Retour sur notre programme de soutien psychologique
D'autres programmes spécifiquement dédiés à la santé mentale ont été développés dans des circonstances similaires. Le bilan officiel des victimes de Bam fait état de 26 000 morts : la plupart des habitants ont perdu un membre de leur famille, un ami... Pour la majorité, la destruction de leur propriété était totale. Le rôle des psychologues a été de mener des évaluations et d'offrir un exutoire aux angoisses et aux inquiétudes de cette population sinistrée.
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Iran - janvier 2004
Ce couple se recueille sur la tombe de leurs deux filles décédées lors du tremblement de terre.
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Chacun a réagi à sa manière : certains s'en sont pris à la communauté internationale qui a mis, selon eux, trop longtemps à réagir et à apporter les premiers et essentiels secours ; beaucoup ressentent une immense colère, ils ne peuvent pas dire pourquoi ni d'où elle vient ils la ressentent c'est tout ; quelques uns incriminent le manque de qualité des constructions et parlent du besoin d'améliorer les normes anti-sismiques des habitations ; pour beaucoup, le séisme a été une punition, une " volonté de Dieu ", ils méritaient cette catastrophe car trop égoïstes " avant ", pas désireux de s'entraider quand tout allait bien ; pour d'autres, le simple fait de vivre à proximité d'une " mauvaise personne " était suffisant pour être eux-aussi punis.
Puis, le temps passant, les rescapés étaient de plus en plus à même de réagir à la situation et de commencer à se reconstruire une vie. Les besoins concrets sont redevenus prioritaires, les demandes pour avoir à nouveau accès à l'eau, à l'hygiène, au gaz et à l'électricité étaient les premiers signes évidents d'une volonté de retour à la normalité. Vers la mi-février, il y a eu quelques signes d'amélioration. Les survivants reconnaissaient qu'ils avaient besoin de parler de ce qui s'était passé, de ce qu'ils avaient enduré, se sentaient prêts à aller de l'avant. Cependant, pour certains, le traumatisme restait insurmontable. Ainsi, une femme nous disait faire tellement de cauchemars qu'elle s'enfuyait, chaque nuit, paniquée de sous sa tente. Les demandes de médicaments pour dormir ou même oublier ce qui s'était passé étaient fréquentes.
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Iran- janvier 2004
Les équipes mobiles de MSF vont à la rencontre des familles hébergées
dans des tentes, installées souvent à proximité des restes de leur
maison.
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Les psychologues de Médecins Sans Frontières faisaient le tour des camps, "frappant" aux entrées des tentes et expliquant ce que nous pouvions apporter. La plupart des gens étaient contents de les voir.
Il y a eu les premières consultations. Les patients nous parlaient d'amis, de membres de leur famille qui se sentaient mal, dans un état " pire " que le leur. Il est fréquent que les gens mentalement fragiles " avant " souffrent encore davantage " après " d'avoir survécu. Le bouche à oreille a été rapide et nos équipes se sont rapidement rendues compte que beaucoup avaient entendu parler de nos visites et attendaient que nous nous présentions à la " porte " de leur tente.
La manière de procéder était souvent la même : une petite discussion anodine, au début, débouchait rapidement sur une conversation plus longue et approfondie sur le séisme et les conséquences que ça a eu pour la famille. Les psychologues pouvaient alors évaluer le degré de souffrance et le besoin des rescapés d'être soignés et suivis. Ceux qui surmontaient mieux que les autres leur traumatisme étaient aussi sensibilisés afin de veiller sur ceux qui dans leur entourage souffraient peut être davantage et nécessitaient le soutien de leurs proches.
L'urgence passée, Médecins Sans Frontières a transféré son programme de soutien psychologique au ministère de la santé iranien et aux autorités locales. Notre expérience à Bam a démontré le réel besoin de continuer à soutenir psychologiquement, y compris sur du long-terme, la population. Les autorités locales sont désormais informées des besoins et des possibilités de soigner.