Témoignage de Jillian, infirmière à Old Fangak au Soudan du Sud

L'hôpital de MSF à Old Fangak au Soudan du Sud.
L'hôpital de MSF à Old Fangak, au Soudan du Sud. © MSF

Jillian Loveland est revenue il y a quelques semaines de sa mission avec Médecins Sans Frontières à Old Fangak, au Soudan du Sud. Elle y a passé 6 mois comme directrice des soins infirmiers et faisait partie de l’équipe qui a ouvert ce projet en novembre dernier. Elle nous livre ici ses impressions sur sa mission, les réussites et les difficultés auxquelles elle a dû quotidiennement faire face.

Nous étions cinq sur le terrain, ce qui est vraiment peu : un coordinateur de projet, un logisticien, un médecin, une infirmière et moi. J’étais directrice des soins infirmiers et l’autre infirmière effectuait sa  première mission. En cas d’évacuation, notre équipe ne devait pas dépasser 7 personnes. Le seul moyen d’évacuer rapidement était l’avion mais la piste ne faisait que 700 mètres de long et un avion de plus de six passagers ne pouvait donc pas y atterrir.

Sur place, nous travaillions en collaboration avec l’équipe d’une ONG américaine qui s’occupait de l’hôpital d’Old Fangak avant nous. Nous avons ensuite embauché du personnel sur place, notamment parmi les personnes déplacées. Certains avaient déjà travaillé avec MSF à Malakal.

L’accès aux études médicales est très difficile au Soudan du Sud. Il est donc difficile de trouver du personnel qualifié en général et encore plus lorsque vous êtes au milieu de nulle-part. Un jour, j’ai  diffusé une offre d’emploi pour un poste d’infirmière, et je n’ai reçu que deux CV. Nous étions le plus gros employeur sur place, mais il n’y avait en ville personne de vraiment qualifié.

Au début du projet, l’un de mes collègues du service d’urgence n’avait encore jamais approché de patient. Je lui ai appris à prendre la température, le pouls et quand j’ai fini ma mission, il était l’un de nos meilleurs assistants infirmiers. Il effectuait des intraveineuses, des injections, nous aidait pour les réanimations etc.

Jillian Loveland portant un nouveau-né, à Old Fangak.

Jillian Loveland portant un nouveau-né, à Old Fangak. ©  MSF

L’argent ne servait à rien, il n’y avait rien à acheter

L’hôpital est situé dans la zone tenue par l’opposition. Les seules voies d’accès sont la rivière et la voie aérienne. Mais la région a été affectée par de violents combats. Le ravitaillement pour la population – que ce soit le ravitaillement médical, logistique ou même les produits de base – ne pouvait pas traverser la ligne de front. Il était difficile de trouver des provisions et il n’y avait même plus de savon sur le marché. Aucun commerçant n’était autorisé en ville. Nous donnions de l’argent à notre équipe locale, mais que peut-on faire avec de l’argent  quand il n’y a absolument rien à acheter ? Ils préféraient avoir du savon, des seaux ou des chaussures plutôt que de l’argent avec lequel il ne pouvait rien acheter.

Tout le monde comptait sur le Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour la nourriture. Les gens cultivent, mais avec la saison sèche il n’y  pas de récoltes et il y avait tellement de personnes déplacées – venant de Phom El-Zeraf et de Malakal au Nord – que les récoltes auraient été insuffisantes pour nourrir tout le monde. 

50 blessés d’un coup

Au début du projet, nous prenions en charge surtout des blessés de guerre. Mais avec l’arrêt des combats dans la zone entre décembre et mars,  nous avons surtout reçu plus de patents atteints de Kala-Azar, de paludisme, des femmes enceintes avec des grossesses compliquées et des enfants malnutris. En mars, les affrontements ont repris et nous avons alors reçu 50 blessés d’un coup en provenance du front.

Pour cet afflux de blessés, nous avons eu l’information de leur arrivée vers 12h30, mais nous ne savions pas combien ils étaient, ni d’où ils venaient. Nous savions juste qu’il y avait eu des combats dans la matinée et jusqu’ici nous avions reçu au maximum 46 blessés d’un coup. Nous avons donc commencé à installer ce qu’il fallait pour pouvoir accueillir 50 personnes : tentes, stocks de matériel médical et de médicaments, des vêtements, etc. A 17h30, 44 blessés sont arrivés en même temps.

Nous nous sommes occupés de ces personnes, les avons stabilisées, et soignées. Vers 21h15, un des patients continuait à perdre du sang. Nous nous sommes rendu compte qu’il souffrait d’une fracture ouverte. Je n’ai eu d’autres choix que de l’anesthésier sous la tente qui nous servait de salle d’urgence alors que l’assistant infirmier le stabilisait et lui posait des attelles pour préparer son transfert vers une autre organisation qui puisse l’opérer rapidement. Nous avons fait ça après s’être occupé de 43 autres patients. C’est là que nous avons réalisé tout ce que nous avions fait en une seule  journée. Parler de tout cela semble irréel mais ce fût une mission très intéressante.


MSF a commencé à soutenir l’hôpital d’Old Fangak en décembre 2014 en intégrant les services de consultations, d’urgence, d’hospitalisation et de maternité. Depuis le début de l’année, les équipes ont dispensé plus de 15 000 consultations et hospitalisé près de 300 patients.

MSF compte parmi les plus importants acteurs humanitaires et médicaux au Soudan du Sud avec plus de 3 500 employés dans le pays, ainsi que des projets en Ethiopie et en Ouganda auprès des refugiés Sud-Soudanais. A l’heure actuelle, MSF gère des projets dans six des dix Etats du Soudan du Sud et notamment dans les Etats d’Unity, du Jonglei et de l’Upper Nile où le conflit a un impact particulièrement dévastateur sur la population. MSF gère également des activités dans la région administrative d’Abyei. Les équipes MSF répondent à différents besoins en matière de santé, allant de la chirurgie à la vaccination en passant par les soins obstétriques, la lutte contre le paludisme, le traitement du Kala-Azar et de la malnutrition.


Projets médicaux de MSF au Soudan du Sud en 2015

EN SAVOIR PLUS

► Consultez notre dossier détaillé sur l'urgence qui frappe le Soudan du Sud et les pays voisins.

Notes

    À lire aussi