Tchad - Soudan : l'isolement des réfugiés de Birak

Des réfugiés installés à proximité du village de Figuera le 28/02/2008
Des réfugiés installés à proximité du village de Figuera, le 28/02/2008 © Alois Hug /MSF

Les réfugiés soudanais arrivés récemment dans la région de Birak, au Tchad, vivent dans des conditions très précaires. L'acheminement des secours est difficile le long de la frontière, mais les réfugiés hésitent à s'en éloigner. Reportage à Birak.

« Ceux qui sont morts, nous les avons laissés derrière, nous avons même dû laisser des blessés. Chacun est parti seul. Si tu as eu le temps de prendre ton enfant, tu as de la chance. Nous sommes partis sans nous retourner » se souvient Fatima, une femme de 60 ans arrivée à Birak le 20 février.

Les premiers réfugiés sont arrivés au Tchad le 9 février, fuyant les attaques sur Seleah, Abu Shuruj et Sirba, au Darfour. Une deuxième vague, venue de la région du Jebel Moon, les a suivi à partir du 20 février. Petit à petit, les familles se sont regroupées du côté tchadien. Près d’une semaine après la dernière attaque, certains parents continuaient de chercher leurs enfants. Selon les familles, beaucoup de personnes âgées qui ne pouvaient pas se déplacer seraient restées au Darfour.

Partis sans rien. La plupart des réfugiés n’ont rien pu emporter dans leur fuite. Arrivés au Tchad, ils se sont regroupés dans différents sites sur plus de 30 kilomètres, le long de la frontière. Il est difficile d’estimer leur nombre, environ 10 000 personnes, peut-être plus. Ils se sont installés sous les arbres, dans les oueds ou derrière de simples branchages.

Nous ne pouvons ni retourner au Soudan, ni rester ici car il n'y a pas de nourriture et pas d’eau. Si une organisation nous emmène dans un autre camp, nous irons
une réfugiée soudanaise

Un certain nombre d’entre eux a reçu l’aide de la population locale et des quelques organisations présentes – dont MSF– mais beaucoup survivent dans des conditions encore très précaires. L’état de santé des réfugiés semble pour l’instant rester stable. « Nous souffrons du froid et nous avons mal au ventre, rien de grave. Mais dans quelques jours, il pourrait y avoir un vrai gros problème », résume Abdallah, un homme venu du Jebel Moon avec ses 13 enfants. Jusqu’à présent, il a survécu grâce à l’aide de la population locale et de parents.

Aller-retour risqués. Sans autre alternative, de nombreuses personnes décident de retourner dans leur village au Soudan pour y chercher de quoi manger. Ce sont généralement les femmes qui font le déplacement car les hommes se feraient tuer, disent-ils, les miliciens étant toujours présents dans les villages. Elles entrent dans les villages de nuit, pour éviter les hommes armés. Même ainsi, l’expédition n’est pas sans risque.

«Les miliciens nous ont frappés avec des fouets », racontent Hawa et Fatima, retournées récemment à Gosmino. « Si tu prends juste un petit sac de mil, ils te laissent passer, mais si tu prends un grand sac ou autre chose, ils le prennent.» Fin février, l’équipe de MSF du centre de santé de Birak a pris en charge un homme blessé par balle alors qu’il tentait d’aller chercher de la nourriture à Seleah. « Il n’avait pas le choix, il n’y avait plus rien à manger et sa femme est malade » explique son oncle.


Un blessé est transféré à Guereda, en février 2008. En raison de l'insécurité, les équipes de la section suisse de MSF utilisent des véhicules privés pour le transport des blessés.
© Alois Hug /MSF
De nouveaux camps ? L’acheminement des secours vers cette région instable et isolée reste extrêmement difficile. Tant qu’ils se trouveront le long de la frontière, la situation de ces réfugiés ne saurait s’améliorer. Beaucoup considèrent que la seule solution serait leur transfert vers un lieu plus sûr. « Nous ne pouvons pas retourner au Soudan, à cause de l’insécurité. Et ici, nous ne pouvons pas rester parce que nous n’avons pas de nourriture et pas d’eau. Si une organisation nous emmène dans un autre camp, nous irons », dit une réfugiée installée près du village de Figuera. Tous ne sont pas du même avis, cependant : certains cheikhs (des chefs communautaires) préfèrent rester près de la frontière pour pouvoir retourner au Soudan dès que la situation le permettra. Mais pour bon nombre d’entre eux, fatigués de cette guerre qui n’en finit pas, le retour au pays semble en ce moment exclu.

Pour la grande majorité des réfugiés arrivés récemment au Tchad, il ne s’agit pas de la première attaque. Presque tous disent avoir été déplacés en 2003 ou en 2004, suite à des attaques de miliciens. « Le Darfour c’est trop amer, je ne veux pas y retourner. Avant, je vivais bien dans mon village, mais en 2004, les miliciens nous ont chassés dans un camp. Et maintenant ils nous ont chassés ici. Je ne veux pas repartir », assure Fatima, la grand-mère arrivée à Birak il y a quelques jours.

Notes

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