Soigner les blessures psychologiques des réfugiés libériens en Sierra Leone

Fuir la guerre, fuir des combattants qui utilisent les populations
civiles comme réservoirs de main d'oeuvre, qui recrutent de force les
hommes, les femmes et les enfants, qui violent, qui tuent. Au cours des
quatre années de guerre civile qui ont déchiré le Liberia, des
centaines de milliers de personnes ont fui les
violences quotidiennes, des confrontations qui laissent parfois des
traces physiques, mais aussi des blessures psychologiques.En Sierra Leone, un programme de soins psychiques a ouvert pour prendre en charge les réfugiés libériens. Reportage.

Dans le camp de Tobanda, ouvert au printemps dernier à l'est de la Sierra Leone, près de 6000 réfugiés libériens tentent de souffler après des semaines, des mois de fuite. La forêt n'est pas encore complètement défrichée, le terrain est inégal et les pluies diluviennes ravinent quotidiennement les routes du camp, un vrai bourbier à la saison des pluies. Les distributions de nourriture laissent aussi à désirer. Pourtant, pour les nouveaux arrivants, pour tous ces gens qui ont fui les combats au Libéria, c'est un havre de paix. Une route dangereuse au long de laquelle ils ont subi des attaques jusqu'à la frontière, où ils ont été retenus, pillés, violentés.

"On a affaire à deux types de patients : des personnes qui cumulent des traumas anciens et des traumas récents, et ceux qui viennent de vivre des évènements traumatiques durant ces trois derniers mois" raconte Colette, une des psychologues de MSF qui participe à la mise en place du programme de soins psychologiques dans ce camp de réfugiés. "Surtout en ce qui concerne les jeunes enfants, on se trouve là dans une situation de soins immédiats." Avec l'aide des conseillers de santé qui sillonnent le camp, Colette a très vite identifié des patients qui ont un urgent besoin d'une prise en charge psychologique.
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Camp de Tobanda, Sierra Leone.
Consultation dans le dispensaire ouvert par MSF dans le camp de réfugiés.

Comme V., une femme d'une cinquantaine d'années. Elle a fui le Libéria en emmenant son petit-fils âgé de trois ans. Ils ont marché pendant deux semaines pour atteindre la Sierra Leone. Sur le chemin elle a été battue et dépouillée de ses quelques biens. Arrivée au camp, logée dans une tente communautaire, elle se sent désormais sans forces et sans aucun courage. Elle ne supporte pas d'entendre son petit-fils pleurer et ne parvient plus à le consoler. Des signes qui ne trompent pas. "Je lui ai proposé de revenir à la clinique la semaine suivante. Elle est revenue accompagnée de deux autres femmes qui souhaitaient me parler. La liste d'attente des patients pour la psychologue n'a fait que s'allonger."

Des consultations individuelles pour les adultes, des groupes thérapeutiques pour les enfants : tels sont les premiers axes d'intervention de ce programme de soins psychologiques. "Avec des outils comme le dessin ou le jeu, les enfants peuvent trouver des supports qui leur permettent de raconter les violences qu'ils ont subi ou dont ils ont été témoins. La thérapie de groupe permet aussi d'identifier quels sont les enfants qui ont besoin d'une prise en charge psychologique individuelle."

Une volontaire psychologue vient donc de rejoindre l'équipe de MSF à Tobanda, un médecin et une infirmière expatriée qui travaillent aux côtés de l'équipe libérienne et sierra-léonaise pour assurer la prise en charge médicale quotidienne des habitants de ce camp.

Désormais, les réfugiés de Tobanda pourront aussi faire soigner leurs blessures psychologiques qui peuvent se révéler tout aussi handicapantes que les séquelles physiques.

Photo : Michael Neuman/MSF - mars 2003

Notes

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