République centrafricaine (RCA) : « La population ne croit pas à la théorie du conflit religieux »

Entrée de l'hôpital de Ndele.
Entrée de l'hôpital de Ndele. © Omar Ahmed/MSF

La République centrafricaine (RCA) est toujours plongée dans l’incertitude et dans la violence, accentuée par le coup d’état qu’a vécu le pays, il y a un an et demi. Les affrontements directs entre les milices anti-Balaka et les groupes ex-Seleka ont baissé en intensité mais les combats et les attaques contre des civils sont toujours d’actualité et souvent commis en toute impunité.

Omar Ahmed, coordinateur de terrain MSF, revient d’une mission de deux mois à Ndele, une ville du nord du pays, dans une zone délaissée par les autorités pendant des années. Actuellement, 3 000 personnes y sont déplacées.

Il y a eu une certaine simplification du conflit en Centrafrique, le réduisant à un choc religieux. Les habitants du pays approuvent-ils cette vision des choses ?

Certains leaders politiques et militaires ont mis en avant cette version parce qu’elle sert leurs objectifs, que ce soit pour forcer la scission du pays ou pour gagner de l’influence ; et quelques-uns ont essayé d’utiliser la présence de troupes françaises pour légitimer cet argument. Mais la population ne croit pas à la théorie du conflit religieux. A Ndele, où il y a une forte majorité musulmane et à peu près 15 % de chrétiens, on ne constate pas de problèmes d’ordre religieux. Une partie de notre équipe elle-même est composée de chrétiens et nous n’avons constaté aucune difficulté due à cela. Il y a néanmoins d’autres villes où le degré de violence a été plus élevé, ce qui fait naître une animosité entre communautés ; mais l’origine du conflit n’est pas religieuse.

Est-ce que le niveau de violence a baissé dans le nord de la Centrafrique?

Quand je suis arrivé nous venions de suspendre la présence d’expatriés pendant deux semaines, suite à un vol dans nos locaux. Au mois de mars, l’accès aux postes de santé soutenus par MSF dans la périphérie de la ville a été arrêté après le braquage à main armée d’une de nos voitures. La criminalité actuelle est en lien direct avec les événements récents dans le pays. Elle est souvent le fait de jeunes originaires de la zone, des soldats démobilisés. 

Durant les dernières semaines, la réorganisation des milices ex-Seleka impliquées dans le contrôle de l’insécurité sur leurs zones d’influence, a conduit à la diminution du nombre de vols et de pillage. Pendant ces deux derniers mois nous avons constaté une amélioration ; la situation est plus calme mais les gens ont encore peur, surtout de se déplacer d’une ville à l’autre. La population est épuisée par la violence, mais ils continuent à être en alerte et se méfient de l’apparente tranquillité.

Les déplacés envisagent-ils de revenir sur leur lieu d’origine ?

La plupart des personnes déplacées savent qu’ils ne retourneront pas chez eux. Près de 3 000 personnes ont trouvé refuge dans la ville de Ndele et beaucoup ont commencé à y établir un domicile fixe, notamment car ils ont des origines familiales ou des parents dans cette région.

Au début de l’exode massif nombreux sont ceux qui allaient dans la ville de Bambari (située plus au sud et considérée comme la capitale officieuse de la zone de domination Seleka) mais la persistance des affrontements en a poussé une majorité vers Ndele.

Au niveau sanitaire quels sont les principaux défis ?

La structure sanitaire du pays est mise à mal. Nombres de services reçoivent aujourd’hui le soutien de MSF. Le défi à long terme est la réappropriation des services publics par les autorités. Il y a, pour l’heure, un grand besoin en santé primaire. Les diarrhées, les infections respiratoires et cutanées sont très courantes. La situation s’aggrave à la saison des pluies avec l’habituelle recrudescence de cas de paludisme.

Par ailleurs, davantage d’efforts sont nécessaires pour le traitement de l’impact psychologique du conflit sur la population et la prise en charge des violences sexuelles.

Omar Ahmed, coordinateur

Omar

 

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