Produits thérapeutiques prêts à l'emploi : la révolution RUTF

C'est la recette qui bouleverse les pratiques médicales pour
soigner les enfants malnutris : un produit thérapeutique, nutritif, prêt à
l'emploi, apprécié des enfants. Derrière le sigle RUTF (Ready to Use
Therapeutic Food
), sous des aspects de friandise, se trouve un condensé de
nutriments et d'énergie pour des enfants dont la santé, sinon la vie, dépend de
l'accès à ce produit. Médecins Sans Frontières recourt aux RUTF sur plusieurs
terrains d'interventions, notamment au Niger, au Kenya ou au Soudan pour le
traitement de la malnutrition aiguë mais aussi au Malawi pour les malades du
sida dénutris.

Des années de recherche pour une recette

Le plus célèbre des RUTF est aujourd'hui le Plumpy'nut©, une pâte de lait au goût de beurre de cacahuètes, appelée « biskouit » au Darfour ou « biskit » au Niger. Un biscuit qui a demandé des années de recherche...
Tout l'enjeu était d'inventer un produit thérapeutique prêt à l'emploi. Car en ce qui concerne le contenu (valeur énergétique, composition des micronutriments), il n'y a pas grandes différences entre les RUTF et le lait thérapeutique. Ce dernier se présente sous forme de poudre qu'il faut reconstituer avec de l'eau potable, le dosage est précis et le lait ne se conserve que deux heures. Dans les contextes d'intervention de Médecins Sans Frontières, ces contraintes imposaient d'hospitaliser les enfants pour leur donner le lait thérapeutique plusieurs fois par jour. Les mères devaient donc rester avec leur enfant au centre nutritionnel pendant environ un mois, alors que de nombreuses activités (s'occuper des autres enfants, préparer les repas, travailler aux champs, ect.) nécessitaient leur présence à domicile. Une forte proportion d'enfants, jusqu'à plus d'un tiers, quittaient le centre nutritionnel avant d'avoir atteint le poids fixé. Les limites de cette stratégie de prise en charge étaient posées dès les années soixante mais il n'y avait alors pas d'autre option.

Le premier RUTF, produit thérapeutique prêt à l'emploi, fut un biscuit, le BP100©. Mais les enfants ont du mal à manger ce biscuit et de fait, il faut le réduire en bouillie dans de l'eau pour qu'ils puissent l'avaler. Les problèmes de l'accès à l'eau potable et de l'utilisation d'un récipient restaient donc posés. Pour un produit destiné à des populations dans des contextes notamment africains se cumulent les contraintes de transport (faible volume, résistant), de simplicité de préparation (ni cuisson, ni dilution) et d'utilisation (portion individuelle, prête à l'emploi), de goût et bien évidemment d'efficacité pour une prise de poids durable (conservation des nutriments).

Panneau explicatif à destination des mères sur l'utilisation des produits thérapeutiques
Niger, 2005

©
Venancio Cermeño/MSF

Du laboratoire à la mise en place d'une nouvelle approche opérationnelle

La légende veut qu'André Briend, alors chercheur à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), ait soudain trouvé l'idée au petit-déjeuner, devant un pot de pâte à tartiner, en 1996. Après deux ans de recherche, la recette était enfin au point. La formule est simple en apparence : de la pâte d'arachide, de la poudre de lait, des matières grasses, du sucre et un concentré de vitamines et de minéraux. Le goût sucré et la texture onctueuse plaisent aux enfants, une condition essentielle sachant que la malnutrition aiguë entraîne progressivement une diminution voire une perte de l'appétit. Il faut donner le maximum d'énergie dans un minimum de volume car les enfants ne peuvent pas manger en grandes quantités. Un sachet de moins de 100 grammes contient 500 kilocalories, soit déjà une grande proportion de ce dont l'enfant a besoin pour grossir. Les risques de contamination sont extrêmement limités puisque l'enfant avale directement la pâte depuis le sachet et même si l'emballage reste ouvert, la concentration en énergie et nutriments est telle que les bactéries ne peuvent pas y survivre.

Mis au point en 1998, le produit fut utilisé dans des centres nutritionnels de Médecins Sans Frontières en 1999. Après les premiers résultats attestant de l'efficacité du Plumpy'nut© pour la récupération nutritionnelle, la seconde étape a consisté à vérifier si la prise en charge externe était possible. Une étude d'Epicentre réalisée entre août 2002 et octobre 2003 a mis en évidence les conclusions suivantes une forte diminution du taux d'abandon avec la prise en charge ambulatoire : 28,1% pour les enfants hospitalisés durant tout le traitement contre 5,6% pour ceux qui consommaient le produit à domicile. La simplification du suivi médical se traduit par des taux de guérison supérieurs et permet de prendre en charge beaucoup plus d'enfants.

A partir de 2003 s'est développée cette nouvelle stratégie de prise en charge de la malnutrition aiguë. Aujourd'hui, seuls les enfants qui ont besoin d'une surveillance médicale étroite sont hospitalisés. Tous les autres, soit la grande majorité, suivent le traitement nutritionnel à domicile. En 2005, l'épidémie de malnutrition aiguë au Niger a mis à l'épreuve cette stratégie : Médecins Sans Frontières a traité 60000 cas des formes les plus sévères de malnutrition aiguë en obtenant 91% de guérison, 4% de décès et 5% d'abandons.

La vraie révolution est là : des dizaines de milliers d'enfants peuvent maintenant être soignés avec un produit thérapeutique simple à utiliser. Des dizaines de millions d'enfants malnutris ont besoin d'un produit de ce type. Mais le prix reste un obstacle de taille pour une diffusion à grande échelle, puisque le coût d'achat du Plumpy'nut pour le traitement d'un enfant revient à une quinzaine d'euros. Le défi de la recherche médicale a été relevé, la transformation en efficacité sur le terrain est prouvée, reste à rendre ce produit plus abordable.

Notes

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