Quelle est la situation humanitaire dans le camp de PK 12 ?
À Bangui, la capitale, et dans le pays, des affrontements ont lieu entre des groupes d’autodéfense, les anti-Balakas, et les anciennes forces de la Séléka.
Près de la mosquée du camp de déplacés de PK 12, dans la banlieue Nord de Bangui, se trouve une petite enclave où vivent environ 1 800 musulmans et Peuhls (des pasteurs nomades musulmans) qui transitent là en attendant de pouvoir quitter le pays. Après avoir fui les menaces et les violences aux alentours de Bangui, ils ont trouvé refuge sur ce site. Cela fait deux mois qu’ils vivent et attendent là. Familles, hommes, femmes, enfants et personnes âgées s’entassent sur une surface minuscule de 200 m sur 500 m. Ils sont encerclés par des hommes armés. Des grenades explosent tous les jours ou presque. Il n’y a aucun approvisionnement en eau portable ni en nourriture. Les soins médicaux délivrés par des ONG ou par l’ONU y sont sporadiques. Cette population, assiégée est isolée, vit sous la menace constante et désespère de ne pas pouvoir quitter les lieux.
Lors de l’évaluation de la situation et des besoins que nous avons menée à PK 12, nous avons constaté que l'état nutritionnel et sanitaire des populations y était désastreux. Ainsi, 20 % des enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de malnutrition sévère. Notre équipe médicale mobile a commencé par vacciner les enfants contre la rougeole (une pathologie souvent associée à la malnutrition). Depuis, régulièrement, un dispensaire mobile MSF se rend sur PK 12 pour fournir des soins de santé primaires, prendre en charge les blessés et en transporter certains vers les hôpitaux.
De quelle façon la situation a-t-elle évolué au cours des dernières semaines ?
Au cours des deux dernières semaines, 14 grenades ont été lancées sur le camp de PK 12, faisant un mort et une quinzaine de blessés. Ca tire régulièrement. Les gens sont terrorisés et traumatisés. Ils voudraient partir, mais ils savent qu’ils risquent d’être tués s’ils essaient. En effet, à plusieurs reprises, des convois de civils musulmans quittant Bangui ont été attaqués. Une fois, un homme est tombé d’un camion : il a immédiatement été lynché. Des grenades sont lancées sur les convois aussi.
Le 18 février dernier, l’armée tchadienne a envoyé des camions pour évacuer une partie des déplacés du camp de PK 12, mais ils n’ont pu emmener que 250 personnes. Désespérées, les 2 000 restantes ont paniqué et, dans le chaos, cinq enfants, dont un bébé, ont été piétinés à mort...
Par ailleurs, ce niveau de violence entrave l’accès aux soins et à l’assistance et complique le travail des acteurs humanitaires. Diverses organisations, dont MSF, ont été menacées à proximité des postes de contrôle anti-Balakas.
Y a-t-il d'autres situations similaires à celle de PK 12 en RCA ?
En dehors de Bangui, il y a plusieurs autres régions où les gens vivent ainsi, assiégés et dans la peur. Toute la population, quelle que soit sa religion, est confrontée à cela. Dans le Nord du pays, des milliers de personnes sont ainsi prises au piège. Ainsi, à Boguila, notre équipe a découvert une communauté chrétienne prisonnière d’un groupe armé.
Du fait de l’insécurité, une grande partie de la population ne peut et ne veut pas se rendre dans les centres de santé ou les hôpitaux. Même blessés ou très malades, les gens ont peur pour leur vie et sont trop effrayés à l'idée de se déplacer, même à bord de l’une des quelques ambulances encore disponibles. L’acheminement de l’aide est également entravé, surtout lorsque les bénéficiaires sont assiégés.
A Bangui et en province, des centaines de milliers de personnes sont toujours déplacées. Des familles qui avaient trouvé refuge dans la brousse commencent à revenir dans leurs villages, mais pour constater que tout a été brûlé et que tout est à reconstruire. Les champs ont été détruits ou bien sont inaccessibles. Nous nous attendons à d’importantes pénuries alimentaires.
Comment les populations réagissent-elles lorsqu’elles sortent de la brousse pour revenir dans leurs villages ?
À Bolio, un village situé près de Boguila, les populations ont fui en brousse en juin 2013, au moment où les Sélékas sont arrivés dans la région. Ces derniers ont ciblé les anti-Balakas mais ils ont également tiré sur des civils, des femmes et des enfants. Dans la brousse, ces personnes ont mangé ce qu’elles pouvaient trouver : des ignames et des légumes sauvages, des feuilles...
Depuis deux semaines, ces déplacés commencent à revenir chez eux mais ils sont encore nerveux lorsqu’ils entendent le bruit d’un moteur de voiture. Leur village a été pillé et ils doivent reconstruire leur vie. Ceux qui sont assiégés ont beaucoup de mal à trouver de quoi se nourrir et des médicaments pour se soigner.
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