Comment vous est venue l'idée de monter une maternité dans le camp hmong de Petchabun ?
Lorsque je suis arrivée dans le camp, j'avais pour mission d'effectuer une évaluation sur la prise en charge de la santé des femmes. Nous effectuions déjà des consultations prénatales basiques ainsi que des consultations de contraception .
Nous faisions aussi quelques accouchements quand il était trop tard pour un transfert vers l'hôpital. Une femme du camp, recrutée et formée à l'ouverture du projet par les différents médecins expatriés, menait l'ensemble de ces activités avec des limites propres à son manque de formation et à la capacité d'accueil limitée de la structure.
La plupart des femmes accouchaient à la maison, pas toujours dans de bonnes conditions, mais souvent elles préféraient cette solution plutôt qu'un transfert vers l'hôpital thaïlandais où elles étaient traitées avec peu de considération par le personnel soignant. Cela m'a aussi convaincue qu'il fallait déployer des moyens dans le camp pour que ces femmes viennent accoucher dans de bonnes conditions et dans le respect de leur tradition.
Quelles sont ces traditions ?
La tradition veut, par exemple, que la femme ne boive que du bouillon de poulet dans les jours qui suivent l'accouchement. Il est aussi important pour les Hmongs d'enterrer le placenta car celui-ci est considéré comme le berceau de la vie mais aussi celui où l'on reviendra après la mort. Lors de la naissance, les femmes adoptent différentes postures (agenouillées, accroupies...) et souvent prennent appui sur leur compagnon, qui sont toujours auprès d'elles.
Les hommes jouent aussi un rôle essentiel par la suite, dans le portage et le soin quotidien des bébés et des enfants. A l'hôpital, aucune de ces traditions n'étaient respectées. Les femmes restaient isolées de leur famille, dans un environnement souvent hostile ou du moins peu respectueux de leur culture. Ni les pères ni aucun autre membre de la famille n'était admis auprès de la femme lors de la naissance.
Quelles étaient les conditions pour ouvrir cette petite maternité ?
Cela devait se justifier, tout d'abord, en termes de nombre de naissances. Mais nous comptions dans le camp environ 350 à 400 accouchements par an, sur une population totale de 8 000 habitants. Cela représente une moyenne de 7 naissances chaque semaine.
La deuxième condition était, compte tenu de la proximité de l'hôpital thaïlandais, de pouvoir offrir à ces femmes un service de qualité selon les standards de MSF et d'établir une politique très claire quant à la prise en charge des complications et des transferts.
Pour cela, nous devions recruter puis former des personnes au métier de sage-femme, organiser les différentes activités autour de la santé reproductive et équiper correctement nos installations.Ca n'a pas été simple mais aujourd'hui, nous avons une équipe de trois sage-femmes hmongs qualifiées qui restent secondées par une expatriée, et des installations plus confortables et mieux équipées.
Est-ce que désormais toutes les femmes viennent accoucher dans la maternité du camp ?
Aujourd'hui environ 10 à 15 % des accouchements ont encore lieu à domicile contre plus de 50 % auparavant. Les transferts à l'hôpital ne concernent plus que les cas de complications. Si les femmes viennent nous voir c'est parce qu'elles se sentent en confiance, respectées et écoutées.
Nous leur offrons une prise en charge médicale complète, pas uniquement autour de la grossesse et la naissance. Beaucoup de femmes désormais n'hésitent plus à venir accoucher dans notre maternité, à se faire suivre et à faire suivre leur bébé après la naissance. C'est un vrai succès.
Dossier spécial exil des Hmongs du Laos en ThailandeRetrouvez notre dossier spécial rassemblant toutes les informations relatives à nos activités auprès de la communauté Hmong en Thailande.