Urgence Gaza/Liban

Gaza : un rapport de MSF dénonce la campagne
de destruction totale menée par Israël

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Pakistan - « Des scènes impressionnantes qui rappellent la guerre »

Jean-François Corty est médecin. Le 10 octobre, deux jours après le séisme qui a frappé le Cachemire, il partait pour la zone sinistrée. En compagnie d'un chef de mission et d'un logisticien, il a mené les missions exploratoires et les évaluations préalables au déploiement de nos activités de secours. Voici le récit de sa mission.

Mardi 11 octobre
Avec Nick Lawson, chef de mission, et David Lang, logisticien, nous sommes partis la veille de Paris et arrivons à Islamabad, la capitale du Pakistan. Là, nous nous réunissons avec nos collègues des sections hollandaises et belges de MSF. Nous décidons de nous répartir par zones géographiques : eux sur le Cachemire pakistanais ; nous dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, sur Mansehra et la vallée de Kagan. David reste à Islamabad s'occuper de l'acheminement du matériel, par avion notamment. Nick et moi rejoignons l'hôpital d'Abottabad. Les patients y sont nombreux, beaucoup transférés là par hélicoptère, les 1.000 lits disponibles sont occupés. Il y a des médecins et des médicaments. Le bâtiment a été endommagé lors du séisme, du coup les malades se retrouvent dehors, sous des abris précaires. Les conditions d'hygiène sont catastrophiques, il pleut à verse et le nombre de latrines est insuffisant.
Mercredi 12 octobre
Matin

Nous arrivons sur le district de Mansehra, qui compte un million d'habitants, dont 30.000 dans la ville même. Ici aussi, l'hôpital a souffert, les murs sont fortement lézardés. Seule une salle de maternité est encore exploitable, ainsi que le bloc opératoire et un bâtiment à l'extérieur. 400 à 500 patients sont sous tentes, en face de l'hôpital. Les conditions d'hygiène sont les mêmes qu'à Abottabad. Ici, 8.000 blessés ont été transférés par l'armée en hélicoptère et 300 nouveaux patients arrivent chaque jour. Une équipe chirurgicale civile pakistanaise est sur place et opère à tour de bras. On compte une quarantaine de médecins. Nous faisons le tour de Mansehra. Des écoles, des bâtiments publics et des cliniques privées, encore debout, ont été investis et servent de blocs improvisés. Plus de 1.000 patients attendent sur le campus d'une université, le Post Graduate College, où les médecins pakistanais réalisent 150 opérations par jour. En tout, cinq équipes chirurgicales, composées de plusieurs chirurgiens, sont présentes en ville. Mais dans chaque lieu d'accueil des blessés, nous dressons le même constat quant à l'hygiène et au suivi post-opératoire défaillant des patients...

Après-midi
Balakot est la dernière ville accessible par la route. Après il faudra prendre l'hélicoptère pour rejoindre la vallée de Kagan. Balakot est totalement détruite. L'armée pakistanaise est sur place. Elle stabilise les malades avant de les évacuer par hélicoptère vers les hôpitaux en activité des grandes villes du pays. Des postes de santé ont été montés par le ministère de la Santé. Il y a aussi des structures étrangères, notamment chinoises et emiratis. Des secouristes, dont des Français, sont encore sur place. Les rues sont noires de monde, il y a des milliers de personnes, victimes ou volontaires venus de leur propre chef pour aider. Impossible de les distinguer.

13 et 14 octobre
Le jeudi, retour à Mansehra pour une évaluation médicale. Ce sera le point de départ pour les hélicoptères. Je dois aussi m'occuper de trouver une maison pour les équipes.
Vendredi, deux médecins et une infirmière MSF arrivés la veille rejoignent les équipes pakistanaises de l'hôpital de Mansehra. Même si les médecins ne manquent pas, l'organisation est chaotique. Nous recevons une partie du matériel par hélicoptère, l'autre par camion : on décharge. La pharmacie commence à se mettre en place.

15 et 16 octobre
Le samedi, Nick mène une mission exploratoire à Batagram (30.000 habitants), au Nord de Mansehra, zone accessible par la route. Des équipes de la sécurité civile ukrainienne et japonaise y ont monté un hôpital de campagne. Après quelques discussions internes, on a décidé de reprendre l'activité, notamment chirurgicale. Les équipes sont constituées : une sur Balakot, et une sur Mansehra (pharmacie et hôpital) où un travail sur l'eau et l'hygiène est également lancé (installation de latrines, de douches et de points d'eau pour tous les malades sous tentes).

Le lendemain, accompagné d'un logisticien, d'une infirmière et d'un médecin, Nick se rend sur Balakot. Les associations, ONG et autres, y affluent, raconte-t-il.

Lundi 17 octobre
Deux équipes (constituées d'un logisticien, d'une infirmière et d'un médecin), dotées d'une tonne de matériel chacune, décollent de Mansehra en hélicoptère pour la vallée de Kagan. On se focalisera sur deux localisations dans la vallée : Kagan et Kawai. Beaucoup de villages (certains de 4.000 habitants environ) ont été repérés par hélicoptère. L'aide, matérielle ou médicale, n'y est pas encore parvenue.

A Mansehra, on installe des tentes de 80 m² pour accueillir en soins post-opératoires les blessés qui ont besoin d'un suivi médical et de soins infirmiers. Un chirurgien, un anesthésiste, une infirmière de bloc, un généraliste et une sage-femme rejoignent Batagram et prennent en charge l'hôpital de campagne installé par la sécurité civile ukrainienne.

Mardi 18 octobre
Deux psychologues MSF quittent Islamabad pour Mansehra et commencent immédiatement à travailler.
Des scènes impressionnantes qui rappellent la guerre
Les blessés affluent, chaque minute, dans un ballet d'hélicoptères. Les blessures sont impressionnantes, surinfectées. Les opérations s'enchaînent. Un peu partout, des gens amputés ou plâtrés pataugent dans la boue. Tout se fait dans l'urgence, à l'arraché. Cela m'a rappelé les images de la guerre !

L'habitat traditionnel pakistanais est construit en dur, avec des pierres. Il y a donc eu beaucoup de fractures. Sept jours après le séisme, on voyait arriver des complications (plaies et fractures infectées), des gangrènes, des cas de tétanos. A l'heure du séisme (8 heures du matin) beaucoup d'hommes étaient à l'extérieur, au travail. J'ai donc vu surtout des femmes et des enfants blessés, victimes de l'effondrement des maisons et des écoles.

Dans une telle urgence, avec un tel afflux de blessés, pas le temps de faire de la micro-chirurgie : il y a eu beaucoup d'amputations. MSF envisage de mettre en place un programme de moyen terme pour de la rééducation orthopédique, probablement sur Mansehra. Nous prévoyons aussi d'y de monter un "camp" médical pour 500 à 1.000 patients (plus leur famille, soit environ 5.000 personnes) ayant besoin de suivi ambulatoire, de soins médicaux, d'abris décents, d'eau, de latrines, de nourriture, ainsi qu'une salle de réanimation avec tout le matériel nécessaire (défibrillateurs, aspiration, ventilation, etc.) pour la prise en charge des cas de tétanos. La vaccination ayant besoin de 3 mois pour être effective, on traite directement les malades avec des immuno-globulines.

Il y a aussi des personnes qui souffrent du "crush syndrome", des insuffisances rénales provoquées par la compression prolongée des muscles sous les décombres. Il faudra aussi prendre en charge les traumatismes psychologiques, les personnes souffrant de maladies chroniques (diabètes, maladies cardiaques...) et celles qui tomberont malades alors que le système hospitalier est débordé. L'hiver arrive, on peut s'attendre à soigner des hypothermies, des infections respiratoires... Le tremblement de terre ne provoquera pas en lui-même d'épidémies, mais le regroupement des personnes sinistrées dans des conditions précaires nous impose d'être vigilants. Peut-être faudra-t-il mener une campagne de vaccination contre la rougeole dans les futurs camps, car la couverture vaccinale dans la région (61%) est trop faible.

Une semaine après le séisme, encore des villages isolés
Plus d'une semaine après le tremblement de terre, on découvre encore des villages où aucun aide n'a pu parvenir : 200 à 300 villages peut-être, et combien de personnes isolées ? MSF se positionnera aux endroits stratégiques et rayonnera autour. Chaque section de MSF présente au Pakistan disposera de son propre hélicoptère, pour être plus autonomes, pouvoir évacuer des blessés et procéder à des largages et distributions de tentes, de nourriture, d'eau potable, de médicaments et d'autres biens de première nécessité. Mais les équipes feront aussi des explorations à dos d'âne, de mulet ou autre !

Difficile de prévoir quelle va être la réaction des rescapés. Certains - peu, probablement - voudront rester chez eux pendant l'hiver. D'autres rejoindront les villes dès les premiers froids. Traditionnellement, les populations des montagnes passent l'été en altitude et descendent en ville en hiver, pour s'installer dans leurs familles... Sans abri et démunis, la majorité décidera sans doute de partir. Encore faut-il que la route soit praticable. Il n'y a aucune garantie que leurs familles puissent les accueillir, ni même qu'elles soient encore là. Où iront alors tous ces gens ? Il faudra sûrement monter des camps, mais où ? Nous aviserons au fur et à mesure...

Finalement, nous n'interviendrons pas à Abbottabad, ni à Balakot, où les besoins sont couverts par d'autres acteurs de l'aide.

Une situation très différente de Bam, en Iran en décembre 2003
La situation au Pakistan est très différente de celle que j'ai pu connaître à Bam, en Iran, lors du séisme de décembre 2003. J'étais sur place en tant que chef de mission. Les dégâts étaient concentrés sur la ville même, peu sur ses environs. L'accès était beaucoup plus facile. Les autorités iraniennes et le Croissant rouge iranien (l'auxiliaire d'un Etat fort, dans un pays riche) avaient parfaitement géré la situation : en deux jours, 15.000 blessés avaient déjà été évacués, des tentes distribuées le jour même, avec de l'eau minérale, pas de rupture de stocks de médicaments... Les Iraniens ont l'expérience des tremblements de terre et des années de guerre avec l'Irak derrière eux. A Bam, MSF s'était chargée des latrines et des douches, avait mis en place des consultations sous tente, proposé des soins en santé mentale, mais n'avait pas fait de chirurgie, ni de soins post-opératoires, puisque les hôpitaux du pays pouvaient s'en charger.

A Bam, bien que l'intensité du séisme ait été moins forte qu'au Pakistan, il y avait proportionnellement beaucoup plus de morts, notamment par étouffement lors de l'effondrement des maisons en pisée. 30.000 des 80.000 habitants de la ville avaient péri. Mais peu de survivants souffraient de blessures graves. Alors qu'au Pakistan, les derniers bilans officiels font état 41.000 morts et de 70.000 blessés, chiffre qui va sans doute être revu à la hausse. Les hôpitaux ont une bonne capacité de prise en charge, mais ils sont débordés. Le suivi des patients, notamment en soins post-opératoires, ou les soins psychologiques ne sont pas la priorité. En France, si nous étions touchés par une catastrophe de cette ampleur, le système hospitalier serait tout aussi débordé !

Des secours locaux déterminants
Désorganisation ne veut pas dire absence d'aide et de soins, au contraire : je tire mon chapeau aux organisations de médecins pakistanais qui ont rapidement réagi et pris les choses en main. Comme lors du Tsunami, les équipes locales, premières à arriver sur place, sont les plus efficaces. Nous, les ONG internationales, nous ne nous greffons qu'après... La valeur ajoutée d'une ONG comme MSF c'est l'autonomie : grâce à nos moyens, on peut parachuter des équipes en montagne avec du matériel.

Notes

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