RCA - «L’accès aux soins de la population en brousse reste notre priorité»
Suite à une mission d'évaluation menée en août , MSF prévoit d'ouvrir un projet médico-nutritionnel à Bocaranga, dans l'extrême nord-ouest de la République centrafricaine. Dans cette zone, le conflit entre le groupe rebelle APRD et les forces gouvernementales s'ajoute au banditisme perpétré par des groupes de « coupeurs de route ». Cette insécurité permanente étouffe l'activité économique et limite l'accès aux soins de la population.
Nous nous sommes également rendu un peu plus au nord, dans la sous préfecture de Ngaoundaï. Suite à des attaques du groupe rebelle APRD (Armée populaire pour la restauration de la démocratie), cette zone a connu deux vagues de violentes représailles par les forces gouvernementales, en avril et en juin.
Aujourd'hui, l'APRD a étendu sa zone d'influence sur des portions d'axes routiers entre ces deux villes, et les coupeurs de route ont été repoussés un peu plus au sud. Ces derniers mois, le nombre d'exactions perpétrées par les différents groupes armés contre les civils a diminué, mais le risque que cela reprenne est bien présent. Les axes routiers sont toujours dangereux, car la zone entre Bocaranga et Ngaoundaï est toujours le théâtre d'affrontements réguliers entre rebelles, bandits et militaires pour le contrôle du territoire, villages et routes servant de lignes de front.
Par ailleurs, l'insécurité paralyse le trafic commercial. Les véhicules commerciaux, taxés par les différents groupes armés, craignent de circuler, même avec une escorte armée. L'approvisionnement de la région ne se fait donc plus comme avant. Inversement, les paysans sont dans l'impossibilité de vendre leurs excédents de récolte, ou leur production de coton, pour se procurer de l'argent. Résultat, on trouve moins de choses sur les marchés et les prix ont augmenté, surtout en ville, alors que les revenus de la population ont chuté. A cause de cet appauvrissement, mais aussi des déplacements en brousse, le niveau de vie des gens s'est donc profondément dégradé.


Dans cette zone, aucune organisation humanitaire médicale d'urgence n'est présente. Jusqu'à aujourd'hui, MSF n'a pas pu y travailler. Les autorités sanitaires ne reconnaissent pas le niveau d'urgence, et sans doute craignent que notre présence perturbe les activités médicales qui fonctionnent encore dans la zone.
Lors de notre mission d'évaluation à Bocaranga, nous avons constaté que des problèmes de malnutrition touchent la petite proportion de familles peuhles déplacées. A cause du banditisme, ces familles ont perdu leur bétail, et donc leurs moyens de commerce et d'alimentation, puis sont venues s'installer en ville. Parmi elles, nous avons trouvé de nombreux enfants souffrant de malnutrition.
En revanche, les sous-préfectures de Bocaranga et Koui souffrent du même problème généralisé d'accès aux soins qu'à Ngaoundaï, mais ne bénéficient pas d'une présence missionnaire à même d'alléger le coût des soins. De plus, comme il n 'existe pas de structure capable de traiter la malnutrition aiguë sévère et que nous avons identifié des cas chez les familles peuhles déshéritées, la prise en charge de ce problème de santé nous semble particulièrement pertinente. Nous souhaitons donc ouvrir un projet pour soigner les enfants malnutris, couplé à la distribution de rations alimentaires à leurs familles.
Notre implantation dans la zone nous permettra aussi de mieux connaître les problèmes de cette région et, si besoin, d'élargir nos activités ou d'alerter d'autres acteurs de secours pour qu'ils se mobilisent.


Reste que, pour l'instant, la population autour de Paoua parvient à circuler en provenance du nord, du sud et de l'ouest – parfois d'assez loin, jusqu'à 30 kilomètres – pour se faire soigner. L'activité à l'hôpital est donc très forte : plus de 1 000 consultations externes chaque semaine, 200 consultations prénatales, près d'une trentaine d'accouchements, un service de pédiatrie où sont hospitalisés 30 à 50 enfants en moyenne, etc.
Dans les hôpitaux de la région qui pratiquent le recouvrement des coûts, c'est-à-dire les soins payants, l'activité est dix fois moins importante ! Cela montre bien l'importance d'un accès aux soins gratuits dans un tel contexte. La présence de MSF est donc très bien perçue par la population, qui vient se faire soigner librement, malgré un attachement à la médecine traditionnelle et une approche parfois mystique de la maladie.
Nous avons identifié trois postes de santé dans des villages aux alentours, Bétoko, Bédaya et Pougol, où nous allons soutenir les « infirmiers secouristes » qui assurent tant bien que mal la prise en charge de la population. Peu formés, ils manquent de moyens et doivent facturer les soins pour financer leur activité. Nous allons donc leur fournir des médicaments pour traiter les maladies les plus courantes (paludisme, diarrhées, gale, conjonctivite) et leur procurer un complément de formation à l'hôpital de Paoua. Dans un deuxième temps, on espère qu'ils pourront assurer le traitement de la malnutrition non compliquée et de pathologies un peu plus complexes, comme les infections respiratoires.
L'autre aspect essentiel est de référer des malades sur l'hôpital de Paoua. Les infirmiers secouristes pourront repérer des patients ayant besoin de soins plus poussés. Et pour qu'ils puissent se déplacer jusqu'à l'hôpital, MSF payera le transport, en vélo-taxi par exemple. Pour les sites sans poste de santé ou sans agent de santé, et pour les populations isolées en brousse, nous devons trouver un moyen de rester à proximité, grâce à des activités utiles qui restent à définir.