Fatouma, la mère de Fatma, raconte : «Juste après sa naissance, j'ai bien vu que quelque chose n'allait pas : elle avait le ventre gonflé et ne parvenait pas bien à téter» . La jeune mère touche régulièrement le masque qui fournit en permanence l'oxygène indispensable à sa fille.
Son inquiétude n'est pas démesurée : depuis cinq jours, l'équipe médicale MSF s'efforce de maintenir l'enfant en vie, mais les risques restent élevés. A 45 jours, Fatma souffre de dommages cérébraux permanents, de pneumonie et de détresse respiratoire aiguë. Il est impossible de reconstituer les faits a posteriori, mais l'enfant a dû attraper une infection dès les premiers jours de sa vie. Pendant un mois et demi, elle n'a pas reçu les soins nécessaires et son état a empiré.
Fatouma a d'abord essayé de soigner sa fille, en recourant d'abord à des pratiques traditionnelles. « Ma grand-mère s'est occupée de Fatma quand elle avait sept jours » indique Fatouma sans plus de précisions. De très nombreuses cicatrices, peu profondes mais parfaitement visibles sur le ventre de l'enfant, montrent que des incisions superficielles ont été pratiquées.
«Mais elle n'allait pas mieux et trois semaines après, je l'ai emmenée à la clinique où on lui a donné du sirop », explique Fatouma. Cette clinique, ouverte par MSF en 2004, a été ensuite reprise par une autre ONG. Six jours plus tard, le bébé respirait avec difficulté et Fatouma est retournée à la clinique.
Devant l'état de santé manifestement grave de l'enfant, les autres patients l'ont laissée passer en priorité. Elle a reçu cette fois « un gros comprimé blanc », à diviser en cinq et à donner à l'enfant une fois par jour. En sortant de la clinique, Fatouma décide de se rendre à l'hôpital et Fatma est finalement admise dans le service de pédiatrie.
2 assistants médicaux pour 40 000 déplacés
Fatouma est revenue à Hamedia, un camp de déplacés dans la ville de Zalingei, il y a un an. Pendant quatre ans, elle avait fui à El Geneina, la capitale du Ouest Darfour, mais la sécurité se dégradant là-bas, elle a décidé de retourner chez elle.
Entre-temps, la situation a profondément changé à Hamedia, un camp qui compte aujourd'hui plus de 40 000 personnes déplacées. Des dizaines de familles continuent d'arriver chaque mois. Mais les deux cliniques de Hamedia ne fonctionnent que quelques jours par semaine, avec, le plus souvent, un seul assistant médical, formé pour traiter les pathologies mineures les plus fréquentes.
A quelques pas de Fatouma, sous la tente hébergeant les enfants malnutris qui commencent à reprendre du poids, Radia nourrit sa fille de sept mois, Awa. Radia a rejoint le camp de Hamedia il y a cinq ans, à l'instar de tous les habitants de son village. « Depuis que nous sommes arrivés, nous avons reçu régulièrement ce dont nous avions besoin : nourriture, couvertures, bâches plastiques... Mais cette année, nous avons manqué d'eau et de nourriture, et nous n'avons reçu ni couvertures ni bâches pour refaire l'abri. Pendant quarante jours, il n'y a pas eu de distribution de nourriture puis, nous avons reçu une ration réduite, il n'y avait pas d'huile ni de lentilles, et moins de sucre et de sorgho. » explique Radia.
Diminution des distributions de nourriture
A sept mois, sa fille Awa pèse cinq kilos, elle est sévèrement malnutrie. « Elle essayait de téter mais je n'avais pas beaucoup de lait », explique Radia. « Maintenant ça va mieux, j'ai plus de lait et elle a plus d'appétit. » Les six membres de la famille de Radia ont été enregistrés à leur arrivée comme bénéficiaires de l'aide alimentaire.
Cinq ans plus tard, ils sont toujours considérés comme une famille de six personnes par le Programme Alimentaire Mondial. Pourtant aujourd'hui, ils sont treize personnes à nourrir. Deux enfants nés dans le camp n'ont pas été pris en compte, le système n'incluant aucun nouveau-né depuis quatre ans. De plus, un cousin les a rejoint, et avec lui, les quatre membres de sa famille. Les nouveaux arrivants, également des personnes déplacées, n'ont pas encore reçu d'aide alimentaire, Radia partage donc sa ration avec eux. Pour essayer de gagner un peu d'argent et acheter de la nourriture au marché, elle lave du linge en ville. Malgré tout, constate-elle, « Personne ne termine le repas le ventre plein »