L’ouverture d’un service de néonatologie en situation d’urgence est-elle une mesure courante pour Médecins Sans Frontières ?
C’est la première fois que MSF met en place un service de néonatologie lors d’une réponse d’urgence. Cette activité nécessite un plateau technique relativement important : de l’équipement biomédical, des ressources humaines adaptées, un bloc opératoire fonctionnel. La proportion de grossesses présentant des complications est bien plus élevée qu’en temps normal. Elles sont probablement liées au stress engendré par le typhon. Nous sommes une des rares organisations à avoir mis en place une maternité avec la capacité de pratiquer des césariennes, des consultations prénatales et un service pour les nouveau-nés.
MSF est toujours présente six semaines après le passage du typhon. Observez-vous une évolution des besoins médicaux ?
Durant les deux ou trois premières semaines qui ont suivi le typhon, les personnes grièvement blessées étaient évacuées ; ne restaient donc que les blessés légers. De façon générale, la population évoluait selon une logique de survie, où l’adrénaline aide à maintenir un certain niveau de résistance. Les semaines suivantes, on a pu observer un retour à une normalité précaire. Précaire car l’électricité n’est toujours pas de retour, l’école n’a pas repris, le système de santé n’est que très partiellement opérationnel. Les problèmes médicaux de la vie quotidienne réapparaissent, alors que la plupart des acteurs d’urgence commencent à partir. Il n’y a pas de prise en charge pour les cas de décompensation de maladies chroniques, faute de traitements, ou pour les complications de la grossesse. C’est pourquoi en plus de l’offre de soins chirurgicaux et d’urgence, nous gérons également des services de consultation générale, d’hospitalisation, de maternité et de néonatologie.
Les enfants sont-ils plus vulnérables face aux conditions de vie précaires?
Le stress, la poussière, le manque d’hygiène entraînent de nombreuses infections respiratoires, notamment chez les enfants. Nous avons reçu une petite fille de quatre ans, asthmatique, dans une condition critique. Elle a fait un arrêt cardiaque. Nous l’avons réanimée pendant près de 15 minutes. Elle a finalement recommencé à respirer, mais ses jours sont en danger. Il est inconcevable qu’une enfant asthmatique décompense à ce point. Depuis l’ouverture de l’hôpital MSF, les activités n’ont cessé d’augmenter, et les cas sont de plus en plus complexes.
Comment envisagez-vous l’évolution des activités ?
Je prédis que nous allons recevoir de plus en plus d’enfants. La tendance a déjà commencé à s’inverser : la population qui avait évacué suite au typhon revient, il y a donc une augmentation du nombre d’enfants. Aujourd’hui, nous recevons de plus en plus d’enfants, pour des maladies chroniques mais aussi pour des formes de malnutrition liées à des pathologies sous-jacentes. Il ne s’agit pas pour l’instant de cas de malnutrition liés au manque d’alimentation. Il y en aura peut-être dans quelques semaines, et c’est une situation que nous surveillons de prés. Le principal défi demeure d’adapter nos services aux besoins que nous constatons.