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Philippines : « Le siège de Marawi ne fait plus l’actualité, mais les besoins des déplacés perdurent »
5 octobre 2017
- mis à jour le 6 octobre 2017
Depuis le mois de mai, 360 000 personnes ont fui Marawi pour échapper aux combats se déroulant entre l’armée et des groupes affiliés à l’État islamique. Le Dr. Natasha Reyes, coordinatrice d’urgence, nous parle de l’aide apportée par les équipes MSF aux civils déplacés.
La première surprise fut l’envergure de l’assaut sur la ville de Marawi par des combattants affiliés à l’État Islamique. Avec 360 000 personnes déplacées et plus de quatre mois d’intenses combats, la crise engendrée est également sans précédent, et laisse la région de Mindanao, aux Philippines, en proie à des besoins humanitaires de très grande envergure.
En tant que coordinatrice d’urgence pour MSF, je gardais toujours un œil sur la situation dans la région de Mindanao - même après l'accord de paix signé avec le Front Moro islamique de libération en 2014, après plus de 50 ans de guerre civile.
Lors de mes passages récents dans la région pour mettre en place l’intervention de MSF, beaucoup d’habitants m'ont dit la même chose. Peu s’imaginaient la prise soudaine d'une grande ville par des centaines de combattants de l’État islamique déjà infiltrés à travers la ville, avec des caches d'armes et d’équipement leur permettant de tenir des mois. Et alors que l'armée continue de déloger les insurgés, nous ne nous attendions pas non plus à ce que les ruines de Marawi révèlent des dépouilles de combattants provenant (aux dires des autorités) de Tchétchénie, de Malaisie, de Singapour et du Yémen.
Philippines : soutenir les personnes déplacées qui fuient la ville de Marawi
Nous soutenons actuellement des milliers de personnes qui ont fui vers la ville d'Iligan, à environ 30 km au nord de Marawi. Sur ces centaines de milliers de personnes qui ont échappé aux combats, seuls un sur dix vivent dans des camps d'évacuation officiels. Certains restent avec leur famille ou leurs amis, d'autres ont trouvé refuge dans des entrepôts, des garages, des écoles et des mosquées. Une maison que j'ai visitée hébergeait 80 personnes. Bien que leurs besoins médicaux ne soient pas toujours aigus, ces personnes ont des besoins différents : ce ne sont plus simplement des évacués mais bel et bien des déplacés internes qui doivent désormais s'adapter au fait que la date de leur retour à Marawi est bien plus éloignée que ce à quoi ils s’attendaient.
Dans l’une des communautés où nous opérons, quelque 120 familles vivent dans une école abandonnée. Au début de la crise, ils logeaient tous ensemble dans des salles de classe, sans intimité ni électricité, rendant les nuits particulièrement rudes. Ils s’approvisionnaient en eau grâce à un tuyau d'arrosage relié à la tuyauterie d’un voisin. Nombreux sont ceux qui achetaient plutôt de l'eau embouteillée jusqu’à ce qu’ils n’en aient plus les moyens.
Ailleurs nous avons rencontré un groupe de 17 familles vivant dans un garage, dormant dans des camions. Ailleurs encore, nous avons trouvé une madrasa (établissement d’enseignement) qui abritait environ 200 familles. Mais même là-bas, les défis étaient conséquents – particulièrement, la-aussi, en termes d’eau et d’assainissement.
Le premier volet de notre intervention est de s'assurer que les gens aient accès à de l'eau gratuite et propre. Nous distribuons des jerrycans et des aquatabs (comprimés de purification de l'eau), réparons les tuyaux et les toilettes, installons des douches et construisons des réservoirs afin que les communautés puissent stocker leur eau.
Notre autre priorité est la santé mentale. Lorsque les gens ont fui, ils s'inquiétaient d’abord pour leurs besoins immédiats - l'eau, la nourriture et ce que leurs enfants feraient de leurs journées. Maintenant, ces personnes sont mieux installées et tentent de s'adapter à une situation qui échappe à leur contrôle. Nos conseillers en santé mentale les encouragent à se focaliser sur les éléments qu'ils peuvent contrôler : sur leur débrouillardise, leurs liens familiaux et l’organisation de la vie commune dans ces communauté transitoires, bien que prolongées.
MSF organise également des activités de soutien de santé mentale pour les enfants. Il peut être troublant de les voir imiter les actions de soldats. Le stress de leurs parents les affecte également. Nos équipes organisent des thérapies de jeu pour les faire se sentir à nouveau comme des enfants. Nous organisons également des séances de suivi individuelles pour les adultes et les enfants qui en auraient besoin.
La santé mentale et l'eau propre sont un début, mais alors que le siège de Marawi ne fait plus l‘actualité, les besoins des déplacés vont perdurer. Comme on peut s’y attendre dans une situation de conflit volatile, la réponse humanitaire est inégale d'un endroit à l'autre, et certaines zones demeurent difficiles d’accès. Tandis que les autorités et d’autres acteurs internationaux sont sur place, personne ne s’attendait à une crise de cette durée. Tout ce que nous pouvons faire, à présent, c'est rester aux côtés de ces communautés et espérer pouvoir en atteindre un plus grand nombre alors que les conditions de sécurité s'améliorent.