous permettre de mieux prendre en charge leurs besoins, d’assurer de meilleurs soins, et surtout d’éviter des infections.
Où en est le processus de décentralisation des soins dans les centres de santé ?
Dans la province, l’hôpital d’Arua a longtemps été la seule structure de la région du West Nile à proposer des traitements ARV gratuits. Depuis deux ans, le ministère de la Santé a mis en place un système de décentralisation des soins VIH dans des hôpitaux de districts et dans certains centres de santé.
Depuis octobre 2006, nous apportons un support technique à 5 de ces centres. Déjà, au début de notre implication dans ces centres, nous avions noté un grave déficit en terme de formation, de personnel médical, à la fois en nombre et suffisamment formé, et un approvisionnement en médicament déficient.
Cela d’autant plus frustrant que le pays reçoit des financements conséquents des bailleurs internationaux pour le VIH/sida. Mais ces financements, de notre point de vue, ne sont pas forcément bien employés. Certains centres sont financés par des bailleurs de fonds différents qui mettent en place des systèmes de soins parallèles, voire concurrents.
Autre exemple, les systèmes de commande des médicaments sont différents selon les pathologies : il existe un système pour les ARV, un autre pour la tuberculose, pour les tests, ou pour les maladies opportunistes. Alors oui, la décentralisation des soins a bien démarré en Ouganda. Mais beaucoup trop de patients n’ont pas encore accès aux traitements. Et, pour ceux qui en bénéficient, la qualité des soins est plus que contrastée d’un centre à l’autre. Dans ceux qui ne fonctionnent pas bien, le risque est d’avoir des patients recevant des traitements incomplets ou interrompus, et qui peuvent ainsi développer des résistances, plus difficiles et plus coûteuses à traiter.
Que fait MSF pour pallier ces manques ?
Nous essayons de proposer des solutions pour améliorer le manque de personnel. Ainsi, une équipe MSF, composée d’un médecin, d’une infirmière et d’une personne en charge du « counselling » se rend au moins une fois par semaine dans chacun des 5 centres auquel nous apportons notre soutien.
L’objectif est de tenter de mettre en place une organisation plus efficace permettant d’améliorer la prise en charge des patients. L’équipe MSF fournit un appui technique pour les consultations et le « counselling » et assure un transfert de responsabilité des cliniciens aux infirmières : comme il n’y a pas suffisamment de médecin, le suivi des malades peut être, en partie, assuré par des infirmières. De même, une part du travail des infirmières peut être transféré à du personnel non-médical. Ce sont la plupart du temps des personnes vivant avec le VIH et membres d’organisations de personnes séropositives, qui sont formées à toutes les tâches non-médicales et au « counselling ».
Plus généralement, nous tentons de sensibiliser les autorités et les bailleurs de fond sur la réalité que nous observons sur le terrain. Car la situation, pour nous, est inquiétante. Les fonds disponibles se concentrent sur la prévention et l’achat de médicaments ARV, mais rien n’est proposé pour palier le manque de ressources humaines, ni pour les médicaments nécessaires à la prise en charge des infections opportunistes. C’est certainement la partie la plus difficile, car le système mis en place est lourd et donc difficile à changer.