Mesdames et messieurs les eurodéputés,
Mesdames et messieurs les représentants des gouvernements des États Membres de l’Union Européenne,
Alors que les négociations progressent autour des dossiers clés du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, nous vous appelons de toute urgence à changer de cap, à donner la priorité à la sécurité des personnes en quête d'asile et à cesser d'instrumentaliser la souffrance humaine à des fins politiques.
Ce nouveau pacte n'est pas une réforme des politiques européennes d'asile et de migration. Il ne s'agit pas d'une solution à la "crise migratoire" de l'Europe, ni d'un accord historique. Il s'agit simplement de la poursuite et de l'intensification des politiques d'endiguement et de dissuasion, axées sur le traitement rapide des cas et les renvois. Nous avons vu que ces politiques n'ont pas fonctionné et qu'elles ont, au contraire, engendré des souffrances inimaginables.
Depuis des années, Médecins Sans Frontières (MSF) observe les conséquences du renvoi de personnes en Libye, où elles sont confrontées à la détention, à la violence, aux agressions sexuelles, à l'extorsion et au travail forcé. Il est honteux que l'externalisation de la gestion des frontières dans des pays peu sûrs comme la Libye constitue la pierre angulaire du pacte.
Cette externalisation sert de modèle à la signature d'accords similaires dans d'autres pays comme la Tunisie - un pays où les patients à bord de notre navire de recherche et de sauvetage, le Geo Barents, nous disent qu'ils sont confrontés à une discrimination croissante, à des attaques violentes et à des expulsions collectives.
Au lieu de garantir des conditions d'accueil dignes aux personnes qui cherchent la sécurité en Europe, le pacte ne fait qu'institutionnaliser la détention de facto et porte atteinte au droit des personnes à demander l'asile. Notre travail en Grèce nous a appris que les clôtures, les barbelés et la détention sont extrêmement nocifs pour la santé des personnes et ne peuvent constituer une solution.
Dans le cadre de nos projets en Europe, nous avons constaté que les États européens ont capitalisé sur les notions de "crise" et de "mesures extraordinaires" pour réduire les garanties offertes aux personnes qui en ont cruellement besoin. Ces notions ont servi de terreau à des pratiques violentes telles que les refoulements aux frontières et les détentions prolongées et arbitraires. L'application de mesures d'urgence en cas de "crise" a limité l'aide humanitaire indépendante et la surveillance de la société civile, rendant de plus en plus difficile la réponse aux personnes dans le besoin.