"L'Étranglement"
Srebrenica, c'est le nom de cette enclave de Bosnie-Herzégovine assiégée par les forces serbes, pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Déclarée "zone de sécurité" par les Nations unies, et placée sous le contrôle d'un contingent de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU), plus de 40.000 civils survivaient depuis plus de deux ans dans des conditions très difficiles, sous la menace permanente des artilleurs serbes.
Les volontaires de MSF sont entrés dans l'enclave en mars 1993. Ils décident d'y rester pour améliorer le quotidien d'une population éprouvée par l'enfermement et la guerre, et témoigner de son sort. Pendant plus de 3 ans, chirurgiens, anesthésistes, médecins et infirmiers, tous volontaires, se succèdent dans l'hôpital de Srebrenica, au chevet des patients blessés, meurtris. Malgré tous les efforts déployés pour acheminer l'aide internationale, l'avenir des 40.000 assiégés n'en reste pas moins suspendu à la volonté de la communauté internationale de les voir survivre.
En 1995, les dirigeants serbes décident de renforcer leur stratégie d'"étranglement" des enclaves bosniaques en bloquant l'accès des convois de nourriture et de médicaments, ainsi que la relève du personnel des organisations humanitaires et de la FORPRONU. Lorsque le général Mladic lance son offensive contre l'enclave de Srebrenica, le 6 juillet, il sait déjà que l'Occident ne réagira pas.
Le 10 juillet, après 4 jours de bombardements intenses, l'hôpital de Srebrenica est débordé. Plus de 80 blessés sont déjà allongés dans les couloirs pendant qu'une pluie de roquettes continue de s'abattre sur la ville. Alors que la salle des opérations ne désemplit pas, l'équipe médicale de MSF demande l'assistance des médecins du bataillon hollandais de la FORPRONU basé à Potocari, au nord de la poche. La réponse est négative. Le 11 juillet, la population de Srebrenica, terrorisée, fuit vers la base de la FORPRONU espérant encore une protection internationale. Les forces serbes tirent sur les colonnes d'habitants en fuite. Elles prennent rapidement le contrôle de l'ensemble de la poche et désarment les Casques bleus sans qu'ils opposent aucune résistance. Les frappes aériennes lancées par l'Otan arrivent trop tard. La "zone de sécurité" de Srebrenica n'existe plus, sacrifiée par les Nations unies. "L'évacuation des civils" qui suit a été soigneusement planifiée par les autorités serbes de Bosnie. Des dizaines de bus et de camions réquisitionnés transportent, en moins de deux jours, près de 30 000 personnes en territoire bosniaque. Srebrenica est vidée de sa population.
L'abandon de Srebrenica s'est soldé par le massacre de 7.000 personnes et la déportation de 40.000 autres. Parmi elles, des dizaines de blessés et de malades que nous soignions et 22 membres de notre personnel bosniaque.
Cinq ans après les massacres de Srebrenica, MSF a demandé, en juillet 2000, la création d'une commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner la part des responsabilités politiques et militaires de la France dans la paralysie des Nations unies et de l'OTAN face à l'attaque bosno-serbe contre Srebrenica.
Les commissions de la Défense et des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale ont décidé conjointement de mettre en place le 23 novembre 2000 une mission d'information parlementaire sur cette question. Cette mission a rendu son rapport le 29 novembre 2001.