Feng Dong*, 28
ans, vit dans une bourgade rurale en Chine. Il est séropositif et a
récemment démarré un traitement par antirétroviraux. Pour en
bénéficier, deux fois par mois il doit faire trois à quatre heures de
route pour se rendre à la clinique VIH/sida de Nanning.
Une trithérapie en un seul comprimé
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un traitement de
première ligne associant trois molécules antirétrovirales. Dans
beaucoup de pays, des combinaisons à dose fixe (fixed-dose combination,
ou FDC) de ces antirétroviraux sont disponibles. Ces FDC simplifient le
traitement en réduisant fortement le nombre de comprimés à prendre
chaque jour (par exemple une seul comprimé à prendre deux fois par
jour). Parce qu'ils sont souvent fabriqués par des producteurs de
médicaments génériques, les FDC sont aussi généralement bien moins
chers que les comprimés vendus séparément par le laboratoire qui les a
mis au point.
Malheureusement
pour Feng Dong, les combinaisons d'antirétroviraux à dose fixe
associant trois molécules ne sont pas disponibles en Chine. Alors, au
lieu de prendre deux comprimés par jours, Feng Dong doit en prendre
dix. Et si jamais il attrape une infection opportuniste nécessitant un
traitement supplémentaire, il devra prendre jusqu'à plus de trente
comprimés par jour. Cela rendrait plus difficile son adhérence au
traitement - respect scrupuleux de la prise des médicaments dont on
sait qu'il est essentiel, puisque le suivi partiel ou irrégulier de la
prescription aboutit au développement de résistances et à l'échec du
traitement.
Quand les brevets bloquent les FDC
Si Feng Dong n'a pas accès à la trithérapie en combinaison à dose fixe,
c'est parce que le laboratoire pharmaceutique GlaxoSmithKline détient
le brevet sur le 3TC en Chine, un antirétroviral recommandé par l'OMS
dans les trithérapies. Cela bloque la vente dans le pays de tout
comprimé (combiné ou non) contenant cette molécule.
Certes,
GlaxoSmithKline distribue son 3TC en Chine. Mais uniquement en
bithérapie, combiné à de l'AZT, ou bien avec un dosage adapté au
traitement de l'hépatite B, mais du sida.
L'impossibilité de se
procurer une trithérapie en combinaison à dose fixe oblige MSF et
d'autres à payer les traitements antirétroviraux de première ligne cinq
fois plus cher en Chine qu'au Cambodge.
Il existe également
des obstacles pour se procurer d'autres antirétroviraux, comme
l'efavirenz et le d4T, qui sont tous les deux utilisés dans les
traitements de première ligne. Le premier est protégé par un brevet en
Chine, et n'est disponible qu'à un prix exorbitant, le rendant
inabordable pour les programmes de soins gouvernementaux et la plupart
des patients. Le second, d4T, n'est pas disponible avec les bons
dosages pour soigner des patients de petit poids.
La lutte
pour l'accès au traitement du VIH/sida en Chine, sans même parler de la
généralisation de ce traitement, ne fait que commencer.
* Pour préserver l'anonymat du patient, son prénom a été changé.