L’un des principaux défis rencontrés dans le Nord Kivu et en Ituri était la réaction de la population à l’arrivée des équipes médicales. Comment se passe la collaboration avec la communauté locale dans la province de l’Equateur?
Dans le nord-est de la RDC, on travaillait dans un contexte instable où un conflit très violent entraînait des tensions politiques sur de longues périodes. En Equateur, l’environnement est beaucoup plus calme. L’apaisement de la relation entre le personnel soignant et la population locale peut aussi être attribué à l’évolution des modalités d’intervention : une prise en charge décentralisée et fondée sur des microstructures dans les structures de santé existantes, à proximité des patients et des communautés. En comptant sur le personnel soignant déjà sur place et en limitant le recours aux structures centralisées et au personnel détaché, nous avons limité au maximum le recours à un système de santé « parallèle ».
Cette approche, que nous avons promue dès 2019, alors que nous faisions toujours face au virus Ebola dans l’est du pays, est désormais adoptée par tous les acteurs de la réponse médicale ainsi que par le Ministère de la Santé. Elle présente de nombreux avantages. Les gros centres de traitements ne sont pas vraiment appréciés par les populations, ni acceptés par les malades et leurs accompagnants : hermétiques, opaques… on s’en méfie. L’incompréhension, voire l’hostilité, qu’ils ont suscitées en 2018 et 2019 ont donné lieu à de nombreuses réactions, parfois très violentes. En ayant la possibilité d’être soignés près de chez eux, dans des structures connues et accessibles aux familles, les patients acceptent plus facilement de se présenter en cas de symptômes. S’ils sont effectivement infectés par le virus Ebola, ils augmentent ainsi leur chance de guérison grâce à une prise en charge précoce. Lors des déploiements de nos équipes mobiles, nous avons également pris en compte les besoins de santé de la population au-delà d’Ebola, ce qui a largement contribué à l’acceptation des équipes par les communautés.
Le « virus létal » commence enfin à ressembler à une maladie certes très grave, mais traitable - et même évitable dans une certaine mesure grâce à la vaccination.