La Thaïlande a parcouru un long chemin, c'est très encourageant. En
1997, lors de la première mission que j'ai effectuée en Thaïlande avec
MSF, dans les camps de réfugiés Karens le long de la frontière avec le
Myanmar (Birmanie), l'existence même du sida était niée par certains. À
l'époque, dans le pays, des enfants étaient exclus de l'école à cause
de leur séropositivité.
Si
les exclusions sociales n'ont pas totalement disparu, il y a
aujourd'hui un vrai débat public autour du sida en Thaïlande. Je pense
d'ailleurs que la conférence de Bangkok va être bénéfique pour la
diffusion de l'information sur la maladie dans le pays.
15 à 20% des malades du sida déjà sous ARV
En termes de soins aux patients infectés par le virus du sida, de gros
progrès ont également été faits. Nous le voyons dans nos programmes.
Dans les camps Karens, un service de dépistage et d'orientation
volontaire a été mis en place, et nous avons mis 20 patients sous
antirétroviraux (ARV). Je ne veux pas dire que c'est génial, mais cela
montre qu'il n'y a plus de négation de l'existence du virus.
A
Surin, au nord-est de la Thaïlande, nous avons commencé en 1996 par de
simples soins palliatifs à domicile. Puis nous avons assuré la prise en
charge des infections opportunistes [maladies plus ou moins graves qui
se développent à cause de la faiblesse du système immunitaire du
patient], en ouvrant une clinique VIH. puis, en 2001, nous avons mis
notre premier patient sous ARV. Aujourd'hui, nous sommes présents dans
six structures de santé dans deux provinces où, en collaboration avec
le personnel soignant thaïlandais, nous prenons en charge 1 750
patients séropositifs. Parmi eux, nous en avons mis 870 sous
antirétroviraux, dont 83 enfants.
A l'échelle nationale, on
estime que sur les 140 000 à 200 000 malades qui ont besoin d'ARV en
Thaïlande, 34 000 en reçoivent déjà. Les antirétroviraux sont d'ores et
déjà disponibles dans 400 hôpitaux, et ce chiffre devrait
progressivement doubler. Mais ce succès relatif ne doit rien au hasard.
Volonté politique et recours aux génériques
Tout d'abord, en Thaïlande, la prévalence n'est " que " de 1,8%,
inférieure à celle qu'on trouve dans d'autres pays d'Asie (comme le
Cambodge, où 3% de la population est infectée), sans parler des taux de
contamination (20 à 25% de la population) de certains pays d'Afrique.
En Thaïlande, la courbe des nouveaux infections est a la baisse, une
réussite des programmes de prévention.
Ensuite,
la Thaïlande dispose de plusieurs atouts. D'une part un système de
santé publique qui marche très bien, avec des médecins formés. D'autre
part, et c'est essentiel, une volonté politique forte de s'attaquer au
problème du sida. Enfin, la Thaïlande est capable de produire elle-même
ses propres médicaments antirétroviraux génériques à des coûts
satisfaisants. Ainsi, la Governmental Pharmaceutical Organization
fabrique le GPOvir, l'équivalent générique de Triomune®, une
combinaison d'antirétroviraux à dose fixe (FDC) réunis en un seul
comprimé. La disponibilité d'un FDC est un élément très important pour
faciliter l'adhérence des patients aux traitements.
La ThaÏlande, un cas à part en Asie
D'autres pays d'Asie se heurtent à de plus grandes difficultés. En
Inde, le problème est la masse de patients. Car avec 5,1 millions de
séropositifs, l'Inde a la deuxième population infectée au monde après
l'Afrique du Sud. Au Cambodge ou au Bangladesh, sans parler du Myanmar
(Birmanie), les infrastructures sont défaillantes et le manque d'accès
aux soins criant.