Que se passe-t-il dans la province du Nord-Kivu ?
Après l'élection du président Kabila, fin 2006, qui a clos la période de transition politique, la situation s'est stabilisée dans beaucoup de régions de la RDC. En revanche, ce n'est pas le cas dans le Nord et le Sud-Kivu. Dans le Nord-Kivu, province limitrophe du Rwanda et de l'Ouganda, il y a pléthore d'acteurs armés. Différents groupes rebelles s'affrontent entre eux et avec l'armée nationale. Autre élément d'instabilité, l'opération de mixage conçue pour faire rentrer dans les rangs de l'armée les différents groupes de combattants suscite des questionnements. Tout cela crée des tensions et l'on craint que les combats ne reprennent entre les rebelles et les troupes régulières.
La population du Nord-Kivu est-elle confrontée à une insécurité générale, du fait de ces affrontements armés ?
Il n'y a pas de ligne de front bien délimitée. Les attaques sont sporadiques dans le parc des Virunga, sur les axes routiers... La population est ballottée, ici et là, au gré des pics de violences. On observe des déplacements de populations, mais ils ne sont sans doute pas aussi importants que le disent les Nations unies. La Monuc (Mission de l'ONU au Congo) est présente pour assurer le maintien de la paix. Mais elle ne se borne pas à exercer ce rôle, elle coordonne aussi l'action humanitaire conduite par différentes agences d'aide de l'ONU et quelques ONG qu'elles financent. Or en menant des opérations militaires conjointes avec l'armée congolaise et en étant associée à une action humanitaire auprès de la population civile, la Monuc sème la confusion. Et cela nous met en difficulté. Il nous faut en permanence réaffirmer notre indépendance à l'égard des Nations unies, ce qui est le gage de notre efficacité et de notre sécurité.
La situation sanitaire est-elle préoccupante en RDC ?
Elle est très disparate d'une région à l'autre. Dans l'ensemble, dans le Nord-Kivu, le système de santé fonctionne plus ou moins bien. Nous nous concentrons sur les soins secondaires, autrement dit sur l'hospitalisation, où les besoins sont les plus importants. Nous apportons aussi un soutien aux centres de santé submergés par l'arrivée de personnes déplacées. Et nous restons en sentinelle sur les pathologies endémiques comme la rougeole et le choléra.
De quelle manière intervient MSF ?
Nous assurons la prise en charge médicale et chirurgicale des populations victimes de la violence. Depuis 2005, nous travaillons dans l'hôpital de Rutshuru (médecine interne, service des urgences, pédiatrie, chirurgie), car cette ville est au carrefour de plusieurs axes d'affrontements. En juillet par exemple, des combats se sont déroulés sur l'axe routier au nord de Rutshuru qui conduit à Ishasha, une zone comptant entre 20 000 et 40 000 déplacés. Nous avons alors soigné plus de 20 blessés à Rutshuru. Nous prenons aussi en charge les femmes victimes de violences sexuelles. En juin, il y a eu 60 nouveaux cas, mais le mois précédent, elles étaient 99, ce qui traduit bien la fluctuation de la situation.
MSF travaillait à l'hôpital de Kayna depuis fin 2004 et va interrompre ses activités à la fin du mois d'août. Pourquoi ?
Les zones de violence fluctuent et nos activités évoluent en conséquence pour rester au plus près de ces zones. A Kayna, nous assurions une prise en charge médicale et chirurgicale et un programme pour les victimes de violences sexuelles. Les tensions étant retombées dans cette région et le système de santé pouvant fonctionner de manière autonome, nous allons quitter l'hôpital de Kayna. Parallèlement, les violences se sont déplacées au sud de Kayna, nous avons ouvert un programme à Nyanzalé, en octobre 2006, où se trouvent des populations déplacées. De même, nous envisageons de démarrer des activités d'ici un mois ou deux dans le Sud-Kivu où les populations sont exposées à la violence.