Je m’appelle Mahmoud Hammad. J’ai 30 ans et je viens du quartier de Baba Amro à Homs, en Syrie. J’ai deux enfants, une fille de cinq ans et, depuis trois heures, un fils qui a vu le jour à la maternité MSF ici à Irbid.
Je suis arrivé en Jordanie avec ma famille en mai 2012 et, comme la majorité des réfugiés syriens dans le pays, nous avons traversé la frontière clandestinement. Quand on voit la situation sécuritaire en Syrie se dégrader et qu’on est père, on n’a pas beaucoup le choix quand il faut décider de partir ou de rester en Syrie. La sécurité et le bien-être de ma famille sont les raisons qui m’ont poussé à quitter Homs puis la Syrie, sans aucune hésitation. Vivre à Homs, c’est comme une tentative de suicide. Les combats incessants ne faisaient aucune distinction entre les civils et les combattants, les enfants et les adultes. N’importe quel objet qui était fixe ou qui bougeait était une cible !
J’ai mis deux semaines à arriver à la frontière entre la Syrie et la Jordanie. Nous bougions sans arrêt d’un endroit à un autre, jour et nuit. C’était épuisant et extrêmement risqué d’autant plus que nous circulions sans pièce d’identité. Tout ce que nous avons réussi à emporter avant de quitter la maison, c’était les vêtements que nous portions ! Ma fille avait quatre ans et je me souviens encore de la peur et de la panique sur son visage quand elle entendait les bruits des tirs et des frappes aériennes. Elle fait encore aujourd’hui des cauchemars et se réveille en pleine nuit en larmes. A chaque fois que cela arrive, je me dis que j’ai pris la bonne décision de quitter la Syrie.
Nous sommes d’abord arrivés dans un camp de réfugiés à Ramtha, le “Camp de Al-Bashabshe” où nous sommes restés deux mois. Puis nous avons dû partir du camp car les conditions de vie étaient dures, comparées au mode de vie auquel nous étions habitués au pays. La vie à laquelle j’aspirais en dehors des camps est une vie normale où on peut faire des choix. Nous avons trouvé le moyen de quitter le camp et sommes allés dans la ville de Mafrak où nous avons été confrontés à d’autres difficultés. Ce n’est pas facile de s’installer à Mafrak et d’essayer de s’intégrer.
Les logements à louer à Mafrak sont chers, je paye par exemple 160 dollars jordaniens (16o euros) pour un studio et je travaille tout le mois comme forgeron pour réunir cette somme. Un jour je trouve un atelier où travailler, mais le lendemain, ce n’est pas garanti. J’ai eu pas mal de chance parce qu’un Jordanien généreux prend en charge la scolarité de ma fille de cinq ans, il finance les frais de scolarité dans un jardin d’enfants privé. Sinon, elle resterait à la maison sans rien faire. Quand ma femme était enceinte, elle ne pouvait pas aller voir de médecin vu qu’on n’avait pas d’argent pour payer une consultation privée. Pour nous, il était plus important de garder de l’argent pour acheter du pain que de le dépenser pour une consultation médicale ! Quand on est réfugié, on n’a plus les mêmes priorités.
Mon cousin vit ici à Irbid et c’est par lui que j’ai appris l’existence de cet hôpital et que MSF donnait des soins gratuits aux femmes et aux enfants. Au début, je n’ai pas cru que c’était gratuit ou que les soins seraient de qualité. Mais quand je suis venu ici pour la première consultation avec ma femme, il était évident que les soins étaient de très bonne qualité et le personnel était très attentionné. C’est pourquoi nous avons décidé de revenir. Nous avons fait tout le trajet depuis Mafrak [à 60 km d’ici] pour avoir ces soins.
Je suis si heureux que nous ayons trouvé cet hôpital et que ma femme ait pu accoucher de notre bébé en toute sécurité. Mon fils est très mignon et je lui ai donné le nom de Zain Al-Abidine. Il est maintenant dans l’unité de néonatalogie et des infirmières MSF s’occupent de lui. Il est en bonne santé et retrouvera sa maman dans sa chambre, dans deux heures.
Le premier bébé examiné à la maternité MSF d'IrbidZain Al-Abidine est le premier bébé qui a été examiné dans l’unité de néonatalogie de la maternité MSF. Il est né le 22 octobre 2013 dans cette maternité MSF qui se trouve dans la région d’Irbid, dans le nord de la Jordanie. En mai 2012, le père de Zain a dû fuir avec sa famille la ville de Homs en Syrie, en raison des violents combats dans le quartier de Baba Amro.
« Zain est un beau bébé qui pèse 3,3 kg, explique Eve Van Den Bussche, infirmière superviseuse de MSF dans l’unité de néonatalogie, Nous avons dû le mettre en observation car sa mère a eu une césarienne sous anesthésie. Le bébé avait un peu froid, nous avons donc dû le maintenir au chaud dans une couveuse. Il sera ramené à sa maman dans une heure. »