RD Congo : des défis toujours très nombreux dans le nord-est

Hôpital général de référence de Niangara  septembre 2009
Hôpital général de référence de Niangara - septembre 2009 © Julie Rémy

Violences et conflit armé secouent les régions du Haut-Uélé et du Bas-Uélé, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), depuis la fin 2008. Pierre Kernen, qui a assuré la coordination des activités de MSF à Niangara entre août 2009 et avril 2010, décrit la situation que vivent les populations de la région et les défis que pose l'insécurité en termes d'aide humanitaire.

Violences et conflit armé secouent les régions du Haut-Uélé et du Bas-Uélé, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), depuis la fin 2008. Pierre Kernen, qui a assuré la coordination des activités de MSF à Niangara entre août 2009 et avril 2010, décrit la situation que vivent les populations de la région et les défis que pose l'insécurité en termes d'aide humanitaire.

Quelle est aujourd'hui la situation dans le Haut-Uélé et le Bas-Uélé sur le plan de la sécurité ?

L'insécurité est toujours très préoccupante. Les attaques, les massacres, les offensives armées et les enlèvements sévissent toujours dans la région. Les habitants vivent dans la peur, prêts à fuir massivement à la moindre rumeur d'attaques des rebelles de l'Armée de résistance du Seigneur, la LRA. Ces derniers mois, ils sont des dizaines de milliers à s'être déplacés dans différentes zones du Haut-Uélé et du Bas-Uélé. Pour ces déplacés, l'accès aux soins de santé est très limité, sauf pour ceux qui se sont réfugiés dans les grandes villes. À Niangara, un des sites où travaillent les équipes de MSF, il n'est pas rare que les gens parcourent entre 50 et 60 km pour arriver à l'hôpital. Au cours du premier trimestre 2010, l'équipe chirurgicale de l'hôpital de Niangara a déjà opéré près de 150 patients, soit deux tiers du nombre d'opérations réalisées localement en urgence par MSF en 2009.


Quelles sont les principales activités de MSF mis à part la chirurgie ?

MSF gère surtout des programmes d'aide médicale et psychologique dans les zones où se sont réfugiés les déplacés. À Niangara, où la moitié des quelque 20 000 habitants sont des personnes déplacées, nous apportons notre soutien à l'hôpital général et au centre de soins de santé primaire. Chaque mois, nous y assurons environ 4 000 consultations et hospitalisons 200 patients. Pour atteindre les populations privées d'accès aux soins en raison de l'insécurité, nous déployons des équipes mobiles lorsque la sécurité le permet. Entre janvier et mars, après une série de très violentes attaques qui ont provoqué de nouveaux mouvements massifs de population, nous avons mis en place des dispensaires mobiles à Tapili, à l'ouest de Niangara. L'équipe se rend régulièrement à Nambia, une localité située à une quinzaine de kilomètres au nord de Niangara. Elle y assure en moyenne 200 consultations médicales et psychologiques par jour.

 

Le soutien psychologique constitue un volet important des activités de MSF...

Absolument, il s'agit d'un axe essentiel de nos interventions. Les programmes de santé mentale n'ont pas pour seuls bénéficiaires les victimes directes des enlèvements et des violences. Ils s'adressent également aux nombreux habitants qui vivent dans la peur. Certains ont perdu leur famille, d'autres ont été les témoins d'atrocités, de viols de jeunes filles. Ils se retrouvent seuls. Mais il y a aussi tous ceux et celles qui n'ont pas assisté à ces massacres, mais qui ont fui, par crainte des attaques. Eux non plus ne sont plus en mesure de s'assumer ou de prendre en charge leur famille. En 2009, 416 personnes ont reçu un soutien psychologique des équipes de MSF à Niangara, sous forme de consultations individuelles ou de séances de groupe.

 

Comment les populations parviennent-elles à survivre ?

De nombreux habitants fuient pour rejoindre les grandes villes de la région, devenues aujourd'hui de véritables enclaves comme Niangara, Nambia, Bangadi ou Doruma. Pour l'instant, les déplacés ne peuvent pas retourner dans leurs villages, tant l'insécurité est grande dans les régions reculées. Cela fait près de deux ans maintenant que cette région de la RDC est déchirée par de terribles violences et affrontements. Les populations ne voient pas d'issue. En quittant leur village, ne fut-ce que pour aller travailler dans les champs, les habitants risquent leur vie. Rares sont ceux qui courent ce risque car ceux qui ont essayé ne sont jamais revenus... S'y ajoutent les problèmes causés par la présence de milliers de déplacés, qui accroît la pression sur les ressources disponibles. De ce fait, les populations déplacées comme les habitants sont encore plus vulnérables et sont totalement tributaires de l'aide humanitaire pour leur survie.

 

En 2009, MSF a appelé à un renforcement de l'aide humanitaire dans la région. Sur quelle aide ces populations peuvent-elles compter aujourd'hui ?

Au cours des derniers mois de 2009, les organisations humanitaires ont accru leur présence dans la région, surtout dans les grandes villes. Même si les besoins des habitants sont ainsi mieux couverts, cette réponse humanitaire ne fournit que le strict minimum - soins de santé, nourriture, eau, produits de première nécessité - et encore, uniquement dans les villes où l'insécurité est moins grande. En revanche, dans les localités isolées et éloignées, les habitants n'ont parfois pratiquement pas accès aux vivres, à l'hygiène et aux soins de santé. À Bangadi par exemple, MSF est contrainte d'évacuer par avion les blessés les plus graves vers Dungu. À Nambia, les équipes mobiles de MSF ne peuvent intervenir que de temps à autre, en raison de l'insécurité. Et nous disposons de très peu d'informations sur la situation des habitants vivant dans les zones privées de toute aide humanitaire. Ces derniers mois, cette aide humanitaire a été renforcée, mais les défis sont toujours très, très nombreux.

 

>> Regarder la vidéo « RDC : Oubliés et pris au piège en Ituri »


 

 

 

Notes

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