Tchad - Des blessés nous racontent

Enfant blessé et opéré à l'hôpital du Bon Samaritain
Enfant blessé et opéré à l'hôpital du Bon Samaritain- © Alois Hug

Les récents affrontements entre forces rebelles et gouvernementales à N'Djamena ont été d'une violence sans précédent. Durant deux jours, la population est entre deux feux, prise au piège des combats.Les victimes civiles sont nombreuses, et, dans bien des cas, elles n'ont pu accéder aux hôpitaux qu'à la fin des hostilités.Des blessés nous racontent comment ils ont vécu ces événements.























Jean, 29 ans, mécanicien
« C'était samedi, vers 18 heures. Je me trouvais devant la porte de la maison, quand une attaque s'est produite sur le pont. On nous a dit de fuir le quartier, mais nous n'avions nul part où aller. Finalement, nous nous sommes réfugiés dans une cabine téléphonique. C'est à ce moment là qu'un obus est tombé et j'ai reçu un éclat. Il y avait un petit avec moi dans la cabine, il a aussi reçu un éclat. Trois autres sont morts. J'ai vu du sang. Je ne pouvais plus bouger. Quelqu'un est allé chercher un pousse-pousse pour m'emmener à un hôpital, mais tous étaient fermés. Nous sommes donc retournés à la maison. Là on m'a fait un bandage en attendant, et le lundi, quand les combats ont cessé, on m'a emmené à l'hôpital. J'espère que c'est fini, les rebelles se sont retirés. Nous demandons à Dieu qu'il nous garde.»

Charlotte et sa fille, Karine, 18 ans
« C'est arrivé dans le centre, samedi. Ma fille se trouvait dans la maison d'une amie lorsqu'il a commencé à y avoir des combats. Soudain, elle a reçu une balle au thorax. Elle est tombée, elle était paralysée et son ventre a commencé à enfler. Ce n'était pas loin de l'hôpital central, mais on ne pouvait pas l'emmener à cause des tirs. On l'a donc emmené chez ma sœur. Un médecin qui n'est pas chirurgien l'a pris en charge. Mais le dimanche ma sœur s'est enfuie au Cameroun et elle est restée toute seule. Quand je l'ai retrouvée le lundi elle était presque morte à cause de l'hémorragie. Je savais qu'à l'hôpital de Walia il y avait les médecins sans frontière et qu'ils ne nous demanderaient pas d'argent pour le traitement, donc je l'ai emmenée.La guerre ce n'est pas bien, ça bouleverse tout. C'est la troisième fois que je vis des événements. Moi je suis déjà âgée, tant pis si je meurs, mais on s'inquiète pour les enfants.»

Ali Assan, 23 ans, et son père El Hadj Asan Abdulei
« C'est arrivé au centre, le dimanche matin, vers 7 heures 30. Nous étions trois. Mes deux frères et moi, à la maison. Un obus est tombé. J'ai perdu un doigt et j'ai reçu des éclats au
visage et sur le corps. Un de mes frères a perdu la jambe, l'autre a aussi reçu des éclats au dos. Tout le monde s'est enfui, on m'a abandonné.»
Le père : « Je me trouvais dans une autre maison. On est venu m'informer que mon fils était mort, mais comme il y avait des pilonnages et beaucoup de tirs il fallait attendre. Finalement, j'ai pris mon courage à deux mains et j'y suis allé. Pour l'enterrer, je pensais. Mais par la grâce de Dieu, quand je suis arrivé, il respirait encore. Je l'ai donc emmené à l'hôpital. Tout le reste de la famille est parti au village. Ils reviendront quand la paix reviendra.»



Gakso, 18 ans, et son père

«Nous étions toute la famille à la maison, à Walia. Une colonne armée était remontée vers le pont peu avant et il y avait eu des tirs. Mon fils est sorti se doucher et il a reçu une balle perdue dans le bas du ventre. Il saignait beaucoup. On l'a emmené avec la moto à l'hôpital. Ça va mieux à présent, mais ça fait très mal. Il va devoir rester trois mois à l'hôpital. Cette année il allait préparer son bac, mais là il va perdre l'année.»

Notes

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