RDC – Urgence permanente au Nord Kivu

Clinique mobile à Rugari le 11/11/2007
Clinique mobile à Rugari, le 11/11/2007 © Guillaume Le Duc / MSF

A Nyanzale et Rutshuru, au Nord Kivu, dans l’est de la RDC, les
équipes MSF sont constamment confrontées à des urgences: malnutrition,
urgences chirurgicales, épidémies. L’insécurité persiste dans cette région où
les populations continuent de fuir et de subir des violences. Romain Gitenet,
notre chef de mission en RDC, fait le point sur nos activités.

Depuis le début de son intervention dans le Nord Kivu, MSF y a nettement développé ses activités. De quelle manière?
Nous renforçons nos équipes à Rutshuru et Nyanzale pour déployer un plus grand domaine d’interventions médicales dans des zones géographiques plus étendues. L’hôpital de Rutshuru, par exemple, qui comptait 115 lits à notre arrivée en 2005, en compte aujourd’hui plus de 200. Nous y assurons toujours les services de pédiatrie, médecine interne, chirurgie et les urgences. Nous avons aussi créé une banque de sang.

En 2007, nous avons commencé à travailler à la maternité. Nous partageons la charge de ce service avec les autorités sanitaires pour nous occuper uniquement des césariennes et des soins post-opératoires. Devant le nombre élevé de femmes qui doivent subir une césarienne, nous avons dû mettre en place un second bloc opératoire en 2007.




La chirurgie représente une activité importante
et la quasi totalité des interventions chirurgicales sont des urgences. En 2005, nous procédions à deux interventions par jour alors qu’en 2008 nous atteignons une moyenne quotidienne de 12.

Quant à nos activités périphériques, nous rayonnons depuis Rutshuru sur différents axes, en fonction de l’afflux des populations déplacées. Nous nous rapprochons au maximum des zones enclavées pour atteindre les populations exposées à l’insécurité.

Des équipes mobiles donnent des consultations dans des centres de santé, sur deux ou trois mois, se trouvant au nord et au sud de Rutshuru ainsi qu’au nord. Ces interventions, modulables et flexibles, nous permettent de réagir aux mouvements des populations qui fuient les combats ou aux pics saisonniers de paludisme et même aux épidémies.

Les cliniques mobiles nous permettent de réagir aux mouvements des populations qui fuient les combats et aux épidémies
Romain Gitenet

Qu’en est-il à Nyanzale, ville située dans une zone de déplacements de populations?
A Nyanzale, nous avons stabilisé et développé notre programme, en y investissant plus de moyens humains. Nous traitons la malnutrition dans un centre nutritionnel thérapeutique. Nous y donnons des consultations pour les enfants de moins de cinq ans et soignons le paludisme, toujours présent malgré l’altitude du site.

L’équipe rayonne dans une zone plutôt vaste jusqu’à Katsiru et Bambu. Et lorsque les patients doivent subir une intervention chirurgicale, nous les référons à un hôpital des environs. L’autre volet important de notre activité est la prise en charge des victimes de violences sexuelles. En janvier dernier, nous avons soigné 300 femmes victimes de viol.

Comment organisez-vous la prise en charge de ces victimes?
Nous regroupons les consultations sur nos deux centres de santé de Nyanzale et Rutshuru. Là encore, nous intervenons dans les zones environnantes grâce à un système d’ambulances. MSF finance le transport des victimes de viol, ce qui leur permet de venir rapidement consulter. Il est en effet impératif pour les victimes d’être prises en charge dans un délai de 72 heures après l’agression, pour que le traitement prophylactique du sida soit efficace. Les populations sont bien informées : un réseau de femmes les sensibilisent sur le sujet et des messages, diffusés à la radio, insistent sur la nécessité de la prise en charge médicale dans les 72 heures.

La situation sécuritaire ne s’est-elle pas améliorée après l’accord de cessez-le-feu du 21 janvier dernier?
La situation ne s’est pas normalisée, l’accord de cessez-le-feu n’est que partiellement appliqué car des groupes armés restent actifs dans la province. Certains groupes rebelles continuent de combattre pour des revendications politiques ou pour préserver un territoire générateur de revenus. Des groupes armés s’en prennent aux populations civiles en volant leurs ressources et leur nourriture.

Pour les populations, il n’y a aucune amélioration. Elles continuent de fuir les violences. Souvent, les personnes déplacées ne s’éloignent pas trop de leur zone de résidence car elles gardent l’espoir de pouvoir revenir chez elles. Elles peuvent se trouver à deux heures de marche de chez elles, mais se faire attaquer sur les routes ou dans les champs. Souvent, les victimes de viols sont agressées en se rendant aux champs ou lorsqu’elles y travaillent.

Sur le plan médical, quelles sont les pathologies que MSF est amenée à soigner?
Nous soignons des cas de paludisme de manière cyclique, en fonction des pics d’épidémie, deux à trois fois par an. Au service pédiatrique de l’hôpital de Rutshuru, nous traitons un très grand nombre d’enfants souffrant du paludisme et d’anémies sévères. Mais nous travaillons aussi en amont, par un soutien direct aux centres de santé des zones les plus exposées au paludisme pour qu’ils puissent traiter gratuitement la population et éviter que les patients arrivent dans un état déplorable à l’hôpital.

Vous avez également dû faire face à des épidémies?

MSF a enregistré plus de 2000 cas de choléra en moins de deux mois
Fin 2007, nous avons été confrontés à une épidémie de choléra, inhabituelle par son ampleur. Nous avons enregistré plus de 2000 cas en un mois et demi. Ceci s’explique par les conditions de vie précaires des populations déplacées. Elles se concentrent dans des villages qui grossissent et deviennent des villes sans bénéficier des infrastructures nécessaires. Face à cela, MSF a mis en place un centre de traitement du choléra dans l’hôpital de Rutshuru et des unités de traitement à la périphérie. D’autres organisations ont travaillé sur l’amélioration de l’accès à l’eau, car l’eau est le vecteur de transmission du vibrion cholérique. Le nombre de cas a nettement baissé depuis janvier, mais on observe un regain avec 4 à 20 cas par jour. Nous reprenons donc le travail de sensibilisation.

En outre, depuis début janvier, des cas de rougeole ont été détectés. Le déplacement continuel des populations accroît le risque de propagation de cette maladie contagieuse et mortelle, principalement pour les enfants. Nous allons lancer une campagne de vaccination dans la zone de Nyanzale, puis de Rutshuru où des cas de rougeole ont également été détectés.

Notes

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