Quelle est la situation aujourd'hui dans ces régions du Nord Ouest du pays?
En l'espace de quelques jours, des centaines de milliers de personnes ont fui les combats qui ont éclaté dans la zone tribale de Bajaur Agency, où des attaques terrestres et des bombardements ont visé les zones d'habitation.
Terrorisée, la population a fui la région en masse. Dans les camps que nous avons visités, on nous a raconté les bombardements et les morts.
La plupart n'ont rien pu emporter avec eux. Malgré la peur, ils n'attendent qu'une seule chose, retourner chez eux.
Aujourd'hui, on estime à plus de 350 000 le nombre des personnes ayant fui Bajaur Agency et le district de SWAT pour trouver refuge dans les régions au Nord et Nord Est de Peshawar.
Une grande partie de ces déplacés se trouve dans le Lower Dir, dans la région de Malakand, Mardan, le district de Charsaada et à Peshawar. A travers toute la région, des mosquées et des écoles ont été converties en lieu d'accueil.
Mais 75% des déplacés sont accueillis chez l'habitant, ce qui représente une lourde charge pour la population d'accueil, parfois très pauvre. Là, l'aide nécessaire arrive peu voire pas du tout.
Comment les populations ont-elles été prises en charge ?
Les conditions d'accueil dans les camps restent variables. Une assistance a été rapidement mobilisé par des ONGs locales et internationales, le gouvernement pakistanais , et des mouvements politiques et religieux. Néanmoins, les premiers efforts d'assistance commencent à s'essouffler et, avec l'arrivée de nouveaux déplacés, les camps sont vite saturés. En conséquence, certains camps sont moins bien organisés que d'autres, où les besoins en eau et assainissement ne sont pas ou mal assurés. Les diarrhées flambent, c'est vraiment inquiétant. C'est pourquoi nous sommes intervenus en priorité sur la situation sanitaire et l'accès à l'eau.
Les autorités explorent la possibilité d'ouvrir des camps autrefois utilisés pour y héberger des réfugiés afghans, afin de les mettre à disposition des populations pakistanaises déplacées en raison des violences. Nous nous attendons à voir plus de personnes déplacées en provenance de Mohmand Agency et Bajaur, mais aussi de la région de SWAT . Nous nous tenons prêts à fournir une assistance à ces populations si la situation sécuritaire le permet.
Qu'avons nous mis en place pour débuter nos activités?
Fin août, nous nous sommes rendus à Charsadda où 750 familles avaient trouvé refuge chez l'habitant et 150 autres dans une école. On voyait arriver toujours plus de pick-up amenant des déplacés, et aujourd'hui près de 600 familles sont réfugiées dans l'école, beaucoup trop.
Des tentes ont été mises à disposition des populations déplacées, mais le camp étant saturé, les gens se sont installés à même le sol sans couverture. Ils n'avaient pas d'espace pour cuisinier, ni aucun moyen pour stocker l'eau. L'extrême promiscuité posait également problème, en particulier pour les femmes. La situation en termes d'eau et d'assainissement y était catastrophique. Parmi la population du camp, les cas de diarrhée liquide représentent 53% des consultations.
Pour répondre aux besoins des déplacés nous avons assuré l'accès à l'eau potable et mis en place des latrines et des douches. Nous avons également distribué des kits d'hygiène, des couvertures et bâches en plastique. En appui aux autorités sanitaires et a une ONG locale en charge des soins de santé primaire, nous soignons les personnes souffrant de diarrhée. Grâce au rétablissement du système d'approvisionnement de l'eau, le nombre de cas de diarrhée a baissé ces derniers jours.
Quelle est la situation du point de vue de la sécurité pour les travailleurs humanitaires?
La violence s'étend de l'Ouest vers l'Est avec des combats, des assassinats, des attentats et des enlèvements dans toute la région du NWFP du Nord du Pakistan. Les membres des ONG sont visés, et menacés de kidnapping. Ces trois dernières semaines, quatre membres d'ONG locales ont été kidnappés à Shapqadar, ville située à 20 minutes de Peshawar, à quelques minutes de Charsadda.
L'aide dans sa globalité est perçue comme élément du jeu politique et stratégique. Nous devons rappeler notre indépendance et demander aux acteurs sur le terrain de nous faciliter l'accès aux populations en besoin. Nous devons encore améliorer notre connaissance du contexte, notre réactivité et renforcer nos équipes avec du personnel expérimenté afin de mieux travailler dans cette région.