Que fuient ces dizaines de milliers de personnes réfugiées en majorité en République du Congo et en République Centrafricaine?
Au départ, il y a un conflit communautaire, lié à des droits de pêche dans des étangs dans les environs de Dongo, en province Equateur, en RDC. Des membres d'une communauté ont attaqué les autres habitants de Dongo fin octobre.
Les affrontements se sont poursuivis, l'armée de la RDC a mené l'offensive contre ces combattants et des dizaines de milliers d'habitants ont fui. Une partie d'entre eux a été directement la cible de violentes attaques et une autre partie est partie par précaution, pour éviter de rester dans une zone où les forces armées étaient nombreuses.
Nous avons demandé à Epicentre, le centre de recherche épidémiologique, de mener une enquête de mortalité rétrospective pour évaluer la mortalité entre le 28 octobre et mi-décembre. Les résultats sont encore en cours d'analyse mais il apparait clairement que le nombre de morts parmi la population pendant l'attaque de Dongo, en RDC (du 28 octobre au 1er novembre), est très élevé, bien supérieur aux estimations qui prévalaient jusque là, inférieures à deux cents morts.
Cette enquête a été menée dans le district de Bétou, en République du Congo, où se trouvaient de nombreux réfugiés arrivés début novembre. Ensuite, il y a eu des noyades pendant la traversée du fleuve et des décès dus à des maladies, mais pas massivement. Il y a peu d'informations sur la situation actuelle en Equateur et sur la violence subie par la population qui n'avait pas pu fuir hors de la région.
Aujourd'hui, il y a environ 60 000 déplacés à l'intérieur de la région Equateur, 90 000 réfugiés en République du Congo et 15 000 en République Centrafricaine.
Est-ce qu'il y a un risque de contagion de la violence sur les sites où se trouvent les réfugiés en République du Congo ?
Des équipes MSF travaillent sur de nombreux sites tout au long de la rivière Oubangui (le long de la frontière), depuis Mongoumba, au sud de la République Centrafricaine, jusqu'à Impfondo, en République du Congo. Nous n'avons pas constaté de violences particulières.
Il y a aujourd'hui parmi les réfugiés des membres de toutes les communautés, y compris des miliciens. Il y eu quelques heurts mais rien de majeur. Pour le moment, d'après ce que les réfugiés disent à nos équipes, ils se sentent relativement en sécurité côté République du Congo et ne veulent pas retourner en Equateur. Ils estiment que les conditions de sécurité ne sont pas réunies. Pour nombre de réfugiés, il ne s'agit pas uniquement d'un mouvement rebelle, ce sont leurs voisins qui les ont brutalement attaqués. Ils ont encore peur. Ces réfugiés n'ont pas encore eu le statut qui leur garantira une certaine protection et reste aujourd'hui exposés à la possibilité d'un retour plus ou moins forcé.
Quelles sont aujourd'hui les conditions de vie des réfugiés ?
Les conditions naturelles sont relativement bonnes, la forêt et la rivière apportant un minimum de nourriture. L'aide est arrivée tardivement et a été rapidement insuffisante puisqu'il y a eu plusieurs vagues de dizaines de milliers d'arrivées. Aujourd'hui encore, la majorité des réfugiés n'a pas accès à de l'eau potable, ils boivent l'eau du fleuve.
Ils restent par petits groupes, dispersés le long de la rivière, qui est aussi la frontière, à quelques kilomètres en face de leur village d'origine. Certains ont trouvé un hébergement chez des habitants ou bien dans des structures publiques, certains ont construit des abris avec ce qu'ils pouvaient trouver, d'autres dorment encore dehors. Nos équipes vont distribuer des bâches et des moustiquaires à 3000 familles qui n'ont encore rien reçu.
Les situations sont très diverses. Une partie de ces réfugiés a préparé le départ, une partie a fui dans l'urgence, sans rien. Dans l'ensemble les besoins ne sont pas couverts encore mais les agences des Nations unies ont mis en place une assistance, notamment en nourriture. L'acheminement et la distribution de l'aide sont compliqués, il faut de longs trajets en pirogue pour atteindre quelques centaines de personnes... Nous nous sommes adaptés en transformant nos cliniques itinérantes en cliniques fixes parce que la perte de temps et d'argent dans les transports était trop importante.
Quelles sont les activités des équipes MSF pour les réfugiés ?
Nos opérations ont grossi au fur et à mesure de l'arrivée des réfugiés et nous avons aujourd'hui un programme important. L'accès aux soins des réfugiés était très limité, d'une part parce qu'il y avait peu de structures médicales et d'autre part parce que les soins sont payants.
Au départ, nous avons donc mis en place en priorité des activités médicales dans le district de Bétou, nous avons aujourd'hui cinq sites de consultations en plus des activités à l'hôpital (urgences, chirurgie, pédiatrie). Fin novembre, suite à l'arrivée de nouveaux réfugiés, nous avons évalué la situation sur l'axe sud, vers Dongo et Impfomdou. Nous avons alors mis en place six autres sites de consultations, ainsi qu'un soutien au centre de santé de Dongou et à l'hôpital d'Impfomdou.
Mi-décembre, le nombre de réfugiés en République Centrafricaine a augmenté, nous avons également évalué la situation et débuté de nouvelles activités. Les premières consultations au niveau de Mongomba, dans le sud de la République Centrafricaine, ont été données début janvier. En moyenne, une centaine de patients viennent chaque jour sur chaque site de consultations. Les principales maladies sont des infections respiratoires, des diarrhées et le paludisme. Toutes les cliniques MSF sont gratuites pour les réfugiés comme pour la population locale.
Par ailleurs, en RDC, une autre équipe MSF travaille dans les localités de Bomboma et Bokonzi, en province d'Equateur. On estime à environ 30,000 le nombre de déplacés dans la zone.