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Pacte migration et asile : lettre ouverte aux députés européens

Emergency Medical Aid (EMA) for new arrivals in Samos, Greece
Un gilet de sauvetage abandonné par une personne arrivée par la mer sur l'île de Samos, en Grèce.  © MSF/Alice Gotheron

Ce lundi 18 décembre, journée internationale des migrants, s’ouvre à Bruxelles une phase décisive dans les négociations autour du Pacte européen sur la migration et l’asile. Dans une lettre ouverte aux eurodéputés et dirigeants européens engagés dans les négociations, MSF exhorte les gouvernements à changer de cap et à donner la priorité à des politiques plus humaines.

Mesdames et messieurs les eurodéputés, 

Mesdames et messieurs les représentants des gouvernements des États Membres de l’Union Européenne,

Alors que les négociations progressent autour des dossiers clés du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, nous vous appelons de toute urgence à changer de cap, à donner la priorité à la sécurité des personnes en quête d'asile et à cesser d'instrumentaliser la souffrance humaine à des fins politiques.

Ce nouveau pacte n'est pas une réforme des politiques européennes d'asile et de migration. Il ne s'agit pas d'une solution à la "crise migratoire" de l'Europe, ni d'un accord historique. Il s'agit simplement de la poursuite et de l'intensification des politiques d'endiguement et de dissuasion, axées sur le traitement rapide des cas et les renvois. Nous avons vu que ces politiques n'ont pas fonctionné et qu'elles ont, au contraire, engendré des souffrances inimaginables.

Depuis des années, Médecins Sans Frontières (MSF) observe les conséquences du renvoi de personnes en Libye, où elles sont confrontées à la détention, à la violence, aux agressions sexuelles, à l'extorsion et au travail forcé. Il est honteux que l'externalisation de la gestion des frontières dans des pays peu sûrs comme la Libye constitue la pierre angulaire du pacte. 

Cette externalisation sert de modèle à la signature d'accords similaires dans d'autres pays comme la Tunisie - un pays où les patients à bord de notre navire de recherche et de sauvetage, le Geo Barents, nous disent qu'ils sont confrontés à une discrimination croissante, à des attaques violentes et à des expulsions collectives.

Au lieu de garantir des conditions d'accueil dignes aux personnes qui cherchent la sécurité en Europe, le pacte ne fait qu'institutionnaliser la détention de facto et porte atteinte au droit des personnes à demander l'asile. Notre travail en Grèce nous a appris que les clôtures, les barbelés et la détention sont extrêmement nocifs pour la santé des personnes et ne peuvent constituer une solution.

Dans le cadre de nos projets en Europe, nous avons constaté que les États européens ont capitalisé sur les notions de "crise" et de "mesures extraordinaires" pour réduire les garanties offertes aux personnes qui en ont cruellement besoin. Ces notions ont servi de terreau à des pratiques violentes telles que les refoulements aux frontières et les détentions prolongées et arbitraires. L'application de mesures d'urgence en cas de "crise" a limité l'aide humanitaire indépendante et la surveillance de la société civile, rendant de plus en plus difficile la réponse aux personnes dans le besoin.

Les survivants d'un sauvetage en mer dorment sur le pont du Geo Barents dans des conditions extrêmement difficiles.
 © Rahul Dhankani/MSF
Les survivants d'un sauvetage en mer dorment sur le pont du Geo Barents dans des conditions extrêmement difficiles. © Rahul Dhankani/MSF

Le pacte ne fait rien pour empêcher les gens de mourir en Méditerranée centrale. Au contraire, en se cachant derrière une formulation vague, les dirigeants de l'UE sont libres de s'éloigner de leur devoir de sauvetage, tout en continuant à saboter et à criminaliser les activités de recherche et de sauvetage de la société civile.

Le pacte n'apporte aucune réponse significative à l'usage systématique et à grande échelle de la violence aux frontières de l'Europe. Dans toute l'Europe, nos patients rapportent qu'ils sont victimes de refoulements, de mauvais traitements et de violences aux frontières de l'UE. Ces refoulements s'accompagnent d'agressions physiques, de détention, d'humiliations verbales ou d'autres formes de traitement dégradant. Dans la plupart des cas, ils sont le fait d'autorités publiques.  

Au lieu de s'attaquer aux causes structurelles qui ont permis à cette violence de proliférer sans contrôle, le pacte risque de continuer à institutionnaliser ces tactiques de dissuasion en maintenant la pression sur les frontières extérieures de l'Europe, en tolérant la dérogation aux droits des personnes à la sécurité et à la protection, et en perpétuant des discours déshumanisants sur les personnes dans le besoin.

Les solutions actuellement proposées par le Pacte n'apportent pas de réponse à la perte continue et évitable de vies humaines aux frontières de l'Europe. Nous vous demandons instamment d'adopter des politiques humaines qui minimisent les risques pour la santé et le bien-être des personnes et protègent les vies humaines.

Cela signifie :
- Rejeter catégoriquement les propositions qui encouragent davantage l'externalisation de la gestion et du contrôle des frontières ;
- Garantir des conditions d'accueil dignes à toutes les personnes en quête de protection et de sécurité, quelles que soient les circonstances de leur arrivée ;
- Supprimer sans équivoque et sans condition la possibilité pour les ONG d'être associées à l'instrumentalisation et éviter ainsi de nouvelles mesures de répression des activités de sauvetage ;
- Mettre fin à l'utilisation systématique et à grande échelle de la violence aux frontières de l'Europe et s'attaquer aux causes structurelles qui ont permis à cette violence de proliférer sans contrôle.

Notes

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