Raflés en pleine nuit, enfermés et battus : le calvaire de centaines de migrants à Sabratah en Libye

Abdulbashir, 28 ans, vient du Darfour. Il est arrivé en Libye il y a trois ans et a été emprisonné pendant près de deux ans et demi.
Abdulbashir, 28 ans, vient du Darfour. Il est arrivé en Libye il y a trois ans et a été emprisonné pendant près de deux ans et demi. Il a notamment été enfermé au centre de détention de Gharyan et a survécu au bombardement du centre de détention de Tajoura en juillet 2019. Durant sa première année en Libye, il a tenté de rejoindre l'Europe en bateau mais a été intercepté par les garde-côtes libyens et renvoyé en détention dans l'enfer libyen. Libye, janvier 2020. © Giulio Piscitelli

Une soixantaine de personnes, dont 24 enfants, sont actuellement détenues dans des conditions terribles à Sabratah en Libye, après avoir été raflées lors d’un raid particulièrement massif et violent, dans la nuit du 27 septembre. Elles faisaient partie d’un groupe d’environ 350 individus, principalement originaires d’Afrique de l’Ouest.

Leur vie a basculé dans l’horreur lorsque des hommes armés et masqués ont fait irruption dans leurs logements à Al-Jilat, au sud de Sabratah. Ils leur ont volé leurs biens et leurs documents d’identité, avant de les emmener à Sabratah et de les enfermer dans un hangar, situé dans une ancienne base militaire.

C’est dans ce bâtiment que des équipes médicales de Médecins Sans Frontières, alertées par l’agence libyenne de lutte contre l’immigration illégale (DCIM), les ont vus deux jours plus tard. « Nous y avons trouvé des hommes, femmes et enfants dormant à même le sol dans des conditions d’hygiène abjectes, sans accès à un point d’eau, ni à des douches ou toilettes » témoigne Guillaume Baret, chef de mission MSF en Libye.

Lors de son intervention médicale, MSF a organisé le transfert de quatre personnes vers un hôpital et distribué de l’eau et des rations alimentaires d’urgence. Nos soignants n’ont pas été autorisés à recevoir des hommes en consultation, seulement les femmes et les enfants. Sur place, la violence était palpable, avec des hommes en armes tirant des coups de feu en l’air.

Le 2 octobre, une fusillade aurait éclaté à la suite d’une tentative d’évasion. Selon plusieurs sources, le bilan serait d’au moins trois morts parmi les migrants. Certains ont réussi à s’échapper, d’autres ont été libérés ; ils sont de retour dans le même environnement incertain et dangereux. « La soixantaine de personnes qui demeurent enfermées dans le hangar, dont une majorité de femmes et d’enfants, doivent être immédiatement relâchées et protégées » continue Guillaume Baret.

L'entrée d'un squat de Misrata, en Libye, où des migrants ont trouvé refuge. Misrata, octobre 2019.
 © Aurelie Baumel/MSF
L'entrée d'un squat de Misrata, en Libye, où des migrants ont trouvé refuge. Misrata, octobre 2019. © Aurelie Baumel/MSF

Leur expérience est une illustration choquante du danger permanent auquel sont confrontés réfugiés et migrants en Libye. Ils sont piégés dans un cycle de violences, tandis que les responsables libyens et européens organisent le renvoi et le maintien en Libye de ceux qui tentent de s’en échapper. Hier, deux bateaux ont ainsi été livrés aux garde-côtes libyens après d’importants travaux de rénovation, payés par l’Union européenne et l’Italie. 

Depuis le début de l’année, près de 9 000 personnes ont été ramenées à terre par les garde-côtes libyens avec le soutien des Etats européens. Le nombre de personnes détenues arbitrairement dans les centres de la DCIM s’élève actuellement à 2 400, mais de plus en plus de personnes pourraient être retenues captives dans d’autres types de structures, qu’elles soient complètement clandestines ou gérées par d’autres entités que la DCIM.

Les équipes MSF fournissent actuellement un soutien aux migrants, réfugiés, et demandeurs d’asile dans six centres de détention dans les régions de l’ouest et du centre de la Libye, ainsi qu’à Tripoli. Les services fournis par les équipes MSF comprennent des soins de santé généraux, des références médicales, un suivi en santé mentale ainsi que des services de protection et le soutien à l’accès aux besoins de base, à travers des distributions d'eau, de produits alimentaires et non-alimentaires.

Notes

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